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de Paris des forces imposantes étaient distribuées pour maintenir le gouvernement dans la possession matérielle du pouvoir et pour accabler immédiate

M. LE PRÉSIDENT, s'adressant à l'officier : L'Assemblée nationale est ici réunie. C'est au nom de la loi, au nom de la Constitution, que nous vous sommons de vous retirer.

LE COMMANDANT. J'ai des ordres.

M. VITET. Un décret vient d'être rendu par l'Assemblée, qui déclare qu'en vertu de l'article 68 de la Constitution, attendu que le président de la république porte obstacle à l'exercice du droit de l'Assemblée, le président est déchu de ses fonctions, que tous les fonctionnaires et les dépositaires de la force et de l'autorité publiques sont tenus d'obéir à l'Assemblée nationale. Je vous somme de vous retirer.

LE COMMANDANT. Je ne puis me retirer.

M. CHAPOT. A peine de forfaiture et de trahison à la loi, vous êtes tenu d'obéir, sous votre responsabilité personnelle.

M. GRÉVY. N'oubliez pas que vous devez obéissance à la Constitution et à l'article 68.

LE COMMANDANT. L'article 68 n'est pas fait pour moi.

M. BESLAY. Il est fait pour tout le monde; vous devez lui obéir. (MM. le président Vitet et Chapot rentrent dans la salle.)

M. Vitet rend compte à l'Assemblée de ce qui vient de se passer entre lui et le chef de bataillon.

M. J. DE LASTEYRIE. Je vous proposerai, Messieurs, de rendre un décret qui ordonne au commandant de l'armée de Paris et à tous les colonels de légion de la garde nationale d'obéir au président de l'Assemblée nationale sous peine de forfaiture, afin qu'il n'y ait pas un homme qui ne sache dans la capitale quel est son devoir, et que, s'il y manque, c'est une trahison envers le pays. (Très-bien! très-bien!)

Un membre. Je demande qu'on mette en réquisition le télégraphe. M. LE GÉNÉRAL OUDINOT. Jamais nous n'avons éprouvé le besoin d'entourer notre président de plus de déférence et de considération que dans ce moment. Il est bien qu'il soit investi d'une sorte de dictature, passez-moi l'expression. (Réclamation de la part de quelques membres.) Je retire l'expression si elle peut éveiller la moindre susceptibilité ; je veux dire que sa parole doit obtenir immédiatement respect et silence. Notre force, notre dignité sont précisément dans l'unité. Nous sommes unis, il n'y a plus dans l'Assemblée de côté droit,

ni

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ment toute démonstration hostile. Les imprimeries étaient gardées militairement, les journaux de l'opposition étaient suspendus, l'hôtel de ville et le

de côté gauche. (Très-bien! très-bien!) Nous avons tous des fibres au cœur; c'est la France tout entière qui est blessée en ce moment. (Très-bien!)

M. LE PRÉSIDENT Benoist d'Azy. Je crois que la force de l'Assemblée consiste à conserver une parfaite union. Je propose, conformément à l'avis qui vient de m'être exprimé par plusieurs membres, que le général Oudinot, notre collègue, soit investi du commandement des troupes. ( Très-bien! très-bien! Bravo!)

M. TAMISIER. Sans doute M. le général Oudinot, comme tous nos collègues, ferait son devoir; mais vous devez vous rappeler l'expédition romaine qu'il a commandée. (Vives rumeurs. Réclamations nombreuses.)

M. DE RESSÉGUIER. Vous désarinez l'Assemblée une seconde fois. M. DE DAMPIERRE. Taisez-vous, vous nous tuez!

M. TAMISIER. Laissez-moi achever, vous ne me comprenez pas.

M. le président Benoist d'Azy. S'il y a des divisions parmi nous nous sommes perdus.

M. TAMISIER. Ce n'est pas une division; mais quelle autorité aurat-il sur le peuple?

M. BERRYER. Mettez la proposition aux voix, Monsieur le Président. De toutes parts. Aux voix ! aux voix!

(L'Assemblée, consultée, rend un décret qui nomme le général Oudinot commandant en chef des troupes.

Pendant qu'on rédige le décret M. le général Oudinot s'approche de M. Tamisier et échange avec lui quelques paroles.)

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Le général OudINOT. Messieurs, je viens de proposer à M. Tamisier de me servir de chef d'état-major. (Bravo!) Il accepte. (Très-bien! Bravos enthousiastes.)

(En ce moment les membres qui se trouvent auprès de la porte annoncent qu'un officier du 6e bataillon de chasseurs arrive avec de nouveaux ordres. Le général Oudinot s'avance vers lui, accompagné de M. Tamisier.)

M. Tamissier donne lecture à l'officier du décret qui nomme le général Oudinot général en chef de l'armée de Paris.

Le général OuDINOT, à l'officier : Nous sommes ici en vertu de la

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Palais de Justice étaient mis à l'abri de toute attaque.

La journée du 2 décembre se passa dans l'attente d'une lutte armée qui ne s'engagea point encore sé

Constitution. Vous voyez que l'Assemblée nationale vient de me nommer commandant en chef. Je suis le général Oudinot; vous devez reconnaître mon autorité, vous me devez obéissance. Si vous résistiez à mes ordres vous encourriez les punitions les plus rigoureuses. Immédiatement vous seriez traduit devant les tribunaux. Je vous donne l'ordre de vous retirer.

L'OFFICIER (Sous-lieutenant au 6o chasseurs). Mon général, vous savez notre position ; j'ai reçu des ordres.

LE GÉNÉRAL OUDINOT, à l'officier: Vous déclarez donc que vous avez reçu des ordres et que vous attendrez les instructions du chef qui vous a donné la consigne?

LE SOUS-LIEUTENANT. Oui, mon général.

LE GÉNÉRAL OUDINOT. C'est la seule chose que vous ayez à faire. (M. le général Oudinot et M. Tamisier rentrent dans la salle. Il est une heure un quart.)'

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LE GÉNÉRAL OUDINOT. Monsieur le Président, je reçois les deux décrets qui me donnent l'un le commandement de la troupe de ligne l'autre le commandement de la garde nationale. Vous avez bien voulu accepter, sur ma proposition, M. Tamisier comme chef d'état-major pour la troupe de ligne; je vous prie de vouloir bien accepter M. Mathieu de la Redorte comme chef d'état-major de la garde nationale. (Très-bien!)

Plusieurs membres. C'est à vous à faire ce choix, c'est dans vos pouvoirs.

M. LE PRÉSIDENT BENOIST D'Azy. Vous usez de votre droit; mais, puisque vous nous communiquez votre pensée à cet égard, je crois répondre à l'intention de l'Assemblée en disant que nous applaudissons à votre choix. ( Oui! oui! très-bien ! )

LE GÉNÉRAL OUDINOT. Ainsi vous reconnaissez M. Mathieu de la Redorte comme chef d'état-major pour la garde nationale ? ( Marques d'assentiment.)

M. le président BENOIST D'AZY, après quelques instants d'attente: On me dit que quelques personnes sont déjà sorties; je ne suppose pas que personne veuille se retirer avant que nous ayons vu la fin de ce que nous pouvons faire,

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rieusement. La population attendait, en proie aux anxiétés les plus diverses. Ceux qui aspiraient depuis trois ans, mais en secret, à la destruction des institu

De toutes parts: Non! non! en permanence!

M. BERRYER, rentrant dans la salle avec plusieurs de ses collègues : Messieurs, une fenêtre était ouverte ; il y avait beaucoup de monde dans la rue. J'ai annoncé par la fenêtre que l'Assemblée nationale, régulièrement réunie en nombre plus que suffisant pour la validité de ses décrets, avait prononcé la déchéance du président de la république, que le commandement supérieur de l'armée et de la garde nationale était confié au général Oudinot et que son chef d'état-major était M. Tamisier. Il y a eu acclamations et bravos. (Très-bien!)

(En ce moment deux commissaires de police se présentent à la porte de la salle, et, sur l'ordre du président, s'avancent auprès du bureau.)

L'UN DES COMMISSAIRES (le plus âgé). Nous avons ordre de faire évacuer les salles de la mairie. Êtes-vous disposés à obtempérer à cet ordre? Nous sommes les mandataires du préfet de police.

Plusieurs membres. On n'a pas entendu.

M. le président Benoist-d'Azy. M. le commissaire nous dit qu'il a ordre de faire évacuer la salle. J'adresse à M. le commissaire cette question: Connaît-il l'article 68 de la Constitution? Sait-il quelles en sont les conséquences?

LE COMMISSAIRE. Sans doute nous connaissons la Constitution; mais, dans la position où nous nous trouvons, nous sommes obligés d'exécuter les ordres de nos chefs supérieurs.

M. LE PRÉSIDENT BENOIST D'AZY. Au nom de l'Assemblée je vais faire donner lecture de l'article 68 de la Constitution.

M. le président Vitet fait cette lecture.

M. LE PRÉSIDENT BENOIST D'AZY, au commissaire. C'est conformément à l'article 68 de la Constitution, dont vous venez d'entendre la lecture, que l'Assemblée, empêchée de siéger dans le lieu ordinaire de ses séances, s'est réunie dans cette enceinte. Elle a rendu un décret dont il va vous être donné lecture.

M. le président Vitet donne lecture du décret de déchéance.

M. LE PRÉSIDENT BENOIST-D'Azy. C'est en vertu de ce décret, dont nous pouvons vous remettre une copie, que l'Assemblée s'est réunie ici, et qu'elle vous somme par ma bouche d'obéir à ses réquisitions. Je vous

tions républicaines, n'osaient croire à un triomphe qu'ils avaient appelé de leurs vœux ; mais les préludes leur faisaient peur, et, au lieu de se pro

répète que, légalement, il n'existe qu'une seule autorité en France en ce moment: c'est celle qui est ici réunie; c'est au nom de l'Assemblée, qui en est la gardienne, que nous vous requérons d'obéir. Si la force armée, si le pouvoir usurpateur agit vis-à-vis de l'Assemblée avec la force, nous devons déclarer que, nous, nous sommes dans notre droit. Il est fait appel au pays, le pays répondra.

M. DE RAVINEL. Demandez leurs noms aux commissaires.

M. LE PRÉSIDENT BENOIST D'AZY. Nous qui vous parlons, nous sommes MM. Vitet, Benoist d'Azy, vice-présidents, Chapot, Grimault et Moulin, secrétaires de l'Assemblée nationale.

LE COMMISSAIRE (le plus âgé). Notre mission est pénible, Messieurs; nous n'avons pas même une autorité complète; car dans ce moment c'est la force militaire qui agit, et la démarche que nous faisons était pour empêcher un conflit que nous aurions regretté. M. le préfet nous avait donné ordre de venir vous inviter à vous retirer; mais nous avons trouvé ici un détachement considérable de chasseurs de Vincennes, envoyé par l'autorité militaire qui a seule le droit d'agir, puisque Paris est en état de siége. La démarche que nous faisons est officieuse et a pour but d'empêcher un conflit fâcheux. Nous ne prétendons pas juger la question de droit; mais j'ai l'honneur de vous prévenir que l'autorité militaire a des ordres sévères, et elle les exécutera très-probablement.:

M. LE PRÉSIDENT BENOIST D'Azy. Vous comprenez parfaitement, Monsieur, que l'invitation à laquelle, vous donnez en ce moment le caractère officieux ne peut produire aucune impression sur nous. Nous ne céderons qu'à la force.

LE DEUXIÈME COMMISSAIRE (le plus jeune). Monsieur le Président, voici l'ordre qu'on nous a donné, et, sans plus attendre, nous vous sommons, que ce soit à tort ou à raison, de vous disperser. (Violentes rumeurs.)

Plusieurs membres. Les noms, les noms des commissaires!

LE 1er COMMISSAIRE (le plus âgé). Lemoine-Tacheret et Barlet. En ce moment un officier arrive, un ordre à la main, et dit : Je suis militaire, je reçois un ordre, je dois l'exécuter. Voici cet ordre :

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Commandant, en conséquence des ordres du ministre de la guerre,

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