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soutenue par M. le général Allard et par les orateurs du gouvernement, la loi fut adoptée et prit place dans nos codes à la date du 26 avril 1855. Depuis lors, il faut le dire, elle n'a pas entièrement répondu à l'attente du législateur, et, au moment où nous écrivons ces lignes (1867), le Corps législatif a été appelé à asseoir sur d'autres bases l'organisation de l'armée française.

Une loi votée dans le cours de la même session réorganisa les attributions des maires, la composition 'et la compétence des conseils municipaux, dans un sens plus favorable aux idées d'unité et d'ordre qu'aux doctrines démocratiques et libérales. C'était là encore une loi de transition et de nécessité, qui, douze ans plus tard, devait être améliorée au point de vue de l'initiative des administrations municipales et de l'émancipation des communes. Quelques dispositions du Code de Procédure civile furent simplifiées en ce qui concernait la contrainte par corps. Une loi introduisit de nombreuses améliorations dans notre procédure criminelle et dans le système de la transcription hypothécaire. Une loi de finance permit d'établir des taxes municipales sur les chiens.

XXIX

Mais le fait le plus important, dans l'ordre des choses pacifiques, que l'histoire ait à signaler dans les annales de cette année, est l'Exposition universelle de Paris, concours artistique et industriel auquel furent convoquées toutes les intelligences et toutes

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1853-1856]

EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1855.

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les industries des peuples. Si remarquable qu'ait pu être, à douze ans de distance, une autre exposition dont Paris a été également le foyer et le théâtre, celle qui fut ouverte en 1855 a droit aux souvenirs sympathiques de l'Europe civilisée.

A vrai dire, ces épreuves solennelles, ces concours internationaux ont toujours un but utile; elles permettent de constater, à certains intervalles, le niveau du progrès accompli par l'humanité.

On ne pouvait songer à Paris comme à Londres à élever une de ces serres gigantesques qui ont servi de rendez-vous à toutes les nations. L'état spécial de l'industrie française, ses habitudes, l'espace réservé qui lui fut assigné, tout s'y opposait. On se contenta d'une espèce de palais d'un goût médiocre et qui assurément n'avait rien de babylonien. On calcula même assez mal l'emplacement nécessaire, et, pour remédier à cette faute, on se vit forcé de construire une série d'annexes dont l'ensemble constituait un tout sans unité et très-disgracieux. Ce fut là qu'on établit séparément l'art et l'industrie. Pour faciliter les moyens d'exécution, le gouvernement appliqua la gratuité des transports, sans distinction, aux produits nationaux et aux produits étrangers. Une commission, chargée de tous les détails qui se rattachaient à ces splendides assises du travail, fut instituée et fonctionna sous la présidence de S. A. I. le prince Napoléon, cousin de l'empereur. « Nous avons voulu, dit le prince en s'adressant à S. M., que l'exposition universelle ne fût pas seulement un concours de curiosité, mais un grand enseignement pour l'agricul

ture, l'industrie et le commerce, ainsi que pour les arts du monde entier. Ce doit être une vaste enquête pratique, un moyen de mettre les forces industrielles en contact, les matières premières à portée du producteur, les produits à portée du consommateur; c'est un nouveau pas vers le perfectionnement, cette loi qui vient du Créateur, ce premier besoin de l'humanité, cette indispensable condition de l'organisation sociale... Nous avons accueilli sans révision toutes les œuvres dés étrangers, admises par leurs comités; nous n'avons été sévères que pour nous-mêmes. La tâche d'un jury d'admission est difficile et ingrate... sur 20,000 exposants, 9,500 appartiennent à l'empire français, 10,500 à l'étranger. La puissance que nous combattons (la Russie) n'a pas été exclue... » Les industriels russes, refusant de se conformer aux règles établies pour les exposants de toutes les nations, ne voulurent pas profiter de l'hospitalité que la France avait offerte aux produits de leurs manufactures et aux manifestations de leurs conquêtes artistiques. La France le regretta avec une loyale sincérité.

Le caractère de notre industrie nationale, tel qu'il se révéla durant cette exposition universelle de 1855, fut une tendance constante à répandre, même dans les classes les moins fortunées, le bienfait des inventions nouvelles et du comfort. A Paris, cependant, on ne s'était point laissé suffisamment guider par cette pensée; les exposants de cette capitale avaient trop perdu de vue que le but final de l'industrie et de la science n'est pas dans la fabrication plus ou moins brillante des choses de luxe, mais dans la livraison

1853-1856) LA REINE D'ANGLETERRE VIENT A PARIS.

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à bas prix des objets nécessaires ; ils avaient trop sacrifié au plaisir de confectionner des chefs-d'œuvre exceptionnellement affectés à l'opulence, tandis que l'intérêt véritable doit être dans les produits sérieux, dans les étoffes accessibles à tous, dans les ouvrages à la portée des petites fortunes, dans les machines de locomotion et de travail, dans l'horlogerie à bon marché, dans l'outillage, dans l'ébénisterie de bas prix, dans tout ce qui améliore le bien-être du plus grand nombre. Quoi qu'il en soit, un résultat immédiat de l'exposition universelle fut, pour la France, de stimuler ses manufactures, d'ouvrir une voie plus large à la production, de créer au commerce national des relations nouvelles et de stimuler les industries indigènes par l'aiguillon de la concurrence. L'esprit d'entreprise se réveilla au spectacle de ce qui se faisait ailleurs; le pays prit une juste confiance dans ses forces et dans ses ressources en se comparant à ses rivaux.

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XXX

Au mois d'avril de la même année l'empereur et l'impératrice des Français s'étaient rendus à Windsor et avaient fait une visite à Sa Majesté la reine Victoria. La réception faite aux augustes voyageurs avait été splendide autant que cordiale, et Napoléon III avait été reçu membre de l'ordre de la Jarretière. Ce fut pour l'Angleterre une occasion de ces démonstrations sympathiques que le peuple anglais se plaît à prodiguer, lorsque rien ne froisse son orgueil national.

A peine de retour de cette mémorable excursion, l'empereur des Français se vit, à Paris même, en butte à une tentative d'assassinat. L'auteur de cet acte odieux était un révolutionnaire italien nommé Jean Pianori; la justice, lorsqu'elle eut à châtier son crime, découvrit en cet homme un instrument des anarchistes de tous les pays qui s'étaient réfugiés à Londres sous la direction de Mazzini, et s'y maintenaient en état de conspiration permanente contre les souverains.

et

Le 26 mai Sa Majesté le roi de Portugal vint à Paris y fut accueilli avec les honneurs dus à son rang. Le 18 août la reine d'Angleterre visita à son tour la France et l'empereur, et l'immense population de Paris, attirée sur son passage par une curiosité bienveillante, la salua de ses acclamations les plus sincères. Les fêtes qui furent décernées en l'honneur de l'auguste souveraine dépassèrent en pompe et en splendeur toutes les manifestations du même genre dont les annales de Paris avaient gardé le souvenir. Durant son séjour dans nos murs Sa Majesté visita aux Invalides la tombe qui renferme les dépouilles mortelles du captif de Sainte-Hélène, on eût dit que la GrandeBretagne faisait amende honorable à l'illustre empereur et demandait à la France d'amnistier les violences du passé!

A

XXXI

Cependant l'hiver avait suspendu les odyssées royales et les entreprises de la guerre; on entrait dans

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