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1855-1856]

LES BIENS DU CLERGÉ AU MEXIQUE.

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seul coup à toute l'Église du Mexique la propriété de ses biens, pour ne plus le reconnaître que comme créancier hypothécaire de ses anciens locataires ou fermiers. Les propriétés immobilières de cette Église comprenaient les trois quarts des bonnes terres cultivables de la république, et elles étaient toutes louées à des individus qui payaient annuellement une somme déterminée d'après leur bail. Lorsque l'Église avait une fois fait un bail, elle ne reprenait jamais possession de le terre, à moins que le locataire ne fût en arrière de ses fermages. Presque tous ces baux étaient faits à longue échéance, et ils avaient été faits, depuis au moins cinquante ans, beaucoup d'entre eux même depuis cent ans et plus. La valeur de ces terres avait été constamment en augmentant, surtout depuis la déclaration de l'indépendance de 1821. Aussi les loyers que l'on payait à l'Église étaient-ils de beaucoup au-dessous de la valeur véritable de la terre. Quantité de maisons, pour lesquelles on payait à l'Église quelques centaines de dollars, étaient souslouées pour une somme dix fois plus forte. Il en était de même dans tout le pays. Le décret de Comonfort déclara que désormais les locataires ou fermiers seraient reconnus propriétaires des terres et maisons qu'ils avaient à bail. Le loyer était transformé en dette hypothécaire, et l'Eglise devait prendre une hypothèque pour un capital représentant 6 p. 100 d'intérêt, le loyer qu'elle recevait jusqu'à ce jour. Ainsi, si un fermier payait 60 dollars par an, il devait souscrire une hypothèque de 1,000 dollars, et il devenait seul et unique propriétaire de sa ferme.

Le congrès de Mexico approuva le décret spoliateur de Comonfort, quoique la constitution qu'il venait de discuter contînt l'article suivant sur la liberté des cultes: <«< Aucune loi ou ancien décret ayant pour objet de prohiber ou de gêner l'exercice de quelque culte religieux que ce soit, ne pourront être promulgués dans cette république; mais la religion catholique, apostolique et romaine, ayant été la religion exclusive de ce pays, le congrès de l'Union prendra soin de la protéger, par le moyen de lois justes et prudentes, en tant qu'il n'y aura pas de préjudice pour les intérêts du peuple ou pour les droits de la souveraineté nationale. »

XLIII

Un crime épouvantable inaugura à Paris la nouvelle année (1857). Monseigneur Sibour, archevêque de Paris, officiait pontificalement à l'église Saint-Étiennedu-Mont pour l'ouverture de la neuvaine de sainte Geneviève, patronne de Paris. Il était cinq heures du soir; la procession qu'il présidait rentrait dans la nef, et le prélat venait de tourner du bas-côté droit dans cette nef, lorsqu'un malheureux prêtre interdit, nommé Verger, lui porta un coup de poignard dans la poitrine. L'assassin fut aussitôt arrêté. L'archevêque expira presque à l'instant, et l'on ne rapporta à la sacristie que le cadavre du pontife, encore revêtu de ses ornements pontificaux. La consternation fut générale dans tout Paris, quand on apprit cet horrible forfait, et cette consternation se communiqua

1856-1857]

MORT DE M SIBOUR.

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de la capitale dans les provinces, dans le monde entier. Un amour désordonné de célébrité, la haine de l'Immaculée-Conception de la sainte Vierge, à la proclamation de laquelle monseigneur Sibour avait assisté à Rome, et l'on ne sait quel esprit de vengeance satanique avaient poussé le misérable assassin à tuer un pontife qui n'était pas même l'auteur de son interdit, et qui venait tout récemment de lui accorder un généreux secours. Monseigneur Sibour s'était distingué, dans son épiscopat, par un grand amour pour les pauétant évêque de Digne, il avait écrit des Institutions diocésaines qui attirèrent sur lui l'attention publique.

A la suite de la mort glorieuse de monseigneur Affre, le général Cavaignac, alors chef du pouvoir exécutif, désigna au souverain pontife, pour le siége archiépiscopal de Paris, l'évêque de Digne, dont il honorait la science et la charité. Monseigneur Sibour n'avait pas gouverné l'église de Paris en des temps faciles et il avait plus d'une fois rencontré de sérieux obstacles. Sa mort lamentable confondit toutes les opinions en une seule et, de toutes parts, l'illustre archevêque fut plaint et regretté. Le misérable qui l'avait poignardé expia son crime sur l'échafaud.

Monseigneur Morlot, cardinal archevêque de Tours, fut appelé au siége de Paris, et fut préconisé à ce titre dans le consistoire du 19 mars.

Vers le même temps, commencèrent à se manifester, en France, quelques symptômes de refroidissement entre certains évêques et le gouvernement de l'empereur. Monseigneur de Dreux-Brézé se vit atteint

par un décret portant « condamnation comme d'abus » et touchant divers actes de son administration diocésaine, savoir: 1o Le fait d'avoir imposé à plusieurs curés de son diocèse une renonciation écrite et signée à se prévaloir de leur inamovibilité et à exercer aucun recours devant l'autorité civile, dans le cas où l'évêque jugerait à propos de les révoquer ou changer pour des raisons graves et canoniques;

2o Le statut synodal prononçant excommunication ipso facto et sans intimation préalable, contre tous ceux qui s'adressent à la puissance séculière pour réclamer son appui dans tout ce qui concerne la juridiction, les statuts, mandements et autres prescriptions ou règlements ecclésiastiques, en matière de bénéfices, titres, doctrine ou discipline;

3o La constitution du chapitre de l'église cathédrale de Moulins, faite sans l'intervention de l'autorité civile et en contravention à l'ordonnance spéciale du 29 octobre 1823.

Comme pour retarder, en multipliant les bons procédés et les marques de sympathies envers la France, la manifestation de dissentiments qui pouvaient contrister l'Église, le légat du pape, monseigneur le cardinal Patrizzi, remit à Sa Majesté l'impératrice Eugénie, au nom de Pie IX, la rose d'or symbolique que le saint-père lui envoyait, en lui disant, selon la formule consacrée : « Recevez de nos mains la rose que nous vous remettons par un mandat exprès de notre saint-père et seigneur en Jésus-Christ Pie, par la divine Providence, pape, neuvième du nom. Cette rose est l'emblème de la joie de l'une et de l'autre Jérusa

1853-1857 ROSE D'OR ENVOYÉE A L'IMPÉRATRICE.

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lem, c'est-à-dire de l'Église triomphante et militante; par elle se manifeste, aux yeux de tous les fidèles chrétiens, Celui qui est lui-même la fleur par excellence, la joie et la couronne de tous les saints. Prenez cette rose, fille bien-aimée, qui, noble selon le siècle, êtes encore douée d'une grande puissance et d'une éminente vertu, afin que vous soyez de plus en plus ennoblie de toute grâce en Jésus-Christ Notre-Seigneur, comme la rose plantée sur les rives des eaux abondantes. Daigne, dans sa clémence infinie, vous accorder cette faveur, Celui qui, un seul Dieu en trois personnes, règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. » Le présent pontifical consiste en un rosier d'or, couvert de roses en fleur, au-dessus desquelles la fleur consacrée domine. Le rosier sort d'un vase également d'or massif, et le vase pose sur un socle de lapis-lazuli où sont incrustées en mosaïque les armes du pape et celles de l'empereur. Sur le vase d'or sont des bas-reliefs représentant, l'un la naissance de la Vierge, l'autre sa présentation au temple.

La bénédiction de la rose d'or est un des rites particuliers du quatrième dimanche de carême, et c'est ce qui lui a fait donner aussi le nom de dimanche de la Rose. Les idées gracieuses que réveille cette fleur sont en harmonie avec les sentiments que l'Église, en ce jour, veut inspirer à ses enfants, auxquels la joyeuse pâque va bientôt ouvrir un printemps spirituel, dont celui de la nature n'est qu'une faible image. Aussi cette institution remonte-t-elle très-haut dans les siècles. Nous la trouvons en usage dès le temps de saint Léon IX; et il nous reste encore un sermon sur

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