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TROISIÈME PARTIE.

MES MANIÈRES De se pourvoir contre les sentences et contrE

LES JUGES.

330. Il y a trois manières de se pourvoir contre les jugements, l'appel, l'opposition et la requête civile.

Il y a une manière de se pourvoir contre la personne du juge qu'on appelle prise à partie.

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ART. I". - Ce que c'est qu'appel, de ses espèces, et de quels jugements on peut appeler.

Sler. Ce que c'est qu'appel, et de ses espèces,

831. L'appel est le recours d'une partie au juge supérieur, contre les torts ou griefs qu'elle prétend lui avoir été faits par les juges inférieurs. Il y a deux espèces d'appel, le simple et le qualifié (1).

L'appel simple est celui par lequel la partie se plaint seulement que le juge a erré, et n'a pas jugé selon droit et raison.

L'appel qualifié est celui qui est fondé sur l'incompétence du juge, ou l'abus qu'il fait de son autorité.

Le premier se nomme appel comme de juge incompétent, et il a lieu contre les jugements ou ordonnances d'un juge, rendus sur quelque matière qui n'est pas de la compétence de sa juridiction.

Le second se nomme appel comme d'abus, et a lieu toutes les fois que le juge d'Eglise (*) entreprend sur la juridiction séculière, ou décerne quelque chose de contraire aux saints canons, aux libertés de l'Eglise gallicane, aux ordonnances, édits et déclarations de nos rois.

On distingue aussi l'appel indéfini, et l'appel restreint à certains chefs d'une sentence. On peut restreindre son appel même au seul chef qui concerne les dépens.

332. L'appel interjeté d'abord indéfiniment, peut être restreint par la suite, en déclarant pour l'appelant, par un acte signifié de procureur à procureur, qu'il restreint son appel à tels et tels chefs.

333. On distingue encore les appellations verbales, et les appellations sur procès par écrit.

Les appellations verbales sont les appels de sentences rendues à l'audience. Comme les sentences rendues sur un appointement à délibérer sur le bureau, passent pour sentences rendues à l'audience, qu'elles y sont prononcées et inscrites sur le registre de l'audience, les appellations de ces sentences som des appellations verbales.

(1) Toutes ces distinctions qui étaient autrefois les ces distinctions qui divert

appels sont aujourd'hui sans objet. () Il n'y a plus de juge d'Eglise.

L'appellation d'une sentence rendue sur un appointement à mettre, lorsqu'il n'y a qu'une partie qui a produit, passe aussi pour appellation verbale. Argument tiré de l'art. 14 du tit. 11 de l'ordonnance de 1667.

L'appellation sur procès par écrit est celle qui est interjetée d'une sentence rendue sur un appointement en droit, soit qu'elle ait été rendue sur les productions respectives des parties, soit qu'elle ait été rendue par forclusion."

L'appellation d'une sentence rendue sur un appointement à mettre est aussi une appellation sur procès par écrit, lorsque la sentence a été rendue sur productions respectives.

Lorsque l'appellation est d'une sentence rendue sur un défaut faute de comparoir, en la juridiction supérieure qui a confirmé une sentence rendue en la juridiction de première instance, sur procès par écrit, on a douté si cette appellation devait passer pour verbale, et la raison de douter est qu'elle a été prononcée à l'audience; mais il a été décidé que c'est une appellation sur procès par écrit.

SII. De quels jugements peut-on interjeter appel?

334. On peut interjeter appel de tous les jugements des juges inférieurs, soit qu'ils soient rendus par défaut, soit qu'ils soient contradictoires (1). Secùs, dans le droit romain.

On peut appeler des jugements interlocutoires, et même de simple instruction, aussi bien que des jugements définitifs (*); en quoi notre droit diffère encore du droit romain, qui ne permettait pas l'appel des jugements interlocutoires, à moins que le grief n'en fût irréparable en définitive.

335. On ne peut appeler des jugements qui ont force de chose jugée, tels que sont :

1o Les arrêts des Cours souveraines, les sentences des Présidiaux rendues au premier chef de l'édit (3); celles des juges-consuls, jusqu'à 500 liv. (*); et celles des autres juges, dans les cas auxquels ils ont droit de juger en dernier

ressort.

2o Les jugements auxquels les parties ont acquiescé, soit expressément en exécutant volontairement, soit tacitement, ont force de chose jugée, vis-à-vis de cette personne, et elle n'est pas recevable à en appeler.

3o Les jugements ont force de chose jugée, lorsque le temps prescrit pour l'appel est passé.

4° Lorsque l'appel interjeté est péri (*).

(1) La même règle est suivie aujour- | «sera de même des jugements qui aud'hui, mais l'appel ne peut être interjeté « raient accordé une provision. »> contre les jugements par défaut qu'a- Art. 452 Sont réputés préparaprès l'échéance des délais d'opposition. « toires les jugements rendus pour l'in() V. art. 451 et 452, C. proc. «<struction de la cause, et qui tendent Art. 451; « L'appel d'un jugement « à mettre le procès en état de rece« préparatoire ne pourra être interjeté « voir jugement définitif.-Sont répu« qu'après le jugement définitif et con- «tés interlocutoires les jugements ren« jointement avec l'appel de ce juge- « dus lorsque le tribunal ordonne, «ment, et le délai de l'appel ne courra avant dire droit, une preuve, unc que du jour de la signification du « vérification, ou une instruction qui « jugement définitif : cet appel sera« préjuge le fond. » recevable, encore que le jugement << préparatoire ait été exécuté sans ré« serves.-L'appel d'un jugement ina terlocutoire pourra être interjeté avant le jugement définitif; il en

"

(3) Juridiction supprimée.
(*) Aujourd'hui 1500 francs.

(5) A moins que l'on ne soit encore dans les délais pour interjeter un nouvel appel.

ART. II. - · Quelles personnes peuvent appeler, et quel temps ontelles pour cela?

SIer. Quelles personnes peuvent appeler?

336. Non-seulement les personnes qui ont été parties, et contre lesquelles la sentence a été rendue, peuvent appeler, mais les tiers qui n'y ont pas été parties peuvent aussi appeler lorsqu'ils prétendent en souffrir quelque préju dice (1).

Les tuteurs et administrateurs peuvent interjeter appel pour les personnes dont ils administrent les biens ("); mais il est de leur prudence de se faire autoriser à cet effet; savoir, les tuteurs, ou curateurs, par un avis de parents; les maires et échevins, ou fabriciers, par avis d'habitants ("), pour ne se pas exposer à être condamnés en leur propre nom aux dépens, si leur appel était

téméraire.

§ II. Dans quel temps peut-on appeler?

337. Par le droit romain, l'appel devait être interjeté intrà biduum vel triennium.

(1) Les tiers, dans ce cas, ne peu- [« lative aux droits immobiliers du mivent plus appeler du jugement qui peut « neur, ni acquiescer à une demande leur nuire, ils sont admis seulement à « relative aux mêmes droits, sans l'auformer tierce opposition au jugement« torisation du conseil de famille.» rendu. V. art. 474, C. proc.

Art. 474 « Une partie peut former « << tierce opposition à un jugement qui« « préjudicie à ses droits, et lors du«quel, ni elle ni ceux qu'elle repré« sente, n'ont été appelés. »

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Art. 465: « La même autorisation sera nécessaire au tuteur pour provoquer un partage; mais il pourra, sans cette autorisation, répondre à << une demande en partage dirigée con« tre le mineur.>>

(') A l'égard des communes, la loi du 18 juillet 1837 renferme un article précis qui impose l'obligation aux maires de se pourvoir d'une autorisation nouvelle, art. 49, § 2.

(*) Le tuteur peut interjeter appel, sans aucune autorisation, dans toutes les instances mobilières qu'il a le droit d'intenter seul; mais à l'égard des instances immobilières qu'il ne peut introduire, et auxquelles il ne peut Loi 18 juillet 1837, art. 49: « Nulle défendre sans l'autorisation du conseil « commune ou section de commune de famille, on met en question s'il peut « ne peut introduire une action er interjeter appel sans autorisation de la « justice sans être autorisée par le con sentence qui a été rendue; il semble«seil de préfecture.-Après tout jugeque l'autorisation accordée est suffisante pour toutes les phases de la procédure. Toutefois on objecte que l'appel constitue une instance nouvelle, et que le jugement de première instance a pu changer par ses apprécia- Ce texte peut fournir un argument tions l'état des choses, en sorte que le puissant d'analogie sur la nécessité conseil de famille réuni de nouveau pour le tuteur, ainsi que pour tout adpourrait refuser sur l'appel l'autorisa-ministrateur d'établissement public, de tion qu'il avait accordée d'abord. V. art. 464 et 465, C. civ. V. aussi la note suivante.

«ment intervenu, la commune ne peut « se pourvoir devant un autre degré « de juridiction qu'en vertu d'une nouvelle autorisation du conseil de pré« fecture. >>

se pourvoir d'une autorisation nouvelle lorsqu'il s'agit d'interjeter appel.

La même question se présente à l'éArt. 464: « Aucun tuteur ne pourra gard de la femme mariée autorisé à ⚫ introduire en justice une action re-ester en justice.

La Novelle de Justinien n'accorde que dix jours depuis la prononciation de la sentence.

Suivant notre droit français, toute personne qui n'a pas acquiescé à un jugement est recevable à en appeler pendant dix ans, à compter du jour de la signification qui en a été faite au domicile de la partie (1). Ordonnance de 1667, titre 27, art. 17.

Ce temps de dix ans ne court point contre les mineurs ("), mais il court contre les absents (), comme contre les présents. Ibid.

L'Eglise, les hôpitaux, maladreries, colléges et universités, ont vingt ans pour appeler depuis le jour de la signification (*). Ibid.

S'il n'y avait point eu de signification, on pourrait appeler pendant trente ans, depuis la date de la sentence, lorsqu'elle est contradictoire, ou, depuis la signification faite au procureur, lorsqu'elle est par défaut (5).

338. La règle qu'on a dix ans pour appeler reçoit quelques limitations. La première est que celui qui à obtenu sentence peut, trois ans après la signification du jugement faite à sa partie, avec toutes les solennités et for

(') Le délai est aujourd'hui réglé in- « contre qui de droit; mais ils ne courdistinctement à trois mois; V. art. 443,«ront contre le mineur non émancipé, C. proc. « que du jour où le jugement aura été Sauf en ce qui concerne les justices « signifié tant au tuteur qu'au subrogé de paix. V. art. 13, Loi 25 mai 1838,« tuteur, encore que ce dernier n'ait et quelques procédures spéciales. « pas été en cause. »> Art. 443 « Le délai pour interjeter () V. art. 445 et 446, C. proc., « appel sera de trois mois : il courra, Art. 445 « Ceux qui demeuren « pour les jugements contradictoires, « hors de la France continentale, au<< du jour de la signification à personne « ront, pour interjeter appel, outre le «< ou domicile. Pour les jugements « délai de trois mois depuis la signifi• par défaut, du jour où l'opposition « cation du jugement, le délai des « ne sera plus recevable. L'intimé« ajournements réglé par l'art. 73 ci« pourra néanmoins interjeter inci- « dessus (V. p. 17, note 1). » « demment appel en tout état de cau« se, quand même il aurait signifié le jugement sans protestation. >>

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Art. 446« Ceux qui sont absents « du territoire européen du royaume « pour service de terre ou de mer, ou « employés dans les négociations exté«rieures pour le service de l'Etat, au« ront, pour interjeter appel, outre le « délai de trois mois depuis la signification du jugement, le délai d'une

() Tous ces priviléges d'appel sont

Art. 13, L. 25 mai 1838: « L'appel des « jugements des juges de paix ne sera « recevable ni avant les trois jours qui « suivront celui de la prononciation « des jugements, à moins qu'il n'y ait « lieu à exécution provisoire, ni après « année. » « les trente jours qui suivront la signifi«cation à l'égard des personnes domi-supprimés. «ciliées dans le canton.-Les person<< nes domiciliées hors du canton au«ront, pour interjeter appel, outre le « délai de trente jours, le délai réglé « par les art. 73 et 1033, C. proc. (à « raison des distances ou de la résidence hors la France). V. ci-dessus « p. 17, note 1. »>

(5) On ne peut plus appeler, après trente ans, du jugement qui n'a pas été signifié et auquel on n'a pas acquiescé, parce que le jugement se trouve lui-même, dans ce cas, frappé de prescription.

A l'égard du jugement par défaut, faute de constitution d'avoué, nous () V. art. 444, C. proc. avons déjà vu qu'il tombe en pérempArt. 444: « Ces délais (pour inter- tion de plein droit par le seul laps de jeter appel, V. note précédente) em-temps, s'il n'a pas été exécuté dans les « porteront déchéance : ils courront six mois de sa date. V. art. 156, C. « contre toutes parties, sauf le recours | proc., in fine, ci-dessus, p.111, note 4.

malités des ajournements, faire une sommation à cette partie d'appeler, auquel cas cette partie n'a plus que six mois, depuis cette sommation, pour appeler. Tit. 27, art. 12.

Le temps des trois ans, et celui de six mois courent aussi contre les absents. Il faut excepter ceux qui sont hors le royaume pour le service du roi, et par ses ordres (1). Ibid,, art. 14.

Il ne court pas contre les mineurs, Ibid., art. 16.

Cette sommation ne peut être faite à l'Eglise, aux hôpitaux, aux colléges, nniversités, etc., qu'au bout de six ans, au lieu de trois ans. Ibid., art. 12.

Si la partie décède dans les trois ans (3), ou, si c'est un bénéficier, dans les six ans, l'héritier ou tout successeur, doit avoir un an, outre ce qui resterait à expirer du délai, au bout duquel temps la sentence devra lui être signifiée, avec sommation d'en appeler, et de ce jour il n'aura plus que six mois. Ibid., art. 13 et 15.

Cette signification de la sentence et sommation lui doivent être faites, quand même elles l'auraient déjà été à celui aux droits duquel il succède, lorsqu'il est mort avant l'expiration du deuxième délai de six mois, et l'héritier en doit jouir du jour de la sommation qui lui a été faite.

339. La seconde limitation est, qu'en certaines matières, et, à l'égard de certaines juridictions, le délai pour appeler est plus court; par exemple, suivant l'ordonnance des eaux et forêts du mois d'août 1669, tit. des Appellations, art. 2, les appellations des gruries aux maîtrises, doivent être relevées dans la quinzaine de la condamnation, et si on laisse écouler le mois, la sentence de la grurie passe en force de chose jugée.

Il en est de même, suivant l'art· 4 du même titre, des appellations des maîtrises à la Table de Marbre, elles doivent être interjetées dans le mois de la sentence prononcée et signifiée à la partie, et mises en état d'être jugées dans les trois mois, sinon la sentence s'exécute en dernier ressort.

Voy. pour les juridictions consulaires, l'édit du mois de novembre 1563; Et pour les élections, l'ordonnance des fermes du mois de juillet 1681. Tit. commun, art. 47 et 48.

ART. III.

· Comment on interjette appel, de l'effet de l'appel, et des sentences qui s'exécutent nonobstant l'appel.

§ I. Comment on interjette appel, et de l'effet de l'appel.

340. On interjette appel ordinairement par un simple acte de procureur à procureur, par lequel la partie qui se plaint de la sentence déclare à l'autre partie qu'elle en est appelante (")."

Quelquefois on interjette appel par une requête, que la partie qui se plaint de la sentence présente au juge supérieur pour qu'il la reçoive appelante, sur

() V. art. 446, C. proc., ci-dessus, p. 155, note 3.

(2) V. art. 447, C. proc.

« ces derniers délais fussent expirés. « Cette signification pourra être faite « aux héritiers collectivement, et sans Art. 447: « Les délais de l'appel se- désignation des noms et qualités. » «ront suspendus par la mort de la (3) La déclaration d'appel doit, à « partie condamnée. Ils ne repren- peine de nullité, renfermer aujour« dront leur cours qu'après la significa-d'hui acte d'ajournement dans la forme «tion du jugement faite au domicile du « défunt, avec les formalités prescrites « en l'art. 61 (V. p. 11, note 2), et à « compter de l'expiration des délais « pour faire inventaire et délibérer, si le jugement a été signifié avant que

"

déterminée pour tous les exploits de cette nature. V. art. 456, C. proc.

«

Art. 456: « L'acte d'appel contien

« dra assignation dans les délais de la loi, et sera signifié à personne ou domicile, à peine de nullité. »

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