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l'exploit nul, et renvoie, en conséquence, le défendeur de la demande, sauf à se pourvoir, s'il y échet, par nouvelle demande; car il faut bien observer que ces exceptions, résultant de la forme, ne sont péremptoires que de l'instance ou procès introduit par l'exploit de demande, qui se trouve nul: elles ne sont pas péremptoires du droit du demandeur, qui peut l'exercer en donnant une nouvelle demande; cela résulte de la nature de ces exceptions: comme elles ne concernent que la forme de l'exploit, elles ne peuvent opérer, contre le demandeur, que la déchéance de son exploit de demande et de toute la procédure qui a suivi, dont cet exploit est le fondement; mais elle ne doit pas opérer la déchéance du fond de son droit (1).

39. Il y a néanmoins une espèce d'action, qui se périme même pour le fond du droit, par ces exceptions résultant de la forme, c'est la demande en retrait lignager (2); car, lorsqu'elle a été déclarée nulle, le lignager n'est plus reçu à en donner une nouvelle. Arrêt du 31 mars 1609.

Les moyens de nullité ne tendant qu'à détruire la demande, et non le fond du droit du demandeur, il s'ensuit que le demandeur, sans attendre qu'il soit statué sur les nullités que le défendeur lui oppose, ou pourrait lui opposer, peut donner au défendeur un nouvel exploit de demande, en déclarant qu'il se désiste du premier, et qu'il offre au défendeur les dépens faits sur le premier, si aucuns ont été faits (3).

En matière de retrait lignager, le demandeur n'a pas cette faculté, parce qu'en cette matière les nullités de la demande emportent non-seulement la déchéance de la demande, mais du fond de l'action.

d'un étranger,il n'y a pas même à s'oc-| (2) Les demandes en retrait lignacuper de la validité de l'acte introduc-ger étant abolies, cette application ne tif d'instance tant que la caution n'a peut plus être invoquée comme exempas été fournie; puis, en troisième ple; mais on peut citer comme justifiligne, se place l'exception d'incompé-cation du principe: 1o la nullité de tence à raison de la personne; car, l'acte d'appel qui entraîne, par voie de pour l'exception d'incompétence à rai- conséquence, la confirmation irrévocason de la matière, elle est tellement ble du jugement, si l'on n'est plus dans péremptoire de sa nature qu'elle peut les délais pour interjeter un nouvel être présentée en tout état de cause, appel; 2o la nullité d'un acte intromême en appel, et en Cour de cassa-ductif d'instance signifié avant que la tion après toutes défenses au fond, et prescription soit acquise, qui a pour qu'elle doit même être supplée d'office effet de permettre au défendeur d'oppar le juge. poser au fond, sur la seconde demande, Il est d'ailleurs encore d'autres ex-la prescription qui s'est accomplie dans ceptions qui doivent prendre rang l'intervalle écoulé entre la première avant les exceptions dilatoires simple- et la seconde instance. ment dites, telle que l'exception tirée du défaut de qualité du demandeur, ce qui est consacré par la maxime primo de qualitate disputandum; mais, en cela, le défaut de qualité tient de la nature de l'incompétence matérielle; le vice n'en peut être couvert par les défenses au fond.

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On peut citer enfin, comme application plus directe de la règle, la disposition relative aux recours en cassation en matière civile, qui ne permet pas de former un second pourvoi contre le mème arrêt, après que le premier a été rejeté, même pour vice de forme, encore bien que le demandeur soit encore dans les délais pour déclarer un pourvoi en cassation régulier.

(3) Mais il faut, même dans ce cas, que le désistement soit accepté par le défendeur, ou à défaut, admis par ju gement.

ART. II. Des exceptions péremptoires qui concernent le droit.

39. Les exceptions péremptoires, qui concernent le droit qu'on appelle aussi fins de non-recevoir, sont celles qui, sans entrer dans le mérite de la demande, tendent à prouver que le demandeur n'a pas le droit de la former, n'y est pas recevable, soit parce que le temps, dans lequel elle devait être formée, s'est écoulé, ce qui s'appelle prescription (1); soit parce que il y a eu une transaction sur cette demande, soit parce que le demandeur est héritier de celui qui aurait été obligé d'en garantir le défendeur, ou pour quelque autre cause que ce soit.

Ces exceptions peuvent s'opposer, même après la contestation en cause sur le fond et jusqu'à la sentence définitive (L. 8, Cod. de Except.), parce que ces exceptions détruisent la demande, et que c'est la même chose de n'avoir point d'action, et d'en avoir une qui puisse être exclue par ces sortes d'exceptions (*).

40. Quoique le défendeur puisse être reçu, après la contestation sur le fond, à proposer les exceptions péremptoires, néanmoins lorsqu'il en a connaissance, il doit les proposer par ses premières défenses, suivant qu'il est décidé par l'art 5 du titre 5; s'il ne le fait pas, la peine sera qu'il ne devra point avoir la répétition des dépens faits pour l'instruction du fond dans laquelle on sera inutilement entré (').

L'ordonnance ajoute, par ledit article, qu'il sera préalablement fait droit sur les exceptions péremptoires, ce qui est juste ("); car, si l'exception péremptoire procède, inutilement entrera-t-on dans la discussion du fond de la demande; néanmoins si la justification de l'exception péremptoire demandait une instruction plus longue que n'en demanɗe la question du fond, le juge pourrait ordonner qu'on instruisît sur le fond, réservant les fins de non-recevoir.

SECT. III. DES EXCEPTIONS DILATOIRES EN GÉNÉRAL.

41. Les exceptions dilatoires sont celles qui tendent, non à exclure entièrement la demande, mais à en différer seulement la poursuite, telles sont toutes les exceptions déclinatoires; telle est l'exception de discussion qu'oppose, ou un tiers détenteur contre une action hypothécaire formée contre lui, ou qu'oppose une caution; telles sont les exceptions qu'un héritier présomptif, assigné par les créanciers de la succession, ou une veuve assignée par les créanciers de la communauté, opposent pour jouir du délai de délibérer; telles sont celles qu'opposent les défendeurs qui ont des garants à mettre en cause, pour avoir le temps de les y mettre; telles sont celles qui résultent des lettres d'Etat et de répit (5).

(1) V. art. 2224, C. civ.

Art. 2224: « La prescription peut « être opposée en tout état de cause, « même devant la Cour royale, à moins « que la partie qui n'aurait pas opposé « le moyen de la prescription ne doiave, par les circonstances, être pré«sumée y avoir renoncé. »>

[ ce cas, à la disposition du juge,de faire une répartition équitable des dépens en constatant qu'il y a eu faute de la part du défendeur qui a proposé tardivement l'exception péremptoire qu'il savait lui être acquise.

(*) Cette règle n'a pas été maintenue, et les juges usent le plus ordipé-nairement de l'expédient indiqué plus bas par Pothier, en joignant les exceptions au fond pour être statué sur le tout par un seul et même jugement.

(*) Ce sont là les exceptions remptoires absolues parmi lesquelles se place le défaut de qualité.

(3) Le Code de procédure n'a pas reproduit cette règle; mais il est, dans

(5) Le Code de procédure (art. 174

49. C'est une règle commune à toutes les exceptions dilatoires, « qu'elle doivent être opposées à limine litis, avant la contestation en cause » : le défendeur, qui a contesté au fond, n'est plus recevable à les opposer (1).

43. C'est une règle « générale que celui qui a plusieurs exceptions dilatoires, doit les proposer par un même acte (2) ».

Il faut excepter de cette règle :

1o Les exceptions déclinatoires, qui se proposent d'abord avant les autres exceptions que le défendeur peut avoir; car, tant qu'il ne reconnaît pas la juridiction du juge, il ne peut point proposer devant lui ses autres exceptions (3);

2o Il faut aussi excepter de cette règle, l'exception que des héritiers ou une veuve opposent pour jouir du délai de délibérer; ils ne sont point tenus de proposer les autres exceptions avec celle-ci; car les autres exceptions qu'ils opposeraient, supposeraient qu'ils auraient pris la qualité sur laquelle ils demandent délai pour délibérer (✦).

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- DES EXCEPTIONS DÉCLINATOIRES, OU FINS De non-procéder,

ET DES REVENDICATIONS DES CAUSES.

Sler. Ce que c'est, et combien il y en a d'espèces.

44. Les exceptions déclinatoires, qu'on appelle aussi fins de non-proceder, sont celles qui ne tendent pas à exclure la demande, mais seulement à décliner la juridiction du juge devant qui elle est portée; ce sont celles par lesquelles le défendeur prétend qu'il ne doit pas plaider sur la demande en la juridiction où il est assigné.

45. Ces exceptions s'appellent déclinatoires, et sont de trois espèces :

1o Pour cause d'incompétence, dans le cas auquel le juge, devant qui il est assigné, serait incompétent (5);

20 Pour cause de privilege, dans le cas auquel le juge, devant qui il est

vier à l'inconvénient qu'il signale ici.

et 175, V. ci-après, p. 43, note 2, et p. 45, note 1), n'admet, comme ex- Art. 187: « L'héritier, la veuve et la ception dilatoire simple, que celle qui « femme divorcée ou séparée, pourpeut être opposée, soit par l'héritier, la «ront ne proposer leurs exceptions veuve ou la femme séparée de bien,« dilatoires qu'après l'échéance des qui sout assignés en leurdite qualité, « délais pour faire inventaire et délisoit par celui qui a droit d'appeler ga- « bérer. »>

rant en cause.

(*) V. art. 168, 169 et 170, C. proc. Art. 168 « La partie qui aura été

:

(1) Même décision. V. art. 186, C. pr. Art. 186: « Les exceptions dilatoires | " appelée devant un tribunal autre que seront proposées conjointement et «< celui qui doit connaître de la conavant toutes défenses au fond. » << testation, pourra demander son ren· () V. même article. « voi devant les juges compétents. >> Cette observation s'applique au Art.169: Elle sera tenue de former déclinatoire fondé sur l'incompétence« cette demande préalablement à toutes à raison de la personne. V. ci-dessus, « autres exceptions et défenses. » p. 21, note 2. Art. 170: « Si néanmoins le tribu(*) Le Code de proc., art. 174, ayant«nal était incompétent à raison de la placé cette exception parmi les excep- « matière, le renvoi pourra être detions dilatoires simplement dites, cette « mandé en tout état de cause; et si observation, faite par Pothier, n'est « le renvoi n'était pas demandé, le plus exacte; mais le Code de procé-« tribunal sera tenu de renvoyer d'of.. dure a eu soin, par son art.187, d'ob- | « fice devant qui de droit. »

assigné, est, à la vérité, compétent; mais lorsque le défendeur a droit, par privilége, de plaider devant un autre juge (1).

Par exemple, si un docteur régent est assigné devant le juge de la justice son domicile, quoique ce juge soit compétent, puisde Sainte-Croix, où il que ce docteur, ayant son domicile dans son territoire, est son justíciable, néanmoins le docteur peut demander le renvoi de la cause devant le juge conservateur des priviléges de l'Université, parce qu'il a droit, par sa qualité, do plaider devant ce juge.

3° Pour cause de litispendance (").

Lorsqu'il y a un procès pendant entre les mêmes personnes, pour même chose, et pour même cause, dans une autre juridiction que celle où le défendeur est assigné, le défendeur peut demander son renvoi dans la juridiction où il y a procès pour le même fait.

L'ordonnance, tit. 6, art. 3, ordonne de juger sommairement et à l'audience les déclinatoires (3).

On peut les juger par délibérés, sur le bureau; car, comme l'obscrvèrent MM. du Parlement, contre le projet qui défendait les délibérés, les jugements sur délibérés sont censés jugés à l'audience, et s'y prononcent (*).

Il est aussi défendu aux juges de réserver les déclinatoires, et de les joindre au principal même, ibid (*).

§ II. De l'incompétence.

46. L'incompétence résulte, ou de la matière qui fait l'objet de la demande ratione materia, ou de la qualité de la personne assignée, ratione personæ (*).

Il y a incompétence, rationæ materiæ, non-seulement lorsque la demande est donnée devant un juge d'attribution, sur quelque matière qui ne lui est point attribuée, mais même lorsqu'elle est donnée devant le juge ordinaire, sur une matière qui, suivant les ordonnances et édits, a été distraite de la juridiction ordinaire, et attribuée à quelque juge d'attribution, comme si on for mait une demande devant le juge ordinaire, sur une matière d'eaux et forêts, ou sur une matière consulaire.

Il y a incompétence, ratione persone, lorsque la personne n'est pas justiciable du juge devant qui elle est assignée, putà parce qu'elle demeure hors l'étendue du territoire de ce juge.

Nous appelons territoire du juge, le territoire dans lequel il y a une juridiction de première instance; les personnes qui demeurent dans un territoire dans lequel le juge n'a pas juridiction de première instance, quoiqu'il ait ju

(1) Tous ces priviléges de juridiction, à raison de la personne, sont aujourd'hui abolis.

(2) V. art. 171, C. proc.

Art. 171: « S'il a été formé précé« demment, en un autre tribunal, une « demande pour le même objet, ou si la contestation est connexe à une « cause déjà pendante en un autre tri«bunal, le renvoi pourra être deman« dé et ordonné. »

(3) V. art. 172, C. proc.

Art. 172: « Toute demande en ren« voi sera jugée sommairement, sans « qu'elle puisse être réservée ni jointe « au principal.

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() En toute cause, les juges sont libres de se retirer à la chambre du conseil pour délibérer sur le vu des pièces.

(5) Cette défense se trouve reproduite par la disposition finale de l'art. 172,C proc.précité.V.ci-dessus, note 3. Mais il est une circonstance dans la quelle la demande en renvoi se trouve nécessairement joiute au principal pa: la force même des choses, lorsque l'exception d'incompétence, ratione materiæ, est proposée après l'instruction du fond.

ci(6) V. art. 168 à 170, C. proc., dessus, p. 24, note 5.

ridiction d'appel, ne sont pas proprement ses justiciables: ce juge est incompétent pour connaître de leurs causes en première instance. Par exemple, si un habitant de Gien était assigné en première instance au Présidial d'Orléans, le Présidial d'Orléans serait incompétent, quoique le bailliage de Gien soit dans son ressort; car il n'est que dans le ressort d'appel.

Il en est autrement des personnes qui demeurent dans les territoires de seigneurs ; ces personnes sont vraies justiciables du juge royal où ces justices ressortissent.

Il y a plus quand même ces justices par privilége (1) ressortiraient nument au Parlement, les justiciables de ces justices sont censés être aussi véritablement justiciables des bailliages ou sénéchaussées royales, dans l'étendue desquelles ces justices sont situées; la raison est que ces justiciables étant sujets du roi, doivent reconnaître une juridiction royale à laquelle ils soient

soumis.

Le juge royal n'est donc point incompétent pour connaître des causes des justiciables des seigneurs domiciliés dans l'étendue de son territoire, il est leur juge naturel et de droit commun; le juge du seigneur n'est juge de ces personnes que par privilége accordé au seigneur par la concession de la justice; c'est pourquoi tant que le seigneur n'use pas de son privilége, tant qu'il ne réclame pas la cause, le juge royal peut en connaître et le justiciable du seigneur ne peut proposer aucune incompétence, parce qu'il est vraiment justiciable du juge royal. Déclaration du mois de juin 1559, art. 1o, et 17 mai 1574.

On ne peut demander le renvoi de la cause devant le juge du seigneur, tant que le seigneur ne le demande point, parce que la concession de la justice au seigneur étant un privilége accorde au seigneur plutôt qu'à ses justiciables, ce n'est que le seigneur qui est reçu à le réclamer, et non le justiciable, qui, en le réclamant, exciperait du droit d'autrui. Bacquet, Traité des Droits de Justice, chap. 9.

47. Il y a des personnes qui, à raison de leur qualité, ne sont pas justiciables du siége dans le territoire duquel elles demeurent: tels sont les nobles (*) qui, quoique demeurant dans l'étendue d'une prévôté royale, ne sont point justiciables du prévôt, mais du bailli. Le prévôt est absolument incompétent pour ces personnes, et lorsque les causes de ces personnes y sont portées, il doit les renvoyer devant le bailli, quand même le renvoi ne serait pas demandé (Ordonnance de 1667, tit. 6, art. 1). Car ce n'est pas seulement par un privilége accordé aux nobles, et dont ils seraient les maîtres de ne pas user, que le prévôt n'en peut connaître, mais parce que, dans la distribution de la juridiction qui a été faite entre les prévôts et les baillis royaux, par l'édit de Cremieu, les causes des nobles ont été attribuées aux baillis; c'est pourquoi le bailli pourrait lui-même demander que le prévôt lui renvoyât la cause ("), quand même la partie ne le demanderait pas.

48. A l'égard des nobles qui demeurent dans les territoires des seigneurs, ils sont, comme les autres, justiciables tant du juge du seigneur que du juge royal, ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

Les personnes qui ne sont pas justiciables d'un juge, et qui sont demeurantes dans son territoire, peuvent le devenir par plusieurs causes (*): 1° à raison

(1) Ces justices par privilége sont ( personnellement intervenir pour reabolies. vendiquer la cause de sa compétence, (*) Les nobles n'ont plus droit à ré- qui aurait été portée devant un juge clamer le privilége de juridiction. incompétent.

(') Jamais le juge n'a l'action direc- (*) Les règles générales de la comte, il faut qu'il soit saisi le juge compétence, soit à raison des personnes, pétent ne pourrait plus aujourd'hui soit à raison de la matière, qui font

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