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au domicile élu par l'écrou, de lui donner des aliments, de laquelle il doit être fait mention sur le registre des écrous, et en cas de refus, ou demeure du créancier, il pourra obtenir son élargissement. Déclaration de 1680,

art. 9.

L'âge de soixante-dix ans accomplis, depuis l'emprisonnement, est une cause pour obtenir l'élargissement suivant que nous l'avons déjà vu cidessus (').

Le bénéfice de cession est encore une cause pour laquelle le débiteur emprisonné peut obtenir son élargissement; nous allons en traiter dans un chapitre particulier (*).

CHAPITRE II.

Du bénéfice de cession.

§ I. Ce que c'est, et son origine.

709. Le bénéfice de cession est la remise que la loi fait de la contrainte par corps, à un débiteur, en faisant cession et abandon de tous ses biens à ses créanciers (3).

L'origine du bénéfice de cession vient des lois romaines; on en trouve l'origine dans la loi Julia, portée par Jules César, ou par Auguste, car il n'est pas certain lequel de ces deux empereurs avait ordonné que les citoyens romains, qui feraient abandon en justice de leurs biens, ne pourraient être emprisonnés pour leurs dettes (). Cette loi fut par la suite étendue aux provinciaux. V. le tit. de Cessione bonorum, ff.

§. II. Quelles personnes peuvent jouir du bénéfice de cession.

710. Il n'y a que les Français naturels, ou naturalisés, qui soient admis au bénéfice de cession. Les étrangers non naturalisés n'y sont pas reçus (3). Ordonnance de 1673, tit. 10, art. 2.

(') V. art. 800, C. proc., no 5 : « Le Art. 1267: « La cession de biens « débiteur légalement incarcéré ob-« volontaire est celle que les créan<< tiendra son élargissement: 1°....;« ciers acceptent volontairement, et « 5° si le débiteur a commencé sa « qui n'a d'effet que celui résultant des « soixante-dixième année, et si, dans « stipulations mêmes du contrat passé « ce dernier cas, il n'est pas stelliona-« entre eux et le débiteur. » << taire. »

(*) V. art. 800, C. proc., n° 3 : « Le a débiteur légalement incarcéré ob« tiendra son élargissement: 1° ...; « 3° par le bénéfice de cession. »>

() V. art. 1265, C. civ.

Art. 1265: « La cession de biens <«< est l'abandon qu'un débiteur fait de « tous ses biens à ses créanciers, lors« qu'il se trouve hors d'état de payer «ses dettes. »

Art. 1268: « La cession judiciaire « est un bénéfice que la loi accorde au « débiteur malheureux et de bonne « foi, auquel il est permis, pour avoir « la liberté de sa personne, de faire en « justice l'abandon de tous ses biens à ses créanciers, nonobstant toute sti. « pulation contraire. »

(5) V. art. 905, Cod. proc., et art. 541, C. comm.

Art. 905, C. proc.: « Ne pourront () V. art.1266,1267 et 1268, C.civ.« être admis au bénéfice de cession, Art. 1266: « La cession de biens « les étrangers, les stellionataires, les « cst volontaire ou judiciaire. » « banqueroutiers frauduleux, les per

Les Français qui ont perdu la vie civile par une condamnation à peine capitale, ne doivent pas y être reçus; car, en perdant la vie civile, ils ont perdu tous les droits de citoyen français (1); finge: un homme a été condamné aux galères perpétuelles, par contumace; il n'a pu être arrêté pendant trente ans, depuis l'exécution de la sentence par effigie; on ne peut pas, après ce temps, l'arrêter et le mettre à la chaîne, mais il n'en a pas moins perdu la vie civile, que le laps de temps ne peut lui rendre; c'est pourquoi, s'il contracte des dettes, il ne sera plus reçu au bénéfice de cession.

SIII. Pour quelles dettes n'a pas lieu le bénéfice de cession.

711. 1o Le bénéfice de cession n'a pas lieu pour dettes qui procèdent de crime, dol, ou fraude (2), V. G., si quelqu'un a été condamné, quoiqu'en matière civile, à une restitution de deniers, pour cause de stellionat, ou de détournements; la raison est que le bénéfice de cession, qui a été inventé pour subvenir aux débiteurs misérables, ne doit pas servir à procurer l'impunité aux fripons.

De là il suit que tous dépositaires et administrateurs ne doivent point être reçus au bénéfice de cession pour la restitution des deniers et autres choses qui leur ont été confiés, ou qu'ils ont reçus pour autrui (3); car c'est un dol de leur part de s'en être servi, et de s'être mis par là hors d'état de les rendre. C'est pourquoi, par le droit romain, la condamnation in judicio tutelæ, mandati, depositi et societatis, emportait infamie.

C'est sur ce fondement que, suivant notre coutume d'Orléans, art. 429, les courtiers et proxénètes sont exclus du bénéfice de cession (4).

C'est encore sur ce fondement qu'on trouve des arrêts qui ont jugé qu'un tuteur n'était pas reçu au bénéfice de cession (5), et je pense que cela ne doit avoir lieu que lorsque le tuteur est débiteur. pour le reliquat des sommes qu'il a reçues, et qu'il en devrait être autrement, si la cause de la dette du tuteur ne procédait que de sa négligence dans sa gestion, qui le rendit responsable des pertes souffertes par le mineur.

C'est aussi une espèce de dol de la part d'un fermier de détourner les fruits et autres effets qui servent de gage pour les fermes et moissons qui sont dues au propriétaire de la métairie, et je pense que les arrêts rapportés par Louet et Brodeau, lettre C, no 57, qui ont jugé qu'un fermier n'était pas recevable au bénéfice de cession, doivent être présumés rendus dans cette espèce, et ne doivent être suivis que dans ce cas (6).

« sonnes condamnées pour cause de condamnées pour cause de vol ou d'es« vol ou d'escroquerie, ni les person- croquerie en sont exclus (V. art. 905, nes comptables, tuteurs, administra-C. proc., ci-dessus, p. 334, note 5), et «teurs et dépositaires. » en principe la cession judiciaire ne peut être accordée qu'au débiteur malheureux et de bonne foi. V. art. 12€8, C. civ. ci-dessus, p. 334, note 4.

Art. 541, C. comm.: « Aucun débi ateur commerçant ne sera recevable « à demander son admission au bénéa fice de cession de biens. >>

(3) Les personnes comptables, tuteurs, administrateurs et dépositaires en seront également exclus. V. même art. 905, C. proc., in fine.

(') Ces prohibitions ne subsistent

(1) V. art. 25, § 1, C. civ.. Art. 25: «Par la mort civile, le «condamné perd la propriété de tous a les biens qu'il possédait; sa succes«<sion est ouverte au profit de ses hé-plus. << ritiers, auxquels ses biens sont dé« volus, de la même manière que s'il « était mort naturellement et sans testament. >>

(') Les stellionataires, les personnes

(5) Aujourd'hui l'exclusion à l'égard des tuteurs est formelle. V. art. 905, C. proc. ci-dessus, p. 334, note 5.

(6) Lorsqu'il est débiteur de mauvaise foi.

A plus forte raison, je pense qu'on ne doit pas suivre un arrêt rapporté dicto loco, qui a exclú du bénéfice de cession la caution du fermier,

Si le débiteur est privé du bénéfice de cession, en matière civile, toutes les fois qu'il y a du dol, à plus forte raison ce bénéfice ne doit pas avoir lieu en matière criminelle pour réparation civile.

Mais le bénéfice de cession peut avoir lieu pour les dépens auxquels quelqu'un a été condamné, quoiqu'en matière criminelle, lorsque cette condamnation de dépens est, par le jugement, distinguée de la condamnation de la réparation civile; car, en ce cas, c'est ladette de la réparation civile qui procède du crime, la dette des dépens procède plutôt du procès, et elle ne procède qu'indirectement du crime: c'est ce qui a été jugé par arrêt du 14 juillet 1661, rapporté au t. 2 du Journal des Audiences, conformément à plusieurs autres précédemment rendus, qui y sont cités.

Si ces dépens étaient adjugés pour tenir lieu des dommages et intérêts, en ce cas, le bénéfice de cession n'aurait pas lieu : c'est la distinction que fit M. Talon, sur les conclusions duquel fut rendu l'arrêt de 1661.

2o Le bénéfice de cession n'a pas lieu pour les sommes qui font le prix de marchandises achetées en marché public, comme bestial, vin, blé et autres -grains (1). Coutume d'Orléans, art. 428.

Il est dit en ce même article, que les acheteurs de poisson d'eau douce et salée n'y sont pas admis non plus (2); ce qui doit pareillement s'entendre, lorsqu'il est acheté en lieu public, comme sur les ports et chaussées dé l'étang.

La coutume d'Orléans, art. 439, décide la même chose à l'égard de tous acheteurs de biens meubles ou immeubles vendus à l'encan.

La raison de ce droit est tirée de la foi publique, des marchés publics et de l'encan; et on peut dire que ces ventes, se faisant à la charge de payer comptant, c'est, de la part de l'acheteur, violer la foi publique, et commettre une espèce de dol, que d'acheter sans avoir son argent prêt (3).

Comme cette raison cesse, lorsque le vendeur veut bien faire crédit à l'acheteur, il a été jugé par arrêt de 1656, confirmatif d'une sentence du bailliage d'Orléans, qu'un acheteur de blé acheté au marché public, était recevable au bénéfice de cession envers le vendeur, parce qu'il en avait passé obligation.

30 Le bénéfice de cession n'a pas lieu pour les dettes de deniers royaux. L'ordonnance des fermes du mois de juillet 1681, au titre commun des Fermes, art. 13, le décide en ces termes: Ne seront reçus au bénéfice de cession ceux de nos sujets qui sont contraignables par corps au paiement de nos droits (1).

Cette décision ne doit pas être étendue aux dettes pour deniers publics. Brodeau, lettre E, somm. 14, n° 14, rapporte un arrêt du 15 décembre 1620, donné en la chambre de l'édit du Parlement de Grenoble, qui a admis au bénéfice de cession un receveur des deniers communs de la ville de Montélimart.

Je pense néanmoins que cet arrêt ne doit être suivi que dans le cas où un receveur serait débiteur de deniers qu'il aurait omis par sa négligence de faire payer, et dont on l'aurait rendu responsable; mais il ne doit point y être admis pour la restitution des deniers qu'il a reçus; car c'est un dol de sa part de ne les avoir pas conservés, comme nous l'avons remarqué à l'égard des tuteurs.

(1) Cette prohibition n'a plus lieu. (et) Même observation.

() Ne sont pas reçus au bénéfice

de cession les comptables. V. art. 905, Code de procédure, ci-dessus, p. 334, note 5.

§ IV. Quand peut-on obtenir le bénéfice de cession, et que doit-on faire pour cela ?

712. Le bénéfice de cession peut être obtenu par le débiteur, soit avant, soit depuis qu'il a été constitué prisonnier par ses créanciers.

Le débiteur, pour cet effet, doit déposer au greffe de la juridiction du lieu où il demeure un état, signé de lui, de tous ses biens meubles et immeubles, qu'il certifie sincère et véritable, avec déclaration qu'il en fait cession et abandon à tous ses créanciers (')."

Il donne sa requête au juge, par laquelle il demande à être admis au bénéfice de cession, et à ce qu'il ait en conséquence mainlevée de sa personne, s'il est déjà constitué prisonnier, ou, à ce qu'il soit fait défenses d'attenter à sa personne, s'il ne l'est pas encore.

Il donne assignation aux créanciers aux fins de cette requête (*).

La cause est portée à l'audience sur un avenir, et il doit comparoir en personne à l'audience (3), pour y affirmer que l'état qu'il a donné comprend tous ses biens.

(1) V. art. 898 et 899, C. proc. Art. 898: « Les débiteurs qui seront dans le cas de réclamer la ces<«<sion judiciaire accordée par l'art. « 1268, C. civ., seront tenus, à cet « effet, de déposer au greffe du tribu«nal où la demande sera portée, leur bilan, leurs livres, s'ils en ont, et « leurs titres actifs. >>

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« parties appelées, qu'il sera sursis « provisoirement. >>

Le plus ordinairement, la demande sera formée par voie d'exception sur des poursuites intentées par tel ou tel créancier; elle est introduite alors comme tout autre incident par des conclusions signifiées aux créanciers'

en cause.

:

Art. 899: « Le débiteur se pourvoira (3) Cette formalité n'est plus exigée, a devant le tribunal de son domicile.» c'est seulement lors de la réitération (2) Le Code de procédure ne dit pas de la cession, et lorsqu'elle a été adsi le postulant doit se pourvoir par re-mise par jugement, que le débiteurest quête; il se sert de l'expression géné- tenu de comparaître en personne,non rale demande, et la question de savoir à l'audience du tribunal qui a prononcé s'il doit assigner les créanciers, est le jugement, mais devant le tribunal controversée, parce que c'est aller di- de commerce de son domicile. V. art. rectement contre le vœu de la loi que 901, 902 et 903, C. proc. de le jeter tout d'abord dans une procédure ruineuse qui exigera autant d'assignations qu'il y a de créanciers (et ils doivent être nombreux); autant de constitutions d'avoués et autant de significations de jugement; il semble que l'art. 900, C. proc., par ces termes sauf aux juges à ordonner, parties appelées, a laissé à cet égard tout pouvoir discrétionnaire au juge qui, sur Je vu de la demande formée par requête, pourrait ordonner que les plus forts créanciers fussent seuls mis en rause. Le tarif garde lui-même le silence à cet égard.

Art. 900: « La demande sera com« muniquée au ministère public; elle « ne suspendra l'effet d'aucune pour-« « suite, sauf aux juges à ordonner,

TOM. X.

Art. 901 « Le débiteur admis au « bénéfice de cession sera tenu de réi« térer sa cession en personne, et non « par procureur, ses créanciers appe« lés à l'audience du tribunal de com« merce de son domicile; et s'il n'y « en a pas, à la maison commune, un « jour de séance: la déclaration du « débiteur sera constatée, dans ce der« nier cas, par procès-verbal de l'huis«sier, qui sera signé par le maire. »

Art. 902: « Si le débiteur est dé« tenu, le jugement qui l'admettra au « bénéfice de cession ordonnera son « extraction, avec les précautions en « tel cas requises et accoutumées, à « l'effet de faire sa déclaration conformément à l'article précédent. » Art. 903: « Les nom, prénom, pro

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Les ordonnances défendent qu'il soit admis à demander cette cession par procureur; il faut absolument qu'il se présente à l'audience en personne; et s'il est prisonnier, le juge l'y fait amener (1). Ordonnance du commerce de 1673, tit. 10, art. 1o. Ordonnance d'Abbeville pour le Dauphiné, art. 260.

Si les créanciers n'allèguent aucuns moyens suffisants pour le faire débouter de sa requête, le juge, après avoir pris le serment du débiteur (1), que l'état qu'il a donné de ses biens est véritable, l'admet au bénéfice de cession.

L'ordonnance de 1673, au titre des Cessions, veut qu'outre cela, celui qui a été admis à faire cession, s'il est marchand en gros ou en détail, ou banquier, soit tenu de comparoir en personne à l'audience du consulat; ou, s'il n'y a point de consulat établi dans la ville, en l'assemblée de la ville, et qu'il y déclare ses nom, surnom, qualité et demeure, et qu'il a été admis à faire cession, et que cette déclaration soit luè et publiée par un greffier, et insérée dans un tableau (').

SV. De la condition de porter le bonnet vert, que le juge a coutume d'imposer à celui qu'il admet au bénéfice de cession.

13. Il est d'usage que les juges, en admettant quelqu'un au bénéfice de cession, lui imposent, pour condition de la décharge de la contrainte par corps qu'ils lui accordent, la charge de porter dans le public un bonnet veri (), qui lui sera fourni par ses créanciers, et à leurs dépens, sous peine de déchoir du bénéfice, et de pouvoir être arrêté, s'il ne le portait pas.

J'ai toujours vu prononcer ici cette condition de porter le bonnet vert; mais je n'ai jamais vu que des créanciers aient fait usage de ces sentences, et aient fourni à leur débiteur un bonnet vert pour le porter. On prétend qu'à Bordeaux les créanciers ne manquent pas de faire porter le bonnet vert à leur débiteur.

La raison pour laquelle on fait porter le bonnet vert au débiteur qui a fait cession, ne me paraît pas celle qu'on a coutume d'apporter; savoir, qu'il soit connu, et qu'il ne puisse pas tromper ceux qui contracteraient avec lui; car, si l'obligation de porter le bonnet vert était fondée sur cette raison, il ne devrait pas être au pouvoir des créanciers de les y obliger, ou de les en décharger. Il n'y a point d'autre raison, sinon qu'on a voulu obliger les citoyens,

«fession et demeure du débiteur, se- lités auraient dû être abrogées; mais « ront insérés dans un tableau public elles avaient été insérées dans le Code « à ce destiné, placé dans l'auditoire de procédure comme étant d'une ap« du tribunal de commerce de son plication générale à tous ceux qui audomicile, ou du tribunal de pre-raient obtenu la cession de biens et «mière instance qui en fait les fonc- non pas, comme autrefois, aux seuls «tions, et dans le lieu des séances de commerçants. Depuis la réformation « la maison commune. »> (1) V. art. 902, C. proc., note pré-1838 sur les Faillites), on n'a pas cédente. (2) Le débiteur n'est plus tenu de prêter serment.

du Code de commerce (Loi du 28 mai

songé à modifier les articles 902 et 903, C. proc. (V. ci-dessus, p. 337, note 3), qui ont conservé toutes les formalités que mentionne ici Pothier.

(3) Aujourd'hui les négociants n'étant plus admis au bénéfice de cession, que l'état de faillite leur rend inutile ainsi qu'il est décidé par l'art. 541, C. comm., il semble que ces forma-primé.

(4) Le bonnet vert qui était un signe constant d'infamie, imposé également à tous les faillis, est aujourd'hui sup

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