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94. Un autre préjudice que le défendeur se fait, en n'appelant pas son garant dans les délais prescrits par l'ordonnance, c'est qu'il n'a aucune répétition contre ce garant, de tous les dépens, tant par lui faits que ceux auxquels il a été condamné, jusqu'au jour qu'il a appelé son garant, si ce n'est seulement du coût de l'exploit de la demande originaire. Tit. 8, art. 14.

Les garants contre-sommés qui succombent, sont tenus non-seulement des dépens de leurs temps, mais même de tous les exploits donnés, tant contre le défendeur originaire que contre les garants qui les précèdent, et qu'ils sont tenus de garantir médiatement ou immédiatement.

III. De la demande et sommation en garantie.

95. Le défendeur peut assigner son garant, tant formel que simple, ex quelque lieu qu'il soit demeurant, par devant le juge devant lequel il est assi gué, pour qu'il soit tenu de l'y défendre ou de l'acquitter (1). Tit. 8, art. 1.

Il n'est besoin, pour donner cette assignation, d'aucune commission ni senterice, quoique le garant demeure hors la juridiction du juge devant lequel on l'assigne, à moins que l'assignation ne se donnát en une cour souveraine ou présidiale, anquel cas il faut une commission. Ibid.

L'exploit de demande en garantie, ou sommation, doit être fait dans la forme des autres exploits : il doit être libellé, c'est-à-dire contenir les conclusions du demandeur en garantie, et les moyens sur lesquels il les établit. Il doit contenir la copie des pièces sur lesquelles il la fonde, la copie de la demande originaire qui lui a été donnée, et des pièces dont on lui a donné copie, et qui en sont le fondement. Ibid.'

96. Le garant assigné en garantie doit défendre devant le juge où l'instance, sur la demande originaire, est pendante, et devant lequel il est assigné, quand même il dénierait être garant: il ne peut pas demander son renvoi devant son propre juge sur la question s'il est garant ou non.

Cela a fait autrefois difficulté; mais c'est un point aujourd'hui décidé par l'ordonnance. Ibid.

97. Cette règle souffre deux exceptions: la première est que, s'il paraît par écrit, ou par l'évidence du fait, que la demande originaire n'a été donnée contre le demandeur originaire, qu'à dessein de traduire le garant hors de sa juridiction, la cause doit être renvoyée, ibid.

Ce renvoi doit même être fait sans attendre que les parties le requièrent (2). Voyez le procès-verbal de l'ordonnance, page 91.

La seconde exception est lorsque le garant est privilégié (3); car il a droit de demander son renvoi devant le juge de son privilége: tels sont tous ceux qui ont droit de committimus, ou lettres de garde-gardienne; les docteurs et écoliers qui jouissent du droit de scolarité; tels sont encore les bourgeois de Paris, qui ont droit, en défendant, de ne pouvoir être traduits qu'au châtelet de Paris, suivant l'art. 112 de la coutume de Paris. Bacquet, des Droits de Justice, chap. 8, no 43.

98. Un laïque ne pourrait pas être assigné en garantie simple par-devant

(1) V. art. 181, C. proc.

« bunal, ils y seront renvoyés.

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(*) Cette décision ne serait pas admise; le juge, à moins qu'il ne s'agisse d'incompétence à raison de la matière, ne peut pas ordonner un renvoi, si des conclusions n'ont pas été prises devant lui à cette fin par la partie inréressée.

Article 181: « Ceux qui seront asa signés en garantic, seront tenus « de procéder devant le tribunal où la demande originaire sera pen« dante, encore qu'ils dénient être ga«rants; mais s'il paraît par écrit, ou « par l'évidence du fait, que la demande originaire n'a été formée que (3) Tous ces priviléges personnek pour les traduire hors de leur tri-sont abolis.

l'official par un ecclésiastique qui y serait assigné, mais il faut assigner ce laïque devant le juge séculier de son domicile.

Contrà vice versa. Un ecclésiastique, assigné en garantie par un laique devant le juge séculier, ne peut pas demander son renvoi par-devant l'official. Voy. le commentaire de M. Jousse, et les auteurs par lui cités sur l'art. 8.

99. C'est une question, lorsque le garant privilégié obtient son renvoi devant le juge de son privilége, sur la demande en garantie donnée contre lui, s'il peut aussi y évoquer la demande originaire?

Bacquet, chap. 8, n° 44, décide pour l'affirmative.

M. Jousse pense que ce n'est pas à lui à demander cette évocation, mais au défendeur originaire, qui a intérêt de ne pas plaider dans deux juridictions. Ce dernier sentiment serait plus plausible.

Le garant formel, assigné en garantie, qui convient être garant, doit prendre le fait et cause du défendeur originaire qui l'a sommé en garantie, c'està-dire qu'il doit se charger de le défendre contre le demandeur originaire ('). Au moyen de cette prise de fait et cause, le défendeur originaire doit être mis hors de cause, s'il le requiert, et la demande originaire doit s'instruire entre le demandeur originaire, et le garant qui a pris le fait et cause du défendeur. Ibid.

Par exemple, si moi, possesseur d'un héritage, j'ai été assigné pour le délaisser par une demande en revendication, ou par une demande hypothécaire, c'est mon vendeur que j'ai sommé en garantie qui sera tenu de défendre pour moi à cette demande, et de soutenir que l'héritage n'appartient point au demandeur, et qu'il ne lui est point hypothéqué, et toute la procédure qui se fera sur cette contestation, ne sera qu'entre le demandeur et lui, et non avec moi qui dois être mis hors de cause.

100. Néanmoins, encore que le garanti ait été mis hors de cause, il peut y assister pour la conservation de ses droits; c'est-à-dire que, si la cause se plaide, il peut avoir sur le barreau un avocat pour plaider les moyens contre sa demande originaire, qui pourraient échapper à l'avocat de son garant (2). Ibid.,

art. 10.

Pareillement, si la cause s'instruit en procès par écrit, il pourra signifier au demandeur originaire des écritures, contenant des moyens contre sa demande, de peur qu'ils n'échappent à son garant.

101. Le défendeur ayant été mis hors de cause, si la demande originaire se trouve bien fondée, la condamnation sera prononcée, non contre le garanti défendeur originaire, puisqu'il n'est plus en cause, mais contre le garant qui sera condamné à délaisser l'héritage, et aux dépens.

Mais, quoique la condamnation soit prononcée contre le garant, néanmoins elle ne s'exécute contre lui que pour les dépens, dommages et intérêts, etc. C'est contre le garanti qu'elle s'exécute pour le principal, sur une simple signification qui lui est faite de la sentence (3). Ibid., art. 11.

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102. Lorsque le garanti n'a pas été mis hors de cause, il ne peut répéter contre son garant que les frais de taxe, et non les faux frais, tels que ceux de voyage, et autres qui n'entrent pas en taxe.

Il en est autrement dans la garantie simple, qui a lieu dans les demandes personnelles; le garant simple ne peut être reçu à prendre le fait et cause du défendeur originaire; car ce défendeur étant assigné, comme étant obligé personnellement envers le demandeur, comme étant son vrai débiteur, c'est à lui à se défendre; son garant ne peut qu'intervenir pour défendre conjointement avec lui; c'est ce défendeur originaire qui doit être condamné, si la demande se trouve fondée, et qu'il se trouve être effectivement le débiteur du demandeur; le garant, s'il y a lieu à la garantie, sera seulement condamné envers celui qui l'a sommé en garantie, à l'acquitter (1). Ibid., art. 12.

ART. III.

De quelques autres espèces d'exceptions dilatoires.

103. Lorsqu'un tiers détenteur est assigné en action hypothécaire, il a une exception dilatoire qu'il peut opposer contre cette demande, qui s'appelle l'exception de discussion (2), dont l'effet est d'arrêter la demande jusqu'à ce que le demandeur ait discuté les biens de son débiteur, tant meubles qu'immeubles, pourvu que les immeubles soient situés dans le royaume, et même dans le ressort du même Parlement; ces immeubles lui doivent être indiqués par celui qui oppose cette exception, qui doit aussi lui avancer des deniers pour celle discussion d'immeubles. Cette exception étant opposée, la demande est arrêtée

« exécutoires contre les garantis.-Il« cussion préalable selon la forme « suffira de signifier le jugement aux « réglée au titre du Cautionnement : « garantis, soit qu'ils aient été mis hors « pendant cette discussion, il est sur« de cause, ou qu'ils y aient assisté, «sis à la vente de l'héritage hypothé« sans qu'il soit besoin d'autre de- « qué. » « mande ni procédure. A l'égard des Art. 2171: « L'exception de discus« dépens, dommages et intérêts, la «sion ne peut être opposée au créan« liquidation et l'exécution ne pour-« cier privilégié ou ayant hypothèque «ront être faites que contre les ga-« spéciale sur l'immeuble. » «rants. Néanmoins, en cas d'insol- Árt. 2023 : « La caution qui requiert a vabilité du garant, le garanti sera « la discussion, doit indiquer au créana passible des dépens, à moins qu'il« cier les biens du débiteur principal, n'ait été mis hors de cause; il le se- « et avancer les deniers suffisants pour «ra aussi des dommages et intérêts, « faire la discussion. Elle ne doit « si le tribunal juge qu'il y a lieu. » « indiquer ni des biens du débiteur (') V. art. 183, C. proc. principal situés hors de l'arrondissement de la Cour royale du lieu où le

Art. 183 « En garantie simple, le

:

«

« garant pourra seulement intervenir,« paiement doit être fait, ni des biens

sans prendre le fait et cause du ga-«

❝ ranti. »

(*) V. art. 2170, 2171, 2023 et 2024, C. civ.

litigieux, ni ceux hypothéqués à la dette qui ne sont plus en la posses« sion du débiteur. »

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Art. 2024 « Toutes les fois que la Art. 2170: « Néanmoins le tiers « caution a fait l'indication de biens « détenteur qui n'est pas personnelle-« autorisés par l'article précédent, et àment obligé à la deite, peut s'oppo- qu'elle a fourni les deniers suffisants «ser à la vente de l'héritage hypothé-« pour la discussion, le créancier est, & qué qui lui a été transmis, s'il est « jusqu'à concurrence des biens indi« demeuré d'autres immeubles hypo- « qués, responsable, à l'égard de la a théqués à la même dette dans la caution, de l'insolvabilité du débiteur possession du principal ou des prin- « principal survenue par le défaut de cipaux obligés, et en requérir la dis-« poursuites. »

TOM. X.

jusqu'à ce que la discussion du débiteur ait été faite, et qu'il paraisse que le demandeur n'a pu être payé de sa créance par cette discussion.

104. Les fidejusseurs qui, par leur cautionnement, n'ont point renoncé à l'exception de discussion, peuvent aussi, lorsqu'ils sont assignés, en vertu de leur cautionnement, opposer l'exception de discussion, et arrêter par cette exception la demande donnée contre eux, jusqu'à ce que le demandeur àit disculé son débiteur principal.

105. L'exception de division est aussi une exception dilatoire par laquelle l'un de plusieurs cofidéjusseurs, en offrant aux créanciers sa part virile de la dette pour laquelle ils ont tous répondu, arrête la demande pour le surplus, jusqu'à ce qu'il ait été constaté de l'insolvabilité des autres fidejusseurs (1).

106. Le débiteur qui est assigné pour le paiement d'une dette avant le terme de paiement, a aussi une exception dilatoire qui arrête jusqu'à ce terme la poursuite de cette demande (1).

107. Ces exceptions dilatoires doivent être proposées avant de défendre au fond, et on ne serait pas recevable à les opposer en cause d'appel, si on avait instruit en première instance sans en faire usage (3).

D'Héricourt, dans son Traité de la Vente des immeubles, chap. no 16, n'est contraire à notre sentiment que parce qu'il met l'exception de discussion dans la classe des exceptions peremptoires; mais comme c'est le temps auquel le défendeur propose cette exception qui en doit déterminer la nature, et non pas l'événement qui en peut résulter, lequel est incertain, nous croyons que cette exception n'est que suspensive, et que par cette raison elle doit être proposée à limine litis.

108. L'exception des vues et montrées était aussi une exception dilatoire qui avait lieu en matière réelle, par laquelle le possesseur d'un héritage pouvait demander qu'avant toutes choses, le demandeur ou son fondé de pouvoir se transportât avec lui sur le lieu, et lui fit voir au doigt et à l'œil l'héritage pour lequel il lui faisait la contestation, dont il serait dressé acte; comme ces vues et montrées causaient de grands frais, l'ordonnance les a abrogées par la disposition qui ordonne au demandeur de désigner l'héritage par tenants et aboutissants ('), tit. 9, art. 5, suivant qu'il a été dit au titre des Ajournements. tit. 2, art. 6.

(1) V. art. 2025 à 2027, C. civ.

Art. 2027 : « Si le créancier à divisé

Art. 2025: « Lorsque plusieurs per-« lui-même et volontairement son ac« sonnes se sont rendues cautions d'un « tion, il ne peut revenir contre cette « même débiteur pour une même dette,« division, quoiqu'il y eût, même antéa elles sont obligées chacune à toute la « rieurement au temps où il l'a ainsi « dette. >> << consentie, des cautions insolva« bles. >>

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Art. 2026: « Néanmoins chacune a d'elles peut, à moins qu'elle n'ait re« noncé au bénéfice de division, exi« ger que le créancier divise préala«blement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.« -Lorsque, dans le temps où une « des cautions a fait prononcer la di« vision, il y en avait d'insolvables, cette caution est tenue proportionnellement de ces insolvabilités, mais elle ne peut plus être recherchée à a raison des insolvabilités survenues « depuis la division. >>

(*) De là cet adage inexact: Qui a terme ne doit rien. V. art. 1186, C. civ.

Art. 1186: « Ce qui n'est dù qu'à terme, ne peut être exigé avant l'é«chéance du terme; mais ce qui a été payé d'avance ne peut être répété. () V. art. 186, C. proc.

«

Art. 186: « Les exceptions dilatok « res seront proposées conjointemen « et avant toutes défenses au fond. » () V. art. 64, C. proc., ci-dessus, p. 12, note 7.

SECT. VII.-DEs répliques et aBROGATIONS DE TOUTES AUTRES PROCÉDURES; DES DEMANDES INCIDENTES, ET DES INTERVENTIONS.

f Ier. Des répliques et abrogations de toutes autres procédures.

109. Le demandeur, à qui le défendeur a signifié des défenses contre la demande par lui donnée, peut répliquer à ces défenses par un acte signifié au procureur du défendeur (tit. 14, art. 2); mais il le doit faire dans trois jours, à compter de la signification des défenses, sans qu'après ce délai, qui ne peut être prorogé, la procédure ou le jugement puisse être arrêté (1).

Ces répliques, ainsi que les défenses, se fournissent, par un acte signifié de procureur à procureur.

Autrefois le défendeur, à qui ces répliques avaient été signifiées, pouvait y opposer des moyens qu'on appelait dupliques, et le demandeur opposait des tripliques contre ces dupliques.

L'usage de ces dupliques et tripliques a été proscrit par l'ordonnance (ibid., art. 3), et ces actes ne doivent pas passer en taxe.

§ II. Des demandés incidentes.

110. Le défendeur, outre les défenses contre la demande donnée contre Jui, peut former lui-même des demandes contre le demandeur, s'il en a quelqu'une à former contre lui; c'est ce qui s'appelle reconvention ou demandes incidentes.

Ces demandes se forment par un simple acte que le procureur du défendeur signifie à celui du demandeur ("). Cet acte n'est sujet à aucune formalité, sinon qu'il doit être libellé comme un exploit, c'est-à-dire contenir les conclusions desdites demandes, et un précis des moyens sur lesquels elles sont fondées. On doit aussi, par le même acte, donner copie des pièces qui y servent de fondement. Tit. 11, art. 23.

111. Le demandeur peut aussi, dans le cours de l'instance, former des demandes incidentes, autres que celles portées par son exploit, pourvu qu'il puisse les justifier par écrit (1), et il les donne par un acte de procureur si

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Art. 78: « Dans la huitaine suivante, le demandeur fera signifier sa « réponse aux défenses. >>

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() V. art. 337, C. proc.

Art. 79: « Si le défendeur n'a point Art. 337: « Les demandes inciden « fourni ses défenses dans le délai de tes seront formées par un simple « quinzaine, le demandeur poursuivra « acte contenant les moyens et les ⚫ l'audience sur un simple acte d'avoué « conclusions, avec offre de communi« à avoué. » « quer les pièces justificatives sur réArt. 80: « Après l'expiration du dé-« cépissé, ou par dépôt au greffe. « lai accordé au demandeur pour faire « Le défendeur à l'incident donnera « signifier sa réponse, la partie la plus « sa réponse par un simple acte. » « diligente pourra poursuivre l'au- (3) Cette condition n'est plus néces. dience sur un simple acte d'avoué à saire. V. l'art. 338, C. proc., note suia avoué; pourra même le demandeurvante.

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