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des positions de l'ennemi, la difficulté du ravitaillement en vivres et la perspective de renforts prochains et considérables qui allaient arriver, semblaient conseiller une attente prudente ou un repliement sur notre base d'opération et ne sont guère justifiables;

4.- Que, quand le combat fut commencé, il ne sut en aucune façon se rendre maitre des événements, ni donner à la bataille un caractère moins désastreux pour nos armes, malgré la valeur déployée par ses troupes qui luttèrent héroïquement partout où elles furent bien employées ;

5. - Que, même quand l'issue de la lutte inégale ne pouvait plus être douteuse, il ne sut pas prendre les dispositions imposées par les circonstances pour donner une direction quelconque à la retraite de ses troupes et atténuer en quelque façon les conséquences de la défaite qui s'annoncait inévitable;

6. Que, lui-même, en se retirant sur Adi-Caïé, a suivi une route où ne se trouvaient ni troupes de secours, ni stations télégraphiques, de sorte qu'il ne se trouva pas en mesure de donner des ordres ni à l'intendance, ni aux garnisons, ni aux détachements d'arrière, ni aux troupes qui se retiraient du champ de bataille;

Considérant néanmoins que le fait attribué au général Baratieri de s'être laissé induire à attaquer l'ennemi pour des motifs étrangers aux considérations d'ordre militaire, n'a pas été confirmé par les débats et que les vagues indices mis en avant à ce sujet, s'ils ont pu légitimer des soupçons et autoriser une accusation, n'offrent pas une conviction telle qu'on puisse baser sur eux une condamnation;

Considérant que le général Baratieri après être resté en première ligne au feu et s'être retiré un des derniers du champ de bataille, quoiqu'il ait cessé pendant un certain temps d'exercer ses fonctions de commandant en chef, n'a pas volontairement abandonné le commandement ;

Considérant que s'il a omis de prendre à temps les mesures nécessaires pour que la retraite des troupes fut moins désastreuse, cela provient de ce que débordé, entraîné par les événements qu'il n'avait su ni prévoir, ni régler, il ne trouva en soi ni l'énergie, ni la capacité de mieux faire;

Considérant que si, depuis le moment où il eut abandonné le champ de bataille jusqu'au 3 mars à neuf heures, il ne prit aucune disposition affirmaut devant l'armée son caractère de commandant en chef, cela s'est produit par une cause indépendante de sa volonté et seulement parce que, n'ayant pas su choisir une meilleure ligne de retraite, il s'était mis fatalement dans la position de ne pouvoir exercer ses fonctions;

Considérant finalement que devant les faits exposés ci-dessus, les omissions dont il est inculpé n'auraient pas de fondement légal, omissions qui, si elles peuvent au premier examen assumer les apparences d'un délit, ne conservent pas cependant ce caractère d'après ce qui résulte de

la discussion publique qui leur a enlevé la qualité essentielle de but criminel et de volontaire négligence;

Par ces considérations,

Le tribunal exclut toute responsabilité pénale du général Baratieri, mais ne peut s'abstenir de déplorer que dans une lutte aussi inégale et dans des circonstances aussi difficiles, la conduite des événements ait été confiées à un général qui s'est montré à ce point au-dessous des exigences de la situation;

Pour ces motifs,

Déclare ne pas résulter à la charge du général Baratieri les délits indiqués dans l'acte d'accusation

Et,

Vu les art. 485 et 486 du code pénal militaire,

Déclare qu'il n'y a pas lieu à procéder contre le susdit vu le manque de délit et ordonne sa remise en liberté immédiate s'il n'est pas détenu pour d'autres causes.

BIBLIOGRAPHIE

Attaque et défense des places, par le major Libbrecht et le lieutenant Cabra. Bruxelles 1895. In-8°, 166 pages.

La guerre de siège a été l'objet de nombreux livres. Celui-ci se distingue par sa classification des divers modes d'attaque des places fortes.

A côté des attaques d'emblée et de celles en règle, nous y trouvons un intéressant chapitre sur l'attaque dite brusquée, qui constitue une nouvelle méthode. Celle-ci, préconisée récemment par divers auteurs, n'avait jusqu'à présent guère trouvé sa place dans les manuels et cours de fortification. Comme les promoteurs de ce système le croient destiné à remplacer en une large mesure les sièges réguliers dans les guerres futures, il valait la peine de le soumettre à une étude serrée. La méthode étant toute récente et n'ayant jamais été employée dans aucun siège, la critique en était assez difficile et ne pouvait se baser que sur des considérations théoriques. Les auteurs ont fort bien su se tirer de cette tâche délicate; l'exposé qu'ils donnent de la méthode est très clair et les conclusions auxquelles. ils arrivent nous paraissent fort raisonnables.

L'attaque brusquée est en somme une sorte de bombardement combiné avec un resserrement progressif du cordon d'investissement. Elle suppose l'adjonction à l'armée de campagne d'un léger parc de siège, lui permettant de combattre efficacement dès l'abord le feu de la place, d'écraser rapi

dement quelques forts et d'en prendre possession par l'assaut sans avoir recours à des cheminements et à des parallèles en règle.

Les auteurs n'ont pas de peine à établir qu'un tel procédé n'aurait guère de chances de réussite contre une place forte moderne complètement armée et bien défendue. En effet, on ne peut guère admettre que la lourde artillerie des forts puisse être écrasée par le léger parc de siège de l'assaillant; c'est bien plutôt le contraire qui aurait lien.

En revanche, une place à proximité de la frontière, subitement attaquée alors que son armement n'est pas terminé et que sa garnison n'est pas au complet, risquerait fort de succomber promptement. Les auteurs concluent donc à la nécessité de tenir les places frontières toujours complètement armées et organisées.

Les autres parties de l'ouvrage, tout en étant fort bien traitées, ne renferment que peu de chose qui soit neuf, mais nous ne saurions trop recommander au lecteur militaire la lecture de l'intéressant chapitre sur l'attaque brusquée, qui jette un nouveau jour sur la guerre de siège et qui lui applique les mêmes principes qu'à la guerre de campagne.

Erinnerungen an Oberst Heinrich Wieland. Herausgegeben von Oberst Hans von Mechel. Bâle 1896. Benno Schwabe, éditeur.

Lorsque mourut, il y a deux ans, le colonel Henri Wieland, tous les journaux suisses, du plus au moins, donnèrent de cet officier si regretté des détails biographiques relatifs surtout à sa longue carrière militaire. Les amis du défunt n'en apprendront pas moins avec plaisir qu'un de ses compagnons d'armes, le colonel Hans von Mechel, vient de consacrer à Wieland une intéressante brochure d'une centaine de pages, hommage de l'ami à l'ami, du soldat au soldat.

La période qu'embrasse le récit est presqu'exclusivement celle du service fait par Wieland à l'étranger, soit de 1850 à 1861. Cette époque si troublée de l'histoire de l'Italie, l'auteur de la brochure l'a vécue aux côtés de son héros, et pendant un certain temps sous ses ordres directs. Il lui a donc suffi de faire appel à ses souvenirs, de les appuyer par le dépouillement de sa correspondance et de ses archives personnelles, pour reconstituer une histoire bien vivante de ces onze années. En ressuscitant le cadre au milieu duquel a agi Wieland, il fait mieux ressortir la figure de celui-ci. Ainsi la brochure, loin de faire double emploi avec les articles précédemment parus, les complète, et offre aux amis du regretté défunt le souvenir le plus vrai et le plus complet qu'ils puissent désirer des meilleures années de sa vie militaire.

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XLIe Année.

N° 8.

Août 1896.

L'artillerie suisse à l'Exposition de Genève 1.

Le Musée d'artillerie de Thoune, formé depuis une trentaine d'années grâce aux soins des chefs d'arme de notre artillerie, M. le général Herzog et M. le colonel Schumacher, a exposé à Genève une série de modèles présentant une vue d'ensemble du matériel d'artillerie de la Confédération dès le commencement du XIXe siècle.

On y trouve, rangés à leur date et dans l'ordre de succession naturel, toutes les bouches à feu, tous les affùts et toutes les voitures de guerre qui ont été en service depuis un siècle dans notre artillerie.

Rien n'a été épargné par le chef de l'arme pour compléter, avec les détails les plus authentiques, la série des constructions d'une valeur historique réelle, marquant chacune des étapes du développement de notre matériel de guerre. L'artillerie de campagne, l'artillerie de montagne et l'artillerie de position sont représentées d'une manière complète par des modèles de proportions réduites, faciles à étudier et à comparer.

L'exposition d'artillerie est groupée en trois étages de bouches à feu et de voitures, formant une sorte de pyramide dominée par le buste de M. le général Herzog, qui, de 1859 à 1894, a tant contribué, comme chef de l'arme, à développer notre artillerie et à lui assurer la place honorable qu'elle occupe en Europe.

Les bouches à feu exposées éveillent le souvenir d'événements historiques; les unes rappellent les occupations de frontières, les autres ont été introduites à la suite de guerres sanglantes des puissances voisines. Quelques dates relatives à nos institutions militaires et à la création du matériel exposé ajoutent à l'intérêt que ce matériel offre par lui-même.

A la fin du siècle dernier, chaque canton avait son artillerie.

1 Cet article a paru également dans le Journal officiel de l'Exposition nationale, numéro du 7 août.

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Celle-ci n'était pas encore régulièrement organisée en batteries avec personnel, chevaux et matériel; on ne connaissait même pas la distinction entre artillerie de campagne et artillerie de position. On désignait les bouches à feu d'après le poids en livres de leur projectile plein, ce qui, les projectiles étant tous sphériques, indiquait exactement le calibre plus ou moins fort. Les pièces mobiles étaient attachées, au nombre de deux à quatre, aux régiments d'infanterie, qui fournissaient le personnel nécessaire au service des bouches à feu; les conducteurs et les chevaux, rassemblés au moment du besoin, formaient un groupe distinct des servants. Les pièces légères étaient alors, par exemple dans le Canton de Berne, celles de 2 liv. et de 3 liv., à chargement par la bouclie, et celles de 4 liv., dont une partie à chargement par la culasse. Les pièces lourdes canons de 6 liv., 12 liv., 16 liv., 18 liv., 24 liv., et un petit nombre d'obusiers et de mortiers, étaient attachés au service des places fortes.

Le plus ancien des modèles exposés, le canon de 4 livres à tir rapide, du système Wurstemberger, à chargement par la culasse, était la bouche à feu régimentaire principale du Canton de Berne. Ce canon avait été construit en 1749 et resta en service jusqu'en 1798.

La bouche à feu, du poids de 241 kil., avait exactement le calibre de nos canons de campagne actuels, 84 mm. A la fin du XVIIIe siècle, comme aujourd'hui, on trouve donc en Suisse le calibre de 84 mm. et le chargement par la culasse. Il est vrai que le projectile est tout autre et le mécanisme de culasse bien différent; le défaut d'obturateur fit abandonner la culasse tombante du canon Wurstemberger.

Le canon de 16 liv., dit canon vaudois, exposé à côté du canon régimentaire de 4 liv. à tir rapide, a été donné à la Suisse par le Directoire; Berne avait 4 canons de 16 liv., Argovie 2, Vaud 2. On peut encore voir ces deux derniers à l'arsenal de Morges; en 1857, les canons de 16 liv, furent envoyés à Bale pour la défense de la place. Le nom de Maritz, qui se trouve sur la bouche à feu de 16 liv. et sur plusieurs autres bouches à feu suisses, est celui d'une célèbre famille de fondeurs. En 1739, le sieur Maritz, du Jura bernois, fondeur à Genève, se fit annoncer à la cour de France comine inventeur de nouveaux procédés pour le coulage des bouches à feu massives et le forage de l'âme. A cette époque, on cou

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