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Après la manoeuvre, la critique sera raccourcie le plus possible. La carte générale du terrain des manœuvres ne pouvant nous être livrée qu'après le 20 courant, sera ultérieurement expédiée.

L'école centrale IV. L'école centrale IV prévue pour 1896 a eu lieu du 10 juin au 8 juillet sous le commandement du colonel Isler. Elle a été fréquentée par trente-huit lieutenants-colonels, dont onze appartenaient à la Suisse romande. Sauf la cavalerie, toutes les armes étaient représentées. Commencée à Zurich, l'école s'est terminée par un voyage qui a duré du 29 juin au 7 juillet, et dont les étapes ont été Lenzbourg, Aarau, Liestal, Frohburg, Olten, Soleure, Langenthal.

A Zurich, l'ordre du jour comportait quatre heures pleines de théorie le matin et un exercice pratique dans le terrain, après midi. Une visite à l'école de tir de Wallenstadt a rompu la monotonie de cette première partie de l'école. Les cours théoriques avaient pour objet la stratégie (colonel Isler), la tactique (colonels Hungerbühler, de la Rive, Zemp, instructeurs de classe), la cavalerie (colonel Wildbolz), l'artillerie (lieutenant-colonel Stückelberger) et la fortification (colonel Weber).

Toute l'école était logée dans la caserne de Zurich, où il n'y a pas plus moyen de prendre un bain que dans la plupart de nos casernes. On montait à cheval à 2 h. 30 et on rentrait vers 7 h. du soir. Cette demijournée était parfois trop courte pour l'exécution de la tàche assignée.

Les fortifications passagères élevées par Masséna, autour de Zurich, ont fait l'objet d'une leçon du colonel Weber, et leur rétablissement a été étudié sur place, naturellement en tenant compte des modifications survenues dans l'art de mise en défense des positions. A ce propos, il est à remarquer que nos anciens types de fossés pour tirailleurs sont vraisemblablement condamnés à disparaître. Partout où cela est possible, le fossé est creusé de manière à abriter le tirailleur au moyen du sol naturel et sans le secours d'un parapet, qui a le désavantage d'être trop visible et souvent insuffisant. La terre provenant du creusage est transportée à distance. On en fait souvent des retranchements simulés, destinés à attirer le feu de l'ennemi.

Les travaux écrits, très nombreux, consistaient dans la rédaction des divers ordres prévus par l'instruction de 1895, sur le service des étatsmajors (rassemblement, mouvement, stationnement, etc.). Les exercices pratiques étudiaient les dispositions à prendre dans un cas donné, tant pour le combat que pour l'établissement des avant-postes, la marche ou le stationnement. Pour l'exécution de ces travaux, les officiers étaient répartis en trois classes.

L'école appliquait naturellement la nouvelle tactique. Plus de mises en ligne successives de petits paquets de tirailleurs. Lorsque le plan

d'attaque est arrêté, on avance sur l'ennemi avec une ligne de tirailleurs aussi étendue que le permettent le terrain et les effectifs disponibles. La chaîne a été formée à couvert, dans le front même où elle marchera; elle a reçu ses points de direction, pris autant que possible dans la position même de l'ennemi. Elle surgit inopinément, comme une grande vague, et s'achemine sans interruption vers sa position principale de combat.

Dans son voyage l'école a étudié le passage de la Reuss dans la contrée de Bremgarten, un combat vers Villmergen, l'attaque et la défense du Hauenstein et une opération entre Soleure et Langenthal. On travaillait avec un corps d'armée. L'ordre du corps était donné par un instructeur, tous les autres par les élèves. Quelques-uns de ceux-ci ont donc commandé sur le papier une division. Les officiers sanitaires recevaient les mêmes tâches que leurs camarades des armes combattantes. Un officier du génie a dicté les ordres pour une division.

C'est le colonel Isler qui a fait la critique générale des exercices exécutés en cours de voyage. Il a su rendre ses critiques aussi intéressantes qu'instructives. Le 1er juillet, sur les hauteurs de Dottikon, il racontait à grands traits les deux batailles de Villmergen, dans le cadre même où elles avaient été livrées, et de ces faits de guerre, il faisait sortir une saisissante leçon de tactique. Trois jours plus tard, à la Frohburg, il montrait comment l'insidieuse position du Hauenstein ne peut être tenue que par une défense très active, mobile et bien renseignée.

Le discours par lequel le colonel Isler a licencié l'école, à l'issue de la dernière critique, à Langenthal, mérite d'être cité pour sa concision. « Je remercie mes collaborateurs, a dit en substance l'instructeur en chef de l'infanterie, et spécialement le colonel de la Rive, qui a élaboré le plan de notre voyage d'instruction. Aux officiers qui ont suivi cette école, il serait superflu de rappeler qu'on n'a jamais fini d'apprendre. Je vous souhaite, messieurs, de n'être jamais surpris, insuffisamment préparés. par un ordre de marche, qu'il s'agisse d'un service de paix ou de guerre, Vous êtes licenciés. >>

Les officiers qui fréquentent l'école centrale IV sont des hommes parvenus à la quarantaine. La plupart ont exercé des commandements dans plusieurs cours de répétition, et ce n'est pas sans quelque répugnance qu'ils redeviennent écoliers et font des travaux écrits qu'on leur rend corrigés. Naturellement tout cela peut être bien facilité par la personnalité des instructeurs.

La rapide usure de l'homme, constatée dans les services de la landwehr, n'épargnait guère autrefois les officiers supérieurs. Aujourd'hui on est plus endurant, mieux entraîné, plus mobile. Les cas d'obésité, de gêne de la respiration, de manque de vigueur ont presque complètement disparu. Il est vrai que la sobriété a fait de grands progrès parmi les officiers. L'usage modéré des boissons alcooliques est devenu la règle, et l'intem

pérance ne peut plus compter sur l'indulgence générale. Que sera-ce quand les générations formées par la bicyclette arriveront à leur tour aux écoles centrales supérieures ?

L'utilité des écoles centrales est incontestée. L'officier de troupe y puise des connaissances précieuses, qu'il ne saurait acquérir durant la brève durée des cours de répétition. L'habitude du maniement de la troupe le met en garde contre les dangers d'une méthode d'instruction dominée par le culte de la théorie et de la forme. En revanche, on s'explique fort bien qu'un officier formé exclusivement par la manoeuvre de troupes supposées puisse briller dans ce genre d'exercice tout en restant incapable de conduire convenablement un bataillon ou un régiment. Dès qu'il s'agit de mener des hommes, les qualités de caractère nécessaires au commandement deviennent le grand facteur du succès. En outre, les préoccupations du commandant d'une unité sont tournées vers sa troupe ; celles de l'élève d'une école centrale, vers le professeur qui fera la critique, et cette différence d'orientation implique la diversité des tâches à remplir.

Les soldats que fait manœuvrer l'école centrale ressemblent aux pièces d'un échiquier: ils ne connaissent ni la fatigue, ni la faim, et tous leurs mouvements sont réglés par des mesures invariables Surmenons tant qu'il nous plaira ces troupes idéales, mais n'oublions pas qu'au soldat de chair et d'os il ne faut demander que ce qu'il peut donner.

Mission.

Lieut.-colonel REPOND.

M. le lieutenant-colonel dans l'état-major général R. Brunner, à Berne, et M. le major d'artillerie Chauvet, instructeur de le classe de l'artillerie, à Thoune, ont été désignés pour assister aux manœuvres des XVe et XVIIe corps français, sous la direction de M. le général Caillot, membre du conseil supérieur de la guerre.

Résumé des résultats de tir de l'artillerie suisse dans les écoles et cours de 1895. Le bureau d'artillerie a

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établi, à partir de 1894, le tableau des résultats moyens de tir obtenus dans les écoles et les cours de l'artillerie. Le tableau de 1895 vient de paraitre.

Voici, calculées sur les mêmes bases, les moyennes des touchés par coup et par minute, obtenues par l'artillerie de campagne, dans les années 1894 et 1895:

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En comparant ces résultats, on voit que la moyenne des touchés par coup est à peu près la même dans les deux années, tandis que la moyenne des touchés par minute a sensiblement augmenté en 1895. Il faut attribuer ce résultat, dit le rapport, d'une part à ce que, dans les calculs de 1895, on n'a pas tenu compte des séries tirées à obus, ce projectile n'étant plus considéré comme projectile de campagne, d'autre part, au fait de l'introduction, à titre d'essai, en 1895, du nouveau projet de règlement de l'école de pièce et de tir, qui rend plus simple et plus rapide le service de la pièce et vise surtout l'accélération du tir.

Fusil modèle 1889-1896. Sous la dénomination de fusil modèle 1889-1896, le Conseil fédéral a adopté, pour les futures acquisitions de fusil, un obturateur plus court, muni d'un tenon de fermeture placé en avant. Les avantages de cette modification sont une obturation plus complète permettant l'emploi d'une charge plus forte, un appareil d'obturation plus court, une meilleure position de la tête du tireur, plus de sécurité pour celui-ci contre le recul de la broche, enfin légèreté plus grande de l'arme dont le poids est réduit d'environ cent grammes.

Les manipulations pour la construction de l'arme restent les mêmes. Le coût est augmenté de 50 centimes.

Les officiers suisses à Worth et à Wissembourg.La Section vaudoise de la Société des officiers et la Société vaudoise des armes spéciales avaient organisé, ce printemps, des voyages aux champs de bataille de la guerre de 1870-71; un des voyages avait pour but la Lisaine et les combats autour de Belfort; l'autre, Wörth et Wissembourg.

Dans l'idée des promoteurs de ces courses, la visite de la Lisaine devait attirer le plus grand nombre de participants. La nature du terrain, semblable en beaucoup de points à celui de notre propre territoire, les troupes françaises qui avaient combattu autour de Belfort et dont nous avons vu arriver en Suisse les débris, l'intérêt surtout que donnait à cette région et à ce voyage le magistral ouvrage du colonel Secretan, tout faisait présumer que l'intérêt se porterait de préférence de ce côté. Tel n'a pas été le cas. Vingt-deux officiers vaudois, auxquels s'étaient joints deux neuchâtelois, ainsi que le colonel Wildbolz, instructeur en chef de la cavalerie, se sont présentés pour le voyage de Wörth et Wissembourg. Le colonel Audéoud avait bien voulu se charger de la conduite de ce voyage, dont voici le programme :

1er jour (29 mai): Voyage jusqu'à Strasbourg.

2me jour : Départ de Strasbourg pour Morsbronn et visite des positions et des localités de Günnstett, Albrechtshäuserhof, Elsasshausen, Frosch

willer, forêt de Langensulzbach, Säge-Mühle, Alte-Mühle, Görsdorf et Wörth. Départ pour Wissembourg.

3me jour (dimanche): Visite de Wissembourg et du Geissberg, retour à Strasbourg.

4me jour: La matinée au champ de manoeuvres de Strasbourg, puis retour en Suisse.

Le comité d'organisation avait avisé de ce voyage l'attaché militaire de l'Allemagne à Berne, lequel le mit en rapport avec le commandant du XVe corps à Strasbourg. Un capitaine d'état-major, fort aimable, fut désigné pour accompagner les officiers suisses; ils purent ainsi parcourir, sans être inquiétés, le théâtre des batailles des 6 et 4 août et y prendre même plusieurs photographies. Ils assistèrent aussi sans difficulté, le lundi 1er juin, à Strasbourg, à l'inspection de deux bataillons par le commandant du corps, sur la place d'exercices, d'habitude interdite aux civils.

La connaissance parfaite du terrain et de la bataille de Wörth que possède le colonel Audéoud, l'entrain admirable avec lequel il faisait revivre les grands mouvements de la bataille et les épisodes des combats partiels qui la composent, aussi bien que la bravoure des soldats français et la ténacité des troupes allemandes, ont laissé aux participants un souvenir durable et extrêmement instructif, que ne procurerait jamais une étude d'après la carte.

Au Geissberg, le château est resté à peu près dans le même état qu'il y a vingt-cinq ans. Traces de balles et d'obus, murs ébréchés, portes enfoncées, tout rappelle le combat du 4 août 1870. On se rend compte du point d'appui excellent que devait offrir à une troupe brave et décidée, ce château aux fortes murailles, à la terrasse dominante et aux murs d'enceinte formant rempart. On sait que l'infanterie allemande dut attendre que l'artillerie ait fait brèche pour pénétrer dans le château et amener le reste des défenseurs à se rendre. A cette occasion, les officiers d'artillerie présents calculaient le temps et la dépense de munitions qu'aurait coûté l'ouverture d'une brèche dans ces épaisses murailles, avec notre seul shrapnel. et combien il serait désirable d'introduire à bref délai dans notre approvisionnement en munitions, une petite proportion d'obus brisants. en vue d'objectifs de ce genre.

L'inspection du lundi à Strasbourg a présenté, elle aussi, un très vif intérêt. Les problèmes posés au commandant de bataillon et les évolutions étaient identiques à ce qu'on voit chez nous; l'exécution et les mouvements en général étaient par contre exécutés avec beaucoup plus de rapidité. Un défilé de bataillon, en colonne par sections, au pas gymnastique cadencé, dans un alignement parfait, faisait désirer aux officiers d'infanterie que nos écoles de recrues aient une durée de dix semaines pour amener nos hommes au même résultat.

E. M.

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