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Bien souvent les troupes impatientées n'ont pas attendu l'achèvement du passage et ont traversé la rivière avec l'eau jusqu'aux aisselles.

Mais bien souvent aussi le passage a été effectué trop tard et même pas du tout.

Il faut convenir que les progrès du pontage n'ont pas marché de front avec l'augmentation de vitesse des opérations tactiques et stratégiques conduites avec plus de vigueur qu'autrefois.

On compte de 6 à 10, 12 minutes par mètre courant pour la construction d'un pont, quand le matériel de circonstance nécessaire est à portée sur la rive, non travaillé, et qu'aucun bateau n'est à disposition pour la mise en place des supports, que la profondeur ou le courant de l'eau empêche de poser à la main.

Les 10 minutes s'appliquent aux petits ponts d'une trentaine de mètres, par exemple. La construction de ponts plus longs exige relativement moins de temps. Cela provient de ce que, quelle que soit la longueur du pont, le lancement peut commencer dès que la première travée est prète et que pendant ce temps on peut continuer la confection du matériel, c'est-àdire que le temps employé pour les travaux préparatoires nécessaires pour commencer le lancement comparé à la durée de l'opération entière diminue à mesure que le pont augmente de longueur. 6 minutes par mètre, admettons 5 minutes pour des cas exceptionnellement favorables, sont la vitesse maximale à laquelle on peut arriver, et encore faut-il pour cela des hommes de toute première habileté.

C'est encore trop long, beaucoup trop long. Mais on ne peut arriver à un passage plus rapide qu'en modifiant à fond le procédé de construction actuel.

La méthode en usage consiste à scier les poutrelles pour des portées de 4 à 6 mètres environ et à faire supporter l'extrémité de chaque travée par un chevalet. C'est la mise en place de ce dernier qui exige le plus de temps.

Au lieu de cela, utilisons les longerons dans toute leur longueur, sans les scier, tels qu'on les trouve sur place, qu'ils aient 12, 15 mètres ou davantage, et renforçons-les suivant les besoins en un ou deux points par des sous-poutres et poutrelles. Ce renforcement des poutrelles n'arrêtera la continuation du pont que d'une minute, si l'on se sert de liens d'écha faudage analogues aux crampons des télégraphistes.

Nous économisons ainsi la mise en place de la moitié ou des deux tiers des chevalets. Mais comme il est impossible de pousser les chevalets en porte-à-faux à 15 ou 20 m. en avant, utilisons l'appareil à ponter représenté dans les photographies sorte de chèvre mobile que nous poussons au large avec

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les longerons jusqu'à épuisement de leur longueur.

Laissons alors l'appareil en place en guise de chevalet et continuons le franchissement de la rivière avec un second appareil. Si nous n'avons qu'un appareil à disposition, dégageons-le pour nous en servir de nouveau après l'avoir remplacé par un chevalet déjà confectionné ou fait sur place.

Pour que le pontage se fasse sans perte de temps, les souspoutres seront liées aux longerons avant le lancement. Sauf pour la première travée, les ligatures ne seront pas serrées, afin de pouvoir biaiser les sous-poutres au passage entre les pointelles et les pieds des chevalets déjà en place. En outre, les longerons seront contreventés par quelques planches qui, pourront servir ensuite de passerelle aux hommes devant manœuvrer les pointelles.

Le pontage s'exécute donc dans l'ordre suivant :

Travaux préparatoires. Fixer l'appareil à ponter à l'extrémité et les sous-poutres aux points intermédiaires des poutrelles de la première travée.

Contreventer les poutrelles et clouer provisoirement quelques planches pour les échafaudeurs et ceux qui placeront les pointelles.

Lancement. Pousser au large l'appareil avec les poutrelles jusqu'à épuisement de leur longueur. Mise en place des pointelles, fixer le corps-mort et achèvement de la travée. Consolidation par des étais fixés aux pointelles et sous-poutres (peut aussi se faire plus tard).

Pendant le lancement de la première travée, préparation de la deuxième travée. Puis amener cette travée et continuer comme pour la première travée et ainsi de suite.

Les essais faits à Brugg et à Chalon-sur-Saône ont donné une vitesse moyenne de pontage de 1 minute par mètre, c'està-dire une vitesse 5 fois plus grande que celle obtenue avec le procédé habituel.

L'une des photographies montre un pont de circonstance de 37 mètres construit à Chalon-sur-Saône, par 12 hommes

du Creusot, en 30 minutes. La profondeur de l'eau atteignait 3m50. Le fond était légèrement boueux.

La simplicité du pontage, la réduction des travaux préparatoires à quelpues ligatures expliquent cette rapidité de construction. Malgré la vitesse de l'opération, la solidité n'y perd rien, grâce aux longues poutrelles. On se garderait bien, pour un échafaudage, de scier les longerons à la distance des points de support.

Les ponts à supports flottants peuvent être lancés par un procédé analogue..

Le Creusot a appliqué le même principe de construction aux ponts d'ordonnance. Les travées sont de 7 mètres et renforcées en leur milieu par un support intermédiaire analogue à l'appareil à ponter, mais à deux pointelles seulement.

Les poutrelles, calculées pour une portée de 3m50, sont cependant assez fortes pour porter les échafaudeurs avant la mise en place du support intermédiaire.

Le lancement s'opère comme cela a été décrit pour de circonstance.

les ponts

Les photographies représentent les lancements d'essais des ponts d'avant-garde de 1m20 de largeur, destinés à la République-Argentine. La mise en place a été exécutée par 12 hommes à raison de 0,5 minute par mètre.

Les travaux préparatoires, qui ne consistent qu'à descendre de la voiture les poutrelles déjà contreventées de la première travée et à fixer l'appareil à ponter, n'exigent que quelques

minutes.

C'est là ce qui en fait le grand avantage et ce qui permet de franchir une petite rivière plus vite qu'avec n'importe quel matériel existant.

Trois travées complètes sont chargées sur la même voiture. Le poids de la voiture chargée et équipée est de 1400 kilos. Les deux ponts fournis à la République-Argentine ont été construits en vue aussi du transport à dos de mulet. Dans ce but, les poutrelles ont été faites de 2 pièces de 3m50, que l'on éclisse pour la construction. Les poutrelles de guindage n'ont également que la demi-longueur de travée. 100 mètres de pont, y compris outils, pièces de réserve, sont chargés sur 91 mulets. Faute de mulets, les essais de transport n'ont pu être faits qu'avec des ànes de petite taille. Malgré cela, on a pu constater l'extrême mobilité d'un transport pareil.

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