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premier et dernier ressort sur une contestation dont la connaissance appartient souverainement à un tribunal de première instance? comment deviendraitil juge lorsque l'appel n'est recevable que sous le rapport de la compétence?

Il semble que, quand la cour a prononcé sur la compétence, son pouvoir est épuisé; car ce n'est que dans un intérêt d'ordre public et pour le maintien des jurisdictions que l'appel d'incompétence est admis même dans le cas où l'objet est d'une valeur inférieure à 1000 francs, etc.

C'est une exception introduite par le code de procédure; la jurisprudence antérieure était contraire.

Suit-il de cette exception que le juge d'appel puisse devenir juge en dernier ressort dans les matières qui sont réservées aux tribunaux de première instance?

N'est-ce pas rétorquer contre elle-même la loi dont le but, en autorisant l'appel d'incompétence, est d'empêcher l'interversion du pouvoir judiciaire qu'elle a réglé ?

Quel parti y a-t-il donc à prendre?

Renvoyer devant le juge qui a déclaré son incompétence c'est, dit-on, blesser la maxime semel gravans, etc., c'est exposer les parties à un nouveau déni de justice.

Les renvoyer à un autre tribunal, quelle serait la disposition de la loi qui légitimerait cette mesure; car, encore une fois, il ne s'agit pas d'exé

cution?

La vérité est que l'on ne doit jamais craindre qu'un tribunal refuse de juger le fond, quand la cour le réforme sur la compétence; ce serait une espèce de révolte contre l'autorité supérieure.

D'ailleurs l'opinion du tribunal n'a pas été censurée, quant au fond, puisqu'il s'est abstenu d'en connaître; c'est souvent par un excès de prudence ou de crainte que les premiers juges prononcent leur incompétence, sur-tout dans le doute que tière ne soit de l'autorité administrative.

On oppose à ces raisonnemens,

la ma

Que l'affaire a été soumise au fond; qu'il a dépendu du tribunal de la juger; qu'ainsi il y a eu un premier degré de jurisdiction;

Que le renvoi devant un autre tribunal produirait une seconde première instance;

Que le tribunal auquel la cause serait renvoyée, pourrait encore, comme le premier, se déclarer incompétent.

On oppose l'article 472 et l'article 473 du code de procédure civile.

Les dispositions de ces articles sont générales, et l'article 473, autorisant les tribunaux d'appel à statuer sur le fond, lorsqu'il infirme des jugemens définitifs, ne fait aucune distinction (*).

(*) Quand on s'arrête à une nullité d'exploit, l'affaire n'est pamoins soumise au premier juge; cependant s'il y a appel du jus gement qui prononce la nullité, la cour n'a pas le droit d'évoquer, par la raison que le fond n'a pas été abordé : il semble qu'il l'est ́ beaucoup moins lorsque le juge dit qu'il ne peut pas en connaître.

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Il suffit donc qu'un jugement définitif déféré à la connaissance de la cour soit infirmé ou annullé pour qu'elle soit autorisée à évoquer et à juger le fond, quelle que soit la valeur de l'objet de la demande.

Dans le fait qui avait donné lieu à examiner cette question, quelques particuliers ayant enlevé du minerai de fer furent poursuivis en restitution: l'objet de la restitution était évalué à une somme inférieure à 1000 francs.

Le tribunal de Prum saisi de la cause avait craint que l'affaire ne fût de la connaissance de l'autorité administrative; il se déclara incompétent.

Son jugement fut réformé, et la cour évoquant retint la connaissance du fond par l'arrêt suivant :

« Attendu qu'il est à remarquer, dans l'espèce de la cause, que l'action du demandeur avait pour objet de faire réparer une spoliation commise par voie de fait, ce qui ne présentait qu'une contestation de particulier à particulier, pour des intérêts privés, aucunement de l'intérêt du gouvernement et de question de concession de minérais; que ce n'était donc pas le cas de la part des premiers juges de se déclarer incompétens et de renvoyer les parties devant l'autorité administrative;

« Qu'il est dautant plus étonnant qu'ils se soient déterminés à déclarer cette incompétence que, malgré que le défendeur en eût excipé devant eux à limine litis, ils ne s'y étaient pas arrêtés et avaient prononcé un interlocutoire qui avait trait au fond de

la cause, interlocutoire qui, quoiqu'exécuté d'une manière irrégulière et nullement conforme aux règles prescrites par le code de procédure, semblait néanmoins devoir être suivi d'une décision au fond;

« D'où il suit que le jugement attaqué est susceptible d'être annullé, et qu'il y a lieu d'évoquer le fond, d'après les dispositions de l'article 472 du code précité.

« Par ces motifs,

«La cour, ayant aucunement égard aux conclusions des parties, annulle le jugement dont est appel; et faisant ce que les premiers juges auraient dù faire, ordonne que les parties plaideront au fond, et ce à la prochaine audience; condamne l'intimé aux dépens de première instance et à ceux faits jusqu'à ce jour en cause d'appel; ordonne la restitution de l'amende consignée. »

Du 30 décembre 1811.

MM. Georgel et Ruppenthal.

N. B. Il serait difficile de concilier cet arrêt avec les principes reconnus en matière d'évocation par un arrêt de la cour de cassation en date du 9 oc. tobre 1811, rapporté dans la collection de Sirey, 1.er cahier de 1812, pages 15 et 16.

REMARQUE

SUR les dispositions des articles 556 et 1030 du code de procédure civile.

Art. 556. « La remise de l'acte ou jugement à « l'huissier vaudra pouvoir pour toutes exécutions au<< tres que la saisie - immobiliaire et l'emprisonne«ment pour lesquels il sera besoin d'un pouvoir spécial.

«

Art. 1030. « Aucun exploit ou acte de procédure << ne pourra être déclaré nul, si la nullité n'en est « pas formellement prononcée par la loi. »

Pigeau, dans son commentaire du code de procédure, est d'avis que le pouvoir spécial n'est requis par l'article 556 que dans l'intérêt de la partie qui saisit ou qui exerce la contrainte par corps, et pour la responsabilité de l'huissier.

Que, si les poursuites sont avouées, la partie saisie n'est pas recevable à exciper de nullité, résultant du défaut de pouvoir spécial rémis à l'huissier pour saisir réellement ou emprisonner.

Cette opinion a été suivie par plusieurs cours d'ap pel; celle de Bruxelles l'a décidé ainsi en matière d'emprisonnement, par arrêt (*) du 13 juin 1807 : il existe encore d'autres préjugés de la même cour et dans le même sens.

(*) Tome 11, page 357 du présent Recueil.

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