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soit troublé, et pour faire observer à cet égard les usages reçus entre les nations commerçantes et les règles qui peuvent être censées subsistantes entre les couronnes de France et de la GrandeBretagne.

Dans cette juste confiance l'ambassadeur soussigné pourroit croire superflu de prévenir le ministère britannique, que le Roi son maître étant déterminé à protéger efficacement la liberté légitime du commerce de ses sujets et de soutenir l'honneur de son pavillon, S. M. a pris en conséquence des mesures éventuelles, de concert avec les États-Unis de l'Amérique septentrionale. Londres, le 13 mars 1778.

Le Marquis DE NOAILLES.

ARTICLE DEUXIÈME.

Des mémoires en réponse.

Les souverains répondent ou font répondre aux mémoires des souverains ou ministres étrangers par d'autres mémoires. L'ancienne distinction de ces écrits en contre-mémoires, décrets, signatures et résolutions, distingués par des formes particulières, n'est plus admise aujourd'hui dans la diplomatie générale de l'Europe, qui ne les rédige plus que sous une seule et même forme, celle de

contre-mémoires.

Le mot de contre - mémoire, généralement

adopté, désigne un écrit polémique dans lequel on cherche à détruire l'effet du mémoire auquel il répond, soit en réfutant des faits, soit en repoussant des inculpations et des griefs, soit en combattant des prétentions, en rejetant des demandes, en soutenant des droits, etc.

C'est ici le cas de faire l'application des principes que nous avons établis dans la théorie générale du style diplomatique. Ces combats politiques exigent particulièrement le talent de la discussion, une grande pénétration pour découvrir les piéges qu'on peut tendre à la bonne foi, et les conséquences les plus éloignées d'une allégation; une bonne méthode de raisonnement pour sortir des argumens captieux et réduire à rien les sophismes; une connaissance profonde des faits. et du droit; connaissance sans laquelle on ne saurait ni se servir avantageusement de ses armes, ni saisir les faibles de l'attaque de l'adversaire.

Ce que ces discussions exigent du caractère du négociateur n'est ni moins important ni moins rare. S'il manque de fermeté ou de présence d'esprit, il se laissera imposer ou déconcerter; s'il manque de sang-froid et de prudence, il nuira au bien de sa cause ou compromettra sa propre dignité. En un mot un contre-mémoire doit être l'ouvrage d'un jugement mûri et ferme, d'un esprit éclairé, et d'une plume adroite.

Quant à la forme et au cérémonial, ces écrits étant en tout conformes aux mémoires dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, nous ne nous y arrêterons pas davantage.

Ces réponses commencent ordinairement par un récit ou extrait du mémoire auquel on répond. Pour éviter toute équivoque, ces extraits des passages les plus importans du mémoire auquel on répond, doivent être présentés, s'il est possible, avec les termes mêmes de l'original. Mais comme cette forme entraîne des longueurs, on se contente quelquefois de rappeller en termes généraux le sujet dont il s'agit. Après ce résumé, plus ou moins détaillé, on déclare sa résolution en disant que S. M., après avoir considéré le susdit mémoire, a ordonné d'y faire la réponse suivante.

Quelques cours sont dans l'usage de terminer leurs réponses par quelques expressions de bienveillance pour le ministre, ou même d'égard pour la personne de son souverain.

Pour terminer ce qui concerne les réponses, nous observerons encore que, dans la plupart des cours de l'Europe, lorsqu'un envoyé accompagne d'une lettre un mémoire qu'il présente au secrétaire d'état, il est d'usage que ledit ministre y réponde seul. Cela se pratique aussi lorsque l'envoyé, sans présenter de mémoire, a prié par écrit le ministre de faire une communication à sa cour.

Ces réponses, conçues en forme de lettres, sont affranchies des formalités en usage dans la correspondance ordinaire, et ne contiennent qu'un simple récit.

EXEMPLES.

I.

Réponse des États - Généraux à un Mémoire du Chevalier Temple, ambassadeur extraordinaire d'Angleterre.

Extrait des résolutions des États-Généraux des ProvincesUnies, du 9 mars 1675 1.

« Sur le rapport de messieurs le Pensionnaire Fagel, et des autres députés de L. H. P. pour les affaires étrangères, et conformément aux résolutions du 22 février, ayant vu et examiné le mémoire du sieur Chevalier Temple, ambassadeur extraordinaire de S. M. Britannique, dont le contenu est, que le Roi de France, pour des raisons qui sont alléguées dans le mémoire du 9 dudit mois, a refusé la ville de Meurs pour lieu d'as

! Les réponses des États-Généraux des Provinces-Unies aux mémoires des ministres étrangers étaient toujours conçues en forme de résolutions dressées au nom de leur assemblée.

semblée, Sadite M. ayant instruit ledit sieur am bassadeur extraordinaire du contenu dans ledit mémoire, lui a ordonné de le représenter à L. H. P., et de les prier de consentir au choix que l'on fait de Nimègue, pour le lieu d'assemblée, et d'y disposer leurs alliés. Ce qui ayant été communiqué aux ministres des hauts alliés, qui étaient ici, comme aussi ayant sur ce entendu les très-sages avis de S. A. le Prince d'Orange; le tout bien pesé et considéré, on a répondu au mémoire dudit ambassadeur ce qui suit, savoir: Que les mêmes raisons qui les ont obligés de ne point accepter la ville de Breda pour lieu d'assemblée, pourraient encore les obliger à ne point accepter Nimègue, ne voyant pas pourquoi les ennemis. s'obstinent à refuser des places qui sont véritablement neutres, à moins qu'ils ne cachent là-dessous quelque mauvais dessein : à quoi ils pensent que pourra contribuer le choix que l'on fera d'une ville de nos provinces pour négocier la paix. Nonobstant les justes soupçons qu'on peut avoir de ce côté-là, L. H. P. et hauts alliés ont une telle déférence pour S. M. Britannique, qu'ils s'en rapportent entièrement à elle, et qu'ils acceptent la ville de Nimègue pour le lieu d'assemblée, si S. M. le juge à propos pour l'avancement de la paix. »

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