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et les agens du Roi des Deux-Siciles; que l'Empereur refuse de répondre aux lettres confidentielles de S. M.; lorsque le cabinet autrichien a fait circuler des notes aux puissances alliées à la confédération germanique et aux gouvernemens italiens, contre le nouvel ordre de choses établi à Naples; lorsque enfin les journaux de Vienne et de Milan se permettent officiellement des sorties contre nous, qu'un gouvernement qui se respecte n'aurait jamais dû autoriser, le Roi manquerait au sentiment de sa dignité, et à ce qu'il doit à la nation brave et généreuse dont la Providence lui a confié les destinées, s'il se montrait indifférent à une conduite si incompréhensible de la part d'un gouvernement ami et allié,

En conséquence, S. M. a chargé le soussigné de s'adresser à S. A. le prince de Metternich, pour lui demander une explication positive et catégorique sur l'objet de ces armemens extraordinaires, et sur l'attitude de l'Autriche envers le gouvernement napolitain: attitude contraire aux liens et aux sentimens d'amitié existant entre les deux cours, et peu conforme aux principes de fraternité et de désintéressement que les souverains alliés ont proclamés à la face du monde entier.

Le Roi, qui a reçu tant de preuves de cordialité et d'attachement de S. M. l'Empereur, son

auguste neveu et gendre, ne doute pas que les éclaircissemens contenus dans la présente note dissiperont les sinistres impressions que la malveillance ou les passions individuelles de quelque ennemi du repos de l'Europe ont pu lui inspirer, lui feront renoncer à tout projet hostile contre une nation qui a admiré ses grandes vertus. En effet, si quelque chose pouvait obscurcir sa splendeur, ce serait l'agression de l'Autriche contre le royaume des Deux-Siciles. La postérité aurait de la peine à concevoir une pareille injustice, et un attentat aussi outrageant aux droits des nations; attentat d'autant plus odieux que la puissance mêrne qui s'en rendrait coupable n'a point contrarié les plus petits états de l'Allemagne, qui se sont donné une constitution, et qu'elle n'a fait aucune démarche, au moins publique, contre l'Espagne, dont nous n'avons fait que suivre l'exemple.

On ne pourrait donc attribuer qu'à d'autres vues la guerre que l'Autriche entreprendrait contre une nation pacifique, uniquement occupée de son bien-être, et toujours prête à maintenir la meilleure intelligence avec toutes les puissances étrangères, et à cimenter les relations particulières existant entre la cour de Naples et celle de Vienne.

La haute opinion que S. M. le Roi a conçue

des qualités personnelles de S. M. l'Empereur d'Autriche lui est un sûr garant de la justice et de la sagesse qui président à ses délibérations. S. M. ne croit pas se tromper en pensant que le gouvernement autrichien reviendra de ses préventions contre nous, et que les liens d'amitié, qui naguère unissaient les deux états, se resserreront davantage pour le bien réciproque des deux nations; mais si malheureusement cette espérance s'évanouissait, le Roi et la nation entière, résolus à défendre jusqu'à l'extrémité, l'indépendance du royaume et la constitution, le palladium de nos droits, le plus ferme appui de la monarchie légitime, sont prêts à s'ensevelir sous les ruines de la patrie, plutôt que de plier sous un joug étranger. L'exemple de la résistance héroïque des Espagnols au despotisme de Napoléon nous y animerait; et si les rapports que le cabinet de Vienne reçoit de Naples sont véridiques, il ne croira pas tout-à-fait exagéré ce que nous lui annonçons.

Le soussigné prie donc S. A. le Prince de Metternich de vouloir mettre cette note sous les yeux de S. M. I. R. et A., et d'y faire, le plus tôt possible, une réponse précise, afin que nous sachions à quoi nous en tenir sur les intentions de la cour de Vienne.

Le soussigné saisit cette occasion de renouve

ler à S. A. les assurances de sa haute considéra

tion.

Le Duc DE CAMPOCHIARO.

CHAPITRE III.

Des manifestes.

Les manifestes sont des écrits publics par lesquels un Prince, un état, un parti, rend raison de sa conduite en quelque affaire d'importance, justifie ses entreprises, expose ses griefs, ou déclare la guerre à un autre; en un mot, ce sont des apologies qu'on fait de ses prétentions et de ses démarches. Suivant les principes du droit des gens et l'usage suivi entre les nations policées. Ces manifestes sont indispensables, surtout dans le cas d'une déclaration de guerre à une autre puissance. Cette dernière ne manque pas de les réfuter par un contre-manifeste, de sorte qu'une guerre de plume précède ou accompagne ordinairement les hostilités.

Pour celui qui connaît l'influence de l'opinion sur les événemens, rien n'est plus naturel que l'importance que les hommes d'état attachent à ce genre d'écrits. L'ambition même, quoique armée de la force, a rarement cru pouvoir dédai

gner l'opinion publique, et au défaut de motifs réels elle s'efforce d'en trouver de spécieux pour colorer et légitimer ses usurpations. Souvent aussi on a vu l'esprit public ranimé par des manifestes éloquens, et des peuples désunis et découragés être enflammés de cet enthousiasme national qui seul peut produire de grandes choses.

En composant ces écrits on ne doit pas perdre de vue leur double but, d'assurer un parti à la cause qu'on défend, et de justifier ses démarches. Il est donc très-essentiel de ne confier leur rédaction qu'à des écrivains habiles, également versés dans la science du droit des gens, et dans les intérêts compliqués de la politique.

Quoique les manifestes semblent devoir être par leur nature des expositions purement juridiques, destinées à établir un droit, on évite cependant de les charger de ces lieux communs scientifiques qu'on suppose connus de tout le monde, et qui paraîtraient moins déplacés dans une déduction. L'érudition et les subtilités juridiques n'y sont plus admises; l'essentiel est de ne se montrer armé que pour une cause légitime, de rejeter sur son adversaire le tort d'une injuste agression et la responsabilité des malheurs qui en sont la suite.

De nos jours on préfère avec raison s'appuyer de motifs politiques. La balance de l'Europe et la

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