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Il y a dix-huit ans que j'ai reçu, avec une profonde vénération, malgré la médiocrité de mon mérite, le trône de l'Empereur mon père. Depuis ce temps-là, je ne me suis point laissé aller au repos, et je n'ai point négligé les affaires du gouvernement.

Cependant à peine ai-je été sur le trône, qu'une secte de peleen a soulevé quatre provinces, et le peuple de ces provinces a souffert plus que ma sensibilité ne me permet de le dire. J'ai fait marcher contre eux mes généraux, et ce n'a été qu après huit ans de guerre que ces provinces sont rentrées sous mon obéissance. J'ai alors espéré jouir et faire jouir mes enfans (le peuple) d'un repos et d'une paix inaltérables.

Mais le 6 de la huitième lune, la secte des teente (des illuminés), qui est une troupe de vagabonds, a suscité de nouveaux troubles et causé beaucoup de mal, parce que cette insurrection s'est étendue du district Chan-Yeun dans la province de Pe-Che-Le jusqu'au district de Tson, dans Shan-Tang. Je me suis hâté d'ordonner à Wan, vice-roi de Peking, de conduire une armée pour les exterminer et rétablir la paix.

C'était loin de la capitale que cette révolte avait éclaté, et cette considération diminuait mes inquiétudes.

Tout à coup une nouvelle rébellion a éclaté

sous mon bras (dans ma famille), le seizième de la lune.

Le malheur est sorti de ma propre maison. Une bande de plus de soixante et dix hommes de la secte teende a violé la porte sacrée, est entrée dans l'intérieur du palais, et a blessé la garde. Quatre rebelles ont été pris et enchaînés; trois autres ayant voulu franchir le mur d'enceinte, mon second fils impérial a pris un mousquet, en a tué deux, et mon neveu a tué le troisième. C'est à l'énergie de mon second fils impérial que je dois ma délivrance. Les princes et les principaux officiers ont fait marcher des troupes, et après les plus grands efforts pendant deux jours et une nuit, ils ont enfin mis les rebelles en déroute.

Il y a cent soixante-dix années que ma famille Tat-Sing gouverne l'Empire. Mon grand-père et mon père et Roi ont aimé le peuple avec la même affection qu'on aime ses enfans. Ils ont été bienfaisans et vertueux au delà de tout éloge. Quoique je ne prétende pas avoir aussi bien gouverné et avoir autant aimé le peuple, cependant je n'ai point opprimé ni même maltraité mon peuple. Je ne puis donc pas expliquer la cause d'un événement aussi inattendu, d'un changement aussi subit. Il ne peut venir que de mon peu de vertus et de mes imperfections sans nombre. Quoique

cette révolte ait éclaté tout à coup, il y avait longtemps que le mal se formait. Quatre mots : paresse, indulgence, oisiveté, mépris, expriment les sources d'où ce grand crime est sorti; de là vient encore que les affaires, soit dans l'intérieur, à ma cour, soit au dehors, dans l'Empire, sont également dans un mauvais état. Quoique j'en aie averti deux fois, trois fois, tant de fois que ma langue et mes lèvres en sont desséchées, cependant aucun de mes ministres n'a été en état de me comprendre; ils ont gouverné négligemment, et par-là ont, par leur insouciance, amené la crise où nous sommes. On n'a rien vu de semblable pendant les dynasties de Han, de Tang, de Sang ou de Ming. La tentative d'assassinat vers la fin de la dynastie Ming était dix fois moins criminelle que l'affaire présente. Quand j'y pense, je ne puis prendre sur moi d'en parler, tant elle m'afflige.

Je suis tout disposé à m'examiner, à réformer et à rectifier mon cœur, afin de me conformer à la conduite gracieuse du ciel, qui est au-dessus de moi, et d'apaiser le mécontentement du ple, qui est au-dessous de moi.

peu

Tous mes officiers qui sont dévoués à la dynastie de Tat-Sing, devraient s'occuper du bien-être de la patrie, et faire tous leurs efforts pour suppléer à ce que je ne puis faire, et réformer les

moeurs du peuple. Ceux pour qui il est indifférent d'être dignes de louange, peuvent pendre leur bonnet (marque de leur dignité) contre le mur, et s'en aller finir leurs jours chez eux, et ne pas s'asseoir à leurs places sans bouger plus que des corps morts, uniquement pour conserver leurs émolumens, et par-là augmenter mes fautes. C'est en versant des larmes que j'écris ceci. Je dépêche cet édit pour informer tout l'Empire.

CHAPITRE IV.

Des proclamations.

Il est des circonstances où un Prince, ou telle autre personne chargée de son pouvoir, se voit obligée d'émettre une adresse au public, dénuée des formalités du manifeste, et destinée à exciter l'enthousiasme et à faire prendre parti sans qu'elle offre cependant un exposé détaillé des motifs. On appelle cette espèce d'écrits proclamations : l'expérience des derniers temps a prouvé leur utilité, et a offert un grand nombre d'exemples pour leur application. Les princes, en s'adressant à leurs peuples ou à des nations étrangères, les généraux en entrant sur le territoire des alliés ou des ennemis, etc., en font usage avec effet.

La rédaction des proclamations n'est soumise à aucune formalité. La personne qui la signe y parle au public en forme de discours et à la première personne, expose clairement et succinctement la justice de sa cause, annonce les engagemens qu'elle prend, et le but pour lequel elle veut gagner ceux auxquels elle s'adresse, et conclut ordinairement par quelques apostrophes propres à exciter l'enthousiasme. C'est un appel fait au cœur ou à la raison du public.

On voit que le ton de ces écrits dépend des circonstances autant que celui des manifestes, et qu'il doit varier en conséquence. La concision, l'énergie et la dignité des expressions, jointes à une certaine modération qui n'en diminue pas la force, sont les qualités générales requises pour le style des proclamations.

EXEMPLES.

I.

Proclamation aux Belges et aux habitans de la rive gauche du Rhin.

Des succès éphémères de mes ennemis vous ont détachés un moment de mon Empire. Dans mon exil, sur un rocher de la mer, j'ai entendu vos douleurs, Le Dieu des armées a décidé du sort de vos belles provinces. Napoléon est au

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