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CHAPITRE IX.

Des Renonciations et Cessions.

Une renonciation est la déclaration par laquelle un état se dédit de quelque droit qu'il possède ou dont il a l'expectative. Une cession par contre est un acte par lequel un état transfère quelqu'un de ses droits à un autre.

Les instrumens dressés sur de pareils actes ont généralement la forme de lettres patentes. Après l'introduction ordinaire à ces sortes d'écrits, on annonce les motifs de la renonciation, ou les raisons pour lesquelles on s'est vu dans le cas de faire la cession en question. Cette déclaration est suivie de la renonciation ou de la translation formelle du droit dont il s'agit. Si la cession est conditionnelle, on ajoute les conditions qui la modifient.

Ces actes tenant de leur nature aux actes judiciaires, on les munit des clauses judiciaires, qui servent à la garantie des transactions passées entre particuliers. La précision du style, si recommandable en toute occasion, l'est doublement ici, où il doit être pesé juridiquement.

La conclusion annonce le seing et l'apposition du cachet du souverain qui émet le document,

de même que les noms des témoins présens à la formation de l'acte.

Autrefois on confirmait ces documens par la prestation d'un serment, dont on faisait même mention dans le texte de l'instrument. Ceci n'étant plus en usage aujourd'hui, les garanties remplacent' le sanctionnement par serment.

EXEMPLES.

1.

Renonciation du Roi d'Espagne à la couronne de France'.

LE ROI.

Comme le 5 novembre de la présente année 1712, j'ai passé, juré et signé par-devant don Manuel Vadillo y Velasco, mon Secrétaire d'état et grand Notaire des royaumes de Castille et de Léon, et en présence des témoins, l'acte public dont la

teneur s'ensuit mot à mot.

1 Je donne ici cette pièce, dont le style et les formes seraient sans doute susceptibles de beaucoup de simplification. Cependant elle peut servir de modèle quant au soin et aux précautions avec lesquels elle est conçue, et munie contre toute fraude et toute explication ambiguë; on y remarquera surtout les clauses par lesquelles la prestation du serment s'y trouve affermie; point essentiel qu'on a vu négligé dans des cas très-récéns.

Don Philippe, par la grace de Dieu, Roi de Castille, de Léon, etc. (suit le titre entier.) Par la teneur et l'exposé de cet acte de renonciation et de désistement, et afin que la mémoire en demeure à jamais, soit notoire et manifeste aux rois, princes, potentats, républiques, communautés, et personnes particulières qui sont et qui seront dans les siècles à venir, que l'un des principaux fondemens des traités de paix à faire entre la couronne d'Espagne et celle de France d'une part; et celle d'Angleterre de l'autre, pour la cimenter et la rendre ferme et permanente, et pour parvenir à la paix générale, étant d'assurer pour toujours le bien universel et le repos de l'Europe, et d'établir un équilibre entre les puissances; en sorte qu'il ne puisse pas arriver que plusieurs étant réunies en une seule, la balance de l'égalité qu'on veut assurer panche à l'avantage de l'une de ces puissances au risque et dommage des autres, il a été proposé et fait instance par l'Angleterre, et il a été convenu de ma part et de celle du Roi mon grand-père, que, pour éviter en quelque temps que ce soit l'union de cette monarchie à celle de France, et pour empêcher qu'elle ne puisse arriver en aucun cas, il se fît des renonciations réciproques, pour moi et tous mes descendans, à la succession de la monarchie de France, le cas avenant, et de la part des princes

de France, et de toute leur ligne présente et à venir à la succession de la monarchie d'Espagne, faisant réciproquement une abdication volontaire de tous les droits que les deux maisons royales d'Espagne et de France pourraient avoir de se succéder mutuellement, séparant, par les moyens justes de ma renonciation, ma branche de la tige royale de France; et toutes les branches de France de la tige du sang royal d'Espagne, prenant aussi des mesures suivant la maxime fondamentale et perpétuelle de l'équilibre des puissances de l'Europe, afin que pendant qu'il est établi et justifié par cet acte, que l'on évite en tous les cas imaginables l'union de la monarchie d'Espagne avec celle de France, l'on prévienne l’inconvénient qui arriverait, si, au défaut de ma descendance, le cas avenait que la monarchie d'Espagne pût retomber à la maison d'Autriche, dont les états et leurs dépendances, même sans l'union de l'empire, la rendraient formidable: motif qui a donné lieu avec raison, en d'autres temps, à la séparation des états héréditaires de la maison d'Autriche du corps de la monarchie espagnole. Pour cet effet, il a été convenu par l'Angleterre avec moi, et avec le Roi mon grand-père, qu'à mon défaut et à celui de mes descendans, le Duc de Savoie serait appelé à la succession de cette monarchie, lui, ses enfans et descendans mâles,

nés en légitime mariage; et au défaut de ses lignes masculines, le Prince Amédée de Carignan et ses enfans et descendans mâles nés en légitime mariage; et au défaut de ses lignes, le Prince Thomas, frère du Prince de Carignan, ses enfans et descendans mâles nés en légitime mariage, qui, comme descendans de l'Infante Catherine, fille de Philippe 1, et étant expressément appelés, ont un droit clair et connu, supposant l'amitié et l'alliance perpétuelle que le Duc de Savoie et ses descendans doivent rechercher et entretenir avec cette couronne. Et l'on doit croire qu'avec cette espérance perpétuelle et continuelle, il sera le centre invariable de la balance qui assure volontairement l'équilibre entre toutes les puissances fatiguées de la guerre et de l'incertitude de ses évènemens, et il ne sera au pouvoir d'aucune des parties d'altérer cet équilibre par aucun contract de renonciation ni de rétrocession; puisque la même raison qui porte à établir cet équilibre doit le rendre permanent, formant une constitution fondamentale qui règle par une loi inaltérable la succession pour l'avenir.

J'ai résolu en conséquence de ce qui est cidessus exposé par l'amour que j'ai pour les Espagnols, par la connaissance que j'ai de ce que je dois au leur, par les fréquentes expériences que j'ai faites de leur fidélité, et pour rendre grace à

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