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créance de l'avoué contre son client ne prend pas sa source dans la distraction, mais dans l'accomplissement de son mandat. Il était créancier de son client avant la distraction; il ne cesse pas de l'ètre après. Ce n'est donc pas en tant que cédant que le client peut être considéré comme caution. Avant la distraction l'avoué n'avait qu'un débiteur, après la distraction il en a deux, voilà toute la différence. Si ces deux débiteurs étaient solidaires, on concevrait qu'une subrogation dans les droits du créancier pût s'opérer au profit de celui des deux qui aurait payé la totalité de la dette, et que dans ce cas le créancier pourrait rendre sa position pire, si par son fait il empêchait que la subrogation pût s'opérer au profit de celui des deux qui aurait payé (art. 1251 C. C.). Mais il n'en est pasainsi, il n'y a aucune solidarité entre le client de l'avoué et la partie condamnée, car il n'y a aucune réciprocité dans leurs droits. Si le client paie les dépens, il peut sans doute se les faire rembourser par la partie condamnée; mais si la partie condamnée a payé, elle n'a de recours contre personne. Concluons de là que, sous aucun rapport, il n'y a lieu à subrogation au profit de la partie qui a gagné son procès, et par suite, qu'elle n'est pas recevable à se plaindre de ce que l'avoué qui a obtenu distraction n'a pas persévéré dans ses poursuites contre la partie condamnée.

COUR DE CASSATION.

Dépens. - Condamnation.

Il suffit, pour qu'une partie ne puisse être condamnée aux dépens, qu'elle obtienne en définitive l'objet de sa demande, encore bien qu'elle succombe en ce qui touche les motifs sur lesquels celte demande était formée, et qu'elle n'ait obtenu gain de cause que par suite d'un événement qui ne permettait plus qu'il y eût contestation.

(Laurent C. Perrault et autres.)

Le sieur Laurent avait remis au sieur Perrault, commissionnaire de roulage à Paris, des caisses et des ballots à l'adresse de sa fille, madame Laurent-Picot, propriétaire à Montpellier. Ces objets furent remis par le sieur Perrault à un autre commissionnaire, et ainsi de suite, de telle sorte qu'avant d'arriver à Montpellier, les colis passèrent par les mains de plusieurs commissionnaires intermédiaires. Le sieur Caron, commissionnaire à Montpellier, à qui ils furent remis, n'ayant pas trouvé inadame Laurent Picot, laissa les effets à madame Fontenay Picot.

Le défaut de remise de ces objets à la destinataire donna lieu à une action de la part de l'expéditeur contre le sieur Perrault, lequel appela en garantie le commissionnaire auquel il les avait remis, ce qui donna lieu à une suite d'appels en garantie jusqu'au sieur Carron. Le sieur Laurent demandait la restitution

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des colis ou une somme représentative de leur valeur. Cette demande fut admise par un jugement du Tribunal de la Seine.

Appel de la part du commissionnaire. Ce fut alors seulement que la dame Fontenay-Picot, dont jusqu'alors il n'avait pas été question dans la cause, offrit de remettre les caisses qui lui avaient été laissées et qu'elle reconnaissait ne pas lui appartenir.

26 avril 1834, arrêt de la Cour royale de Paris qui déclare que les commissionnaires n'ont encouru aucune responsabilité, et que si les colis ne sont pas parvenus à leur destination, c'est par la faute du sieur Laurent en conséquence, la Cour décharge les appelants des condamnations contre eux prononcées, et donnant acte à la dame Fontenay-Picot de ses offres de restituer les objets qui lui ont été remis par erreur, si fait n'a déjà été par elle, ordonne que, soit par la dame Fontenay-Picot, soit par Caron, s'il y a lieu, les colis dont il s'agit seront restitués à Laurent, expéditeur, dans la huitaine de la demande qui en sera faite par lui; enfin, l'arrêt condamne Laurent aux dépens des causes principales et d'appel et demandes envers toutes les parties.

Pourvoi en cassation pour violation de l'art. 130 C. P. C.

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ARRÊT.

LA COUR ; Considérant que Laurent, par sa demande introductive d'instance, avait (comme il a dû le faire) dirigé son action en restitution des objets dont le sort était alors inconnu, ou en paiement de leur valeur estimative, contre Perrault, son unique obligé primitif, et que seul il devait connaître; Que si Perrault, pour l'exécution du mandat commercial dont il s'était chargé, a cru devoir recourir à des intermédiaires, les frais occasionnés par l'appel en cause de ceux-ci doivent, sous tous les cas, demeurer étrangers à Laurent; · Qu'au surplus, par le jugement contradictoirement rendu en première instance, le 10 juillet 1833, Laurent avait obtenu les fins de sa demande avec dépens, tant contre Perrault que contre les mandataires successifs de celui-ci ; Que cette décision des premiers juges a été juste, légale, et qu'elle est démontrée telle par l'arrêt attaqué -lui-même; qu'en effet, si, par les révélations qui, à l'égard de Laurent, n'ont été apportées qu'en cause d'appel, par la dame Fontenay-Picot, il a été avéré que c'était à elle que les objets expédiés à l'adresse de la dame Laurent-Picot avaient été remis par Caron, il n'est pas moins évident que Laurent, qui, en première instance, avait gagné son procès contre toutes les autres parties avec lesquelles il était en cause, l'a encore gagné en appel, puisque la Cour royale n'a fait que substituer l'obligation, par Perrault et ses mandataires successifs, de remettre à Laurent les effets en nature, à l'obligation, prononcée par les premiers juges, d'en payer la valeur estimative;

Que, dans ces circonstances, l'art. 130 C. P. C. a été expressément violé par la disposition de l'arrêt qui a condamné Laurent aux dépens envers toutes les parties, lorsque ce sont ces diverses parties (à l'exception de la dame Fontenay-Picot, étrangère à son action et à sa ¡procédure) qui suc

combent envers lui'sur une demande que, sous une forme nouvelle et appropriée aux faits ultérieurement reconnus, la Cour royale n'a pu, en définitive, se dispenser d'accueillir; -Donnant défaut contre Perrault et contre Bonnardel et Four, non comparants, et statuant contradictoirement à l'égard des autres parties; - CASSE.

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1o Les avoués sont assimilés aux fonctionnaires publics quant à l'obligation de préter le serment politique exigé par la loi du 31 août 1830(1).

20 L'avoué qui refuse de préter le serment politique exigé par la loi du 31 août 1830 est réputé démissionnaire, et perd le droit de présenter un successeur, s'il laisse écouler le délai fixé par le gouvernement sans faire cette présentation.

3o L'avoué démissionnaire, qui n'a pas présenté de successeur à l'agrément du roi, n'a aucune action contre celui qui a été nommé pour le remplacer, et ne peut exiger de lui le prix de son office.

4° L'ordonnance qui institue un avoué ne peut être attaquée devant les tribunaux, méme pour inconstitutionnalité : une semblable question est hors des attributions de l'autorité judiciaire.

(Encausse C. Cénac.)

Le 5 juillet 1833, jugement du Tribunal de Lombez, ainsi conçu :

«Attendu que le pouvoir exécutif a décidé que la loi du 31 août 1830 était applicable aux avoués, et que la Cour de Cassation, considérant que ces officiers ministériels avaient constamment été soumis au serment politique comme fonctionnaires, a confirmé cette décision;

>> Attendu que le sieur Encausse, légalement convoqué pour venir remplir cette formalité, en sa qualité d'avoué près le tribunal de céans, a refusé de déférer à cette invitation, et qu'il s'est borné à expliquer les motifs de son refus dans une lettre adressée à M. le procureur du roi, avec des protestations qu'il a laissées sans effet; que plus tard il a été légalement prévenu que par son refus il était considéré comme démissionnaire, et qu'il était requis de présenter un successeur dans un délai fixé; que, loin de déférer à cette sommation dans le temps prescrit, il a laissé passer encore plus de neuf mois sans le faire; que, par cette inaction, il a nécessairement subi la déchéance prononcée par la loi ;

(1) V. J. Á., t. 47, p. 648, la revue Avoué, no 7, et les arrêts indiqués au Dict. gén, de proc., p. 96, no 9, 10 et 11, vo Avoué,

Attendu qu'à cette époque il existait une place d'avoué près le tribunal de céans qui n'avait jamais été acceptée; que c'est après la déchéance encourue par le sieur Encausse que Me Cénac s'est présenté pour occuper, non la place du sieur Encausse, mais bien celle restée vacante jusque-là ; que sa demande fut accueillie et sa présentation faite par le tribunal civil avec cette spécialité. Comment en aurait-il pu être autrement, puisqu'on ne présentait au tribunal aucun traité qui l'autorisât à substituer Me Cénac au sieur Encausse? Attendu qu'il résulte des débats qu'à cet égard il n'a existé entre les parties aucune négociation sérieuse; que seulement il résulte des débats que Me Cénac aurait fait au sieur Encausse une première proposition de traiter après s'être assuré de l'état de son étude, proposition conditionnelle qui n'a pas été acceptée, puisqu'elle n'a pas eu de suite, et que c'est par ce refus tacite que Me Cénac a été déterminé à former sa demande déjà mentionnée ; Attendu que si, en accueillant la demande de Me Cénac, l'ordonnance qui le nomme a spécifié qu'il était nommé en remplacement de Me Encausse, démissionnaire, c'est une désignation d'office de la part du pouvoir, en vertu de la déchéance encourue par le sieur Encausse, et qui n'a imposé à Me Cénac aucune obligation vis-à-vis du sieur Encausse;

» Attendu enfin que l'ordonnance qui nomme Me Cénac à la place d'avoué, a été rendue par le pouvoir exécutif dans les limites de son droit; que conséquemment il est hors des attributions du pouvoir judiciaire de juger les prétendus reproches d'inconstitutionnalité qu'Encausse lui adresse; qu'il aurait dû se pourvoir par les voies légales pour faire apprécier ces reproches par qui de droit;-Rejette la demande d'Encausse, etc. » - Appel.

ARRÊT.

LA COUR, adoptant les motifs des premiers juges, CONFIRME.

Du 23 mai 1836.

OBSERVATIONS.

Les trois dernières questions jugées par la Cour d'Agen ont une très-grande importance, et méritent de fixer l'attention des officiers ministériels: elles les intéressent au plus haut point. Cependant nous ne voulons pas les discuter ici, cela nous mènerait trop loin; mais nous en avons fait l'objet d'un examen approfondi dans notre Traité des offices, et nous croyons y avoir démontré que le principe invoqué par la Cour d'Agen n'entraînait pas nécessairement les conséquences qu'elle en avait déduites, et que, dans cette espèce même, la chancellerie s'était écartée mal à propos de sa propre jurisprudence. On remarque en effet que le sieur Encausse, réputé démissionnaire, a été traité plus sévèrement qu'un officier destitué. A la vérité, sa conduite

a été imprudente, il a manifesté une opiniâtreté et un mauvais vouloir dont le ministre a dû être blessé; mais cela suffisait-il pour l'exproprier en quelque sorte et le priver de toute indemnité? Nous ne le pensons pas; nous croyons au contraire que, dans cette circonstance comme dans toutes les autres, M. le garde des sceaux n'aurait pas dû s'écarter des précédents, et qu'il aurait mieux fait d'adopter un tempérament qui conciliât les droits de l'administration et sa dignité avec les nécessités de la justice.

LOIS, ARRÊTS ET DÉCISIONS DIVERSES.

COUR DE CASSATION,

Action possessoire. · Pétitoire. Cumul.

Le juge du possessoire peut, sans cumuler le pétitoire et le possessoire, apprécier les titres pour se fixer sur le caractère de la possession, et par suite decider que la possession n'est pas utile, et capable de créer un droit à la chose, en ce qu'elle se serait exercée sur une propriété publique et imprescriptible (1).

(Les tenanciers de Cabestang C. ville de Perpignan.)

LA COB Attendu que si, dans le jugement attaqué, le tribunal, pour statuer sur l'action en complainte, a examiné les titres, ce n'a été que pour se fixer sur le caractère de la possession annale, ainsi qu'il en avait le droit;

Attendu que, par cet examen, et en se bornant d'ailleurs à prononcer sur la question de complainte qui lui était soumise, le jugement n'a point cumulé le pétitoire et le possessoire ;

Attendu qu'en constatant, d'après les faits et les titres, que, dans l'espèce, il s'agissait d'un cours d'eau indispensable à la ville ainsi qu'à la-citadelle de Perpignan, par rapport à la salubrité, à la mouture et aux autres usages; et qu'en constatant, en outre, que pour garantir ces droits à la ville ainsi qu'à la citadelle, des peines correctionnelles avaient été établies contre toute entreprise qui voudrait y porter atteinte, ce jugement a suffisamment établi qu'il s'agissait dans l'espèce d'une propriété publique, contre laquelle aucune prescription ou possession ne pouvait être légalement établie ou invoquée; et que, dès lors, le jugement a pu en tirer la conclusion que la possession était illicite;

Attendu que cette circonstance rend superflu l'examen des autres moyens ; REJETTE.

Du 16 février 1837. Ch. Req.

(1) Il est de jurisprudence constante que l'examen des titres ne constitue pas le cumul du possessoire et du pétitoire,

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