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concile rétablit l'autorité ébranlée du pontife romain, et consacra les pures doctrines de la foi catholique : mais en opérant des réformes dans la discipline, il établit des principes qui n'avaient pas toujours été ceux de l'Eglise universelle; et qui, chose bien digne de remarque, furent répudiés dans plusieurs Etats à l'époque même où le fanatisme y torturait les sectaires au nom de la Foi.

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Avant de retracer les suites de la réforme sur la constitution de l'Empire, il faut jeter un coup-d'œil sur un grand changement qu'elle amena dans le système général de l'Europe. Au milieu des troubles religieux et des guerres qui en furent la suite on vit naître, dit M. Koch (1), un système de politique qui fut le résultat des nouveaux rapports qui s'é» taient établis entre les puissances européennes depuis la fin du 15° siècle. Antérieurement à cette époque, les Etats ⚫ étaient faibles et isolés; occupés d'intérêts et de démêlés qui » leur étaient particuliers, les peuples se connaissaient peu, » et n'influaient que rarement les uns sur les autres. Des » vices inhérens au régime féodal dominaient toute l'Europe, » et comprimaient la force et la puissance des Etats. Les souverains, continuellement en guerre avec des vassaux factieux et puissans, ne pouvaient point porter leurs vues au dehors, » ni faire ombrage à leurs voisins. On ne savait ni former des plans, ni les exécuter; et les opérations militaires manquaient communément d'ensemble et de suite. Un concours de circonstances, des causes physiques et morales, amenè› rent des changemens dans les mœurs et dans les gouver» nemens des principaux Etats de l'Europe; l'anarchie féodale disparut insensiblement; des constitutions mieux ordonnées › furent introduites; aux troupes passagères des vassaux suc> cédèrent des armées stables et régulières, à l'aide desquelles le pouvoir abusif des grands feudataires et des nobles fut • abattu. Il en résulta que des Etats, auparavant faibles,

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(1) Tableau des révolutions, etc., t. II, p. 26.

TOME II.

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» acquirent de la force, et que les souverains, débarrassés » de la crainte de leurs vassaux qui les avaient tenus en » échec, commencèrent à étendre leur politique au dehors » et à former des projets d'agrandissement et de conquêtes. » Dès-lors se manifesta l'action des puissances les unes sur » les autres. Celles qui craignaient pour leur indépendance >> durent concevoir l'idée d'une balance de pouvoirs capable » de les protéger contre les entreprises des princes ambitieux » et conquérans. De là ces fréquentes ambassades et négociations, ces traités d'alliance, de subsides et de garantie; ces » guerres devenues souvent générales par le concours des puissances qui se croyaient forcées d'y prendre part; de là enfin, ces projets de barrière et d'équilibre qui occupèrent les différentes cours de l'Europe.

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Nous allons voir que le premier pas de l'Europe vers l'établissement de cet équilibre politique qui garantissait son existence fut l'abaissement de la maison d'Autriche.

S. XXXII. Paix de religion. (16e siècle).

L'un des premiers actes de Charles V, à son avènement au trône, fut un décret de proscription contre Luther et ses adhérens, qu'il fit porter par la Diète de Worms. Les novateurs étaient par là mis hors de la paix publique et déclarés ennemis de l'Empire.

Publié en 1521, cet édit resta long temps sans exécu tion, parce que l'empereur comprit qu'il allait ouvrir une guerre civile désastreuse. Il ne fut point compris dans le récès ou Recueil des actes de la Diète de. 1521. Mais l'esprit d'intolérance qui l'avait dicté soufflait la discorde dans l'Empire, et devait nécessairement produire un embrâsement. Les princes catholiques voyaient, avec une sorte de rage, la réforme faire des progrès dans leurs États. C'était un mal, sans doute; mais ils voulurent en arrêter le cours par un mal pis encore, la persécution. Ainsi l'édit qui semblait avoir été répudié comme loi publique de l'Empire, fut individuellement appliqué avec une rigueur extrême. Les

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princes qui avaient adopté les nouvelles doctrines, voyant leurs frères menacés, s'assemblèrent et conclurent cette ligue fameuse, connue sous le nom de Confédération de Smakalde. Jean-Frédérick, électeur de Saxe, et Philippe-leMagnanime, landgrave de Hesse, en furent les chefs.

Cette ligue ne put tenir devant le génie de Charles V. Cent mille confédérés réunis sur le Danube furent obligés de se disperser. L'électeur attaqué seul fut battu et fait prisonnier dans les champs de Mühlberg: le landgrave se soumit. L'empereur victorieux et tout puissant fit signer au malheureux Jean-Frédérick, une renonciation à son électorat de Saxe, pour lui et sa postérité; et il le transféra, de sa propre autorité, à Maurice, cousin de l'électeur, qui, quoique protestant, paraissait lui être dévoué. Une Diète d'Augs bourg fut obligée d'accueillir cet acte inouï. L'armée impériale campait dans les environs de cette ville: Charles affectait toutes les façons d'un dictateur; il fit rédiger un formulaire qui devait servir de règle, jusqu'à ce qu'un concile œcuménique eût prononcé. La communion sous les deux espèces, et le mariage des prêtres y étaient accordés aux novateurs. Cet interim, c'est le nom qu'on donna à ce réglement, déplut aux catholiques comme aux protestans; mais l'empereur employa tous les moyens pour l'introduire partout. Il mit luimême au ban de l'Empire quelques villes qui l'avaient refusé. Cette constitution germanique, à peine établie, était ainsi menacée d'une subversion totale. Les choses changèrent bientôt de face. Le nouvel électeur de Saxe, Maurice, était un homme d'un caractère élevé. Il devint, comme le précédent électeur, chef d'une ligue à laquelle s'adjoignit le roi de France, Henri II. C'était pour la première fois que la France intervenait directement dans les affaires intérieures de l'Empire; car François Ier n'avait fait qu'entrevoir cette ligne qu'avait dès-lors à suivre la politique française. Il faut bien comprendre que maintenant les intérêts humains vont avoir autant de part à cette lutte que ceux de la religion.

Les peuples combattront encore au nom d'une interprétation contraire des livres sacrés; mais leurs chefs n'auront d'autre objet que de fonder un ordre politique en harmonie avec l'état de la société en Europe; c'est-à-dire, une sorte d'équilibre propre à neutraliser, autant qu'il est possible, et à remplacer au moins habituellement l'empire de la force. Ainsi la maison d'Autriche tendra à étendre, à consolider sa puissance en Empire. Les princes allemands chercheront à mettre des limites à cette puissance en fixant leur propre existence politique. La France et le Nord les soutiendront pour occuper et pour contenir l'ambition des Habsbourgs: voilà l'état des choses jusqu'à la paix de Westphalie.

Cette nouvelle ligue força Charles V à conclure la transaction de Passau, en 1552, par laquelle il fut convenu qu'une Diète serait convoquée dans l'espace de six mois, afin de terminer les différends que la réforme avait fait naître. On stipula que la paix n'en subsisterait pas moins entre les partis, dans le cas même où les Églises ne pourraient se réunir. La chambre impériale fut ce qu'on a appelé dans l'histoire de nos troubles religieux, mi-partie, c'est-à-dire composée d'assesseurs choisis dans les diverses communions.

Ce ne fut qu'en 1555, à la Diète d'Augsbourg, que Ferdinand, frère de l'empereur, parvint à concilier les partis, toujours prêts à combattre, par la fameuse paix de religion, souvent renouvelée depuis. Les États catholiques reconnaissaient par cet acte l'existence des États de la confession d'Augsbourg, et vice versa, ils s'engageaient réciproquement à ne jamais induire, par violence ou autrement, les sujets à changer de Foi. Les biens ecclésiastiques médiats, dont les princes protestans avaient disposé, étaient confirmés à leurs possesseurs; la juridiction du clergé romain était suspendue relativement aux adhérens à la confession d'Augsbourg; les sujets, professant une autre religion que celle de leurs seigneurs, étaient libres de se rendre dans un autre territoire; tout ecclésiastique qui renonçait à l'ancienne religion pour

embrasser les dogmes des novateurs perdait son bénéfice, sauf son honneur. Cette clause ne fut adoptée qu'après de longues difficultés : c'est ce qu'on a désigné sous le nom de réserve ecclésiastique.

Enfin, il y était stipulé que ceux qui n'appartiendraient ni à la foi catholique, ni à la confession d'Augsbourg, ne pourraient profiter du bénéfice de la paix de religion; que, conformément à ce qui avait été dit dans la transaction de Passau, l'inutilité des tentatives pour rétablir l'unité de la Foi n'entraînerait point la guerre, et que toutes les peines portées contre les infractions à la paix publique, le seraient également contre les infractions à cet édit de pacification religieuse.

Cette loi publique de l'Empire ne put faire tout le bien qu'on en devait attendre, parce qu'il n'y avait point un gouvernement assez fortement consolidé pour l'appliquer. D'une autre part, le zèle fanatique des peuples et l'inquiète ambition des princes appelaient naturellement des troubles nouveaux. La paix de religion fut tour-à-tour méconnue par les catholiques et par les protestans. L'Empire fut le théâtre de fréquentes hostilités partielles, qui aboutirent enfin à la mémorable guerre de trente ans.

§. XXXIII. Paix de Westphalie. (17° siècle).

Cette longue et désastreuse guerre, qui avait été sur le point de commencer dans l'année même où notre grand Henri IV fut frappé par le poignard de Ravaillac, prit naissance en 1618 dans la Bohême. Depuis long temps l'Allemagne était divisée, et il n'y avait plus qu'à prendre les armes. Le signal fut à peine donné, que des combattans se présentèrent de toutes parts. L'Union évangélique eut d'abord la supériorité. L'empereur Ferdinand II fut expulsé de la Bohême, et vit appeler à ce trône, à sa place, Frédérick V, électeur palatin. Mais la ligue (c'était le nom qu'on donnait en Allemagne à l'association des princes catholiques) fut bientôt après victorieuse, et les armes de Tilly rendirent à l'empereur ce qu'il

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