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HISTOIRE DES PAPES.

is catholiques encore

hésitants, encore disposés à

de plus hardis, comme M. Audin, dans sa belle Histoire de er les circonstances attenuantes, nous en rencontrâmes d'entre VI, comme le savant abbé Rohrbacher, dans Le X comme M. l'abbé Jorry, dans une Histoire spéciale sir de l'Eglise, et plusieurs autres qui ne crai

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de trouver Alexandre VI irréprochable dans

seu Picat, et à qui il ne restait plus de doutes que sur eis d'Alexandre VI, le fameux César Borgia.

Est-ce assez? Ne peut-on justifier Alexandre VI qu'en accusant César Borgia et en ne laissant au Pape que le reproche d'une trop grande faiblesse et d'un déplorable aveuglement? Peut-être aurions-nous craint de nous avancer plus loin, si nous nous étions vu seul, mais un excellent article de la Revue de Dublin (N° XC, janvier 1859) nous a montré que l'histoire est en droit de réclamer davantage. Une brochure récente, écrite par un ennemi qui s'est efforcé cependant d'être juste, a achevé de nous convaincre ce n'était sans doute pas le but que se proposait l'auteur, M. La Rochelle, l'un des collaborateurs du Siècle, lorsqu'il écrivait sa brochure sur les Droits du Saint-Siége, Alexandre VI et César Borgia; mais en voyant un ennemi des Papes et de leur souveraineté temporelle amené à reconnaître que César Borgia s'était fait aimer des peuples qu'il avait délivrés de leurs tyrans, et avouer franchement que beaucoup des crimes reprochés à Alexandre VI n'ont jamais été commis, nous nous sommes senti rassuré.

Aujourd'hui, notre conviction est formée : nous croyons qu'il est désormais impossible de représenter Alexandre VI comme un monstre et un Néron coiffé de la tiare, qu'il est possible d'établir qu'il fut un digne Pontife et un grand

roi, et non un débauché, un perfide et un assassin, enfin que les catholiques n'ont plus à rougir en entendant prononcer son nom. Et comme ce nom paraît de plus en plus pur à mesure que l'histoire est mieux connue, qu'on pèse plus attentivement et plus impartialement les témoignages, qu'on étudie plus soigneusement les circonstances au milieu desquelles agit Alexandre VI, nous ne désespérons pas de voir un jour les plus graves historiens répéter, d'accord avec la Revue de Dublin, qu'Alexandre VI a été calomnié en tout, comme l'avaient été avant lui saint Grégoire VII, Innocent III et Boniface VIII, avec cette seule différence qu'il l'a été avec plus d'ensemble et de succès.

On revient souvent, dans ce temps, sur le pontificat d'Alexandre VI. Les ennemis de la Papauté, qui veulent en détruire la souveraineté temporelle afin d'arriver plus sûrement à ébranler son autorité spirituelle, affectent de dire que la royauté des Papes ne remonte réellement qu'à ce Pontife, et que c'est là une bien triste origine pour un pouvoir que les catholiques prétendent être sacré. Les lecteurs de notre Histoire des Papes savent qu'elle est la fausseté de cette donnée historique. Ils ont vu la souveraineté temporelle des Papes, en germe dans les temps apostoliques, se montrer déjà sous les premiers empereurs chrétiens, se dévolopper du temps des empereurs iconoclastes, pour s'établir complétement au huitième siècle par une croissance lente et sûre, qui est la marque des œuvres divines, ou de ce que les hommes qui rejettent l'idée de Providence appellent la force des choses. Cette royauté, brillante au huitième et au neuvième siècle, s'obscurcit, on sait comment, au dixième siècle et pendant une partie du onzième; mais jamais la prescription ne prévalut contre

elle. Elle grandit sous le Pontificat de saint Grégoire VII, qui reçut la donation de la comtesse Mathilde; elle fut reconnue par les empereurs mêmes qui la combattaient; Innocent III la restaura; elle ne succomba pas sous les Papes d'Avignon, qui trouvèrent dans le cardinal Albornoz un bras si ferme. Affaiblie, non détruite pendant le grand schisme, elle reparut aussitôt; Alexandre VI ne fit que préparer les voies à son complet affermissement, en détruisant les petites tyrannies qui opprimaient les États de l'Église; Jules II acheva l'œuvre, en abattant le destructeur même de ces tyrans, César Borgja, qui prétendait à son tour à la souveraineté, et dès lors fut consolidée cette monarchie qui donna trois siècles de tranquillité et de bonheur aux Romains.

Ainsi la royauté pontificale ne date pas d'Alexandre VI. Elle en daterait, que ses ennemis n'en seraient pas plus avancés, car elle n'en aurait pas moins pour elle une possession de près de quatre siècles, une possession reconnue par des traités, admise par l'Europe; enfin elle n'aurait pas une origine si honteuse, puisqu'il est faux qu'Alexandre VI ait été un indigne Pontife.

Ce sont toutefois ces attaques récentes qui nous ont engagé à donner plus de développement à l'histoire du pontificat d'Alexandre VI, si bien complété par celui de Jules II.

Nous nous sommes fait un devoir de lire les attaques avec autant de soin que les témoignages favorables. Les écrivains qui se sont occupés d'Alexandre VI peuvent se diviser en trois classes: les ennemis, les indiférents, les défenseurs.

Parmi les premiers, nous citerons: 1° François Guichar

din ou Guicciardini, Histoire d'Italie; 2° Burchard, Diarium ou Journal d'Alexandre VI; 3° Paul Jove, qui a écrit une histoire de son temps; 4° Tomaso Tomasi, auteur d'une histoire de César Borgia; 5° Machiavel, ennemi et admirateur du même Borgia. Il faut joindre à ces témoins à charge les écrivains postérieurs qui s'en sont servis pour accuser Alexandre VI, savoir: Voltaire et tous ceux qui le suivent; M. Marie Lafon, dans sa Rome moderne; M. Challamel, dans son Histoire des Papes; l'anonyme qui ne fait que reproduire Voltaire dans Rome et Paris ou la Question romaine par Arouet de Voltaire; M. La Rochelle, dans la brochure que nous avons nommée plus haut; enfin BianchiGiovini, dans une infâme brochure publiée en 1861 à Florence, sous ce titre: il Diario di Burcardo, Quadro dei costumi della corte di Roma.

Nous rangeons parmi les indifférents ceux qui nous paraissent n'avoir pas eu de parti pris contre Alexandre VI, et qui ont voulu le juger avec impartialité; mais nous devons dire que le jugement de ces indifférents est généralement défavorable au Pape, qui se trouve seulement déchargé par eux d'un certain nombre de crimes. Tels sont : le continuateur de Fleury, dans son Histoire ecclésiastique; l'auteur de l'article Alexandre VI, dans la Biographie universelle de Didot, et l'auteur de l'article consacré au même Pape, dans le Dictionnaire encyclopédique de la théologie catholique, qui se montre en général sévère pour plusieurs Papes dont la mémoire a été certainement trop chargée.

Voici maintement la liste des ouvrages dans lesquels nous avons plus particulièrement puisé les éléments de notre étude sur Alexandre VI:

10 Rohrbacher, Histoire universelle de l'Eglise catholique, liv. LXXXIII.

2° Roscoé, Vie de Léon X.

3. C. Tullio Dandolo, Roma ed i Papi, t. II, Milan, 1857. 4° Audin, Histoire de Léon X, Paris, 1844.

5° L'abbé Jorry, Histoire du pape Alexandre VI, Paris,

1851.

6. J. Favé, Études critiques sur l'Histoire d'Alexandre VI, Saint-Brieuc, 1859.

7° Dublin Review, n° XC, janvier 1859; article intitulé: History in fiction.

8. L'abbé Constant, l'Histoire et l'infaillibilité des Papes, Lyon, 1859.

Les études critiques de M. Favé, qui ne sont pas assez connues, l'Histoire de M. l'abbé Jorry et l'article de la Revue de Dublin tranchent à nos yeux la question, et ne peuvent laisser de doutes sur l'odieuse conspiration de calomnies dont le pape Alexandre VI fut la victime.

Les catholiques, qui ont horreur du mensonge et qui ne peuvent comprendre à quel degré d'impudence est capable de s'élever la haine de leurs adversaires, sont assez souvent portés à leur faire toutes les concessions qui ne compromettent pas la foi elle-même; plusieurs, après nous avoir lu, hésiteront peut-être encore à admettre que la calomnie ait été si audacieuse à l'égard d'Alexandre VI, et ils se diront qu'il doit y avoir au moins quelque chose de vrai dans tant d'accusations qui s'élèvent contre le Pape de la fin du quinzième siècle. Ils croiront volontiers que Voltaire et ses copistes, et que de fougueux protestants du seizième siècle n'aient pas reculé devant le mensonge et devant les plus audacieuses inventions, mais comment admettre que

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