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vres, embrassèrent la croix du Sauveur et menèrent une vie évangélique.

« Son abstinence fut extrême, l'austérité de sa vie admirable; car, après s'être retranché le vin, la chair et toute viande assaisonnée, elle finit par se priver même de légumes, et par prendre pour tout aliment le pain céleste dont le fidèle se nourrit au sacrement de l'autel. Plusieurs fois il lui arriva de ne prendre d'autre nourriture que la sainte Eucharistie depuis le jour des cendres jusqu'à la Pentecôte. Pendant huit ans, elle ne se soutint qu'avec un peu de suc d'herbes, que même elle ne retenait dans son estomac qu'avec beaucoup de peine. Elle se traînait à son repas comme au supplice; mais elle volait à la sainte communion, qu'elle faisait tous les jours, comme à un festin de noces. Elle portait un cilice sous son habit pour macérer sa chair. Elle n'avait ni coussins ni matelas; rarement donnait-elle deux heures au sommeil dans tout le jour et dans toute la nuit, et ce peu de repos, elle le prenait sur une planche, employant tout le reste du temps en veilles, en oraisons, en prédications et en autres œuvres de miséricorde. Souvent elle se donnait la discipline; sa tête était torturée par une douleur presque continuelle; elle n'était privée des souffrances d'aucune maladie. Elle soutenait avec les démons des luttes très-fréquentes, disant avec l'apôtre : Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis forte. Dans ses grands travaux elle n'avait aucune défaillance, et ne négligeait aucun des devoirs de la charité. Elle secourait et assistait les pauvres opprimés, convertissait les pécheurs et les amenait à la pénitence avec de douces paroles, donnant joyeusement à tous de salutaires avis. Elle indiquait promptement à chacun ce qu'il devait pratiquer, ou ce qu'il devait faire.

Tous ses soins tendaient à établir la paix; elle a éteint bien des haines, elle a apaisé bien des inimitiés mortelles. Pour réconcilier avec l'Église les Florentins interdits, elle traversa les Apennins et les Alpes; elle alla jusqu'à Avignon, auprès de notre prédécesseur le pape Grégoire XI, auquel elle manifesta, d'après une révélation divine, le vœu qu'il avait fait dans le plus profond de son cœur de retourner à Rome.

« L'esprit de prophétie reposa aussi en elle: elle a prédit beaucoup de chose longtemps avant l'événement; elle a manifesté bien des choses cachées. On la vit souvent ravie en extase par l'Esprit saint, suspendue en l'air, abîmée dans les contemplations célestes; elle se trouvait souvent, après la communion, tellement absorbée hors des sens, qu'elle ne sentait ni les piqûres ni les blessures.

<< Le nom de Catherine était en vénération parmi les peuples. De toutes parts les malades, les possédés venaient à elle, et ils étaient guéris. Au nom de Jésus-Christ, elle commandait aux maladies de cesser, et les maladies cessaient à l'instant; elle ordonnait aux démons de quitter le corps des obsédés, et les démons retournaient dans les enfers. Toutes ces choses la mirent en grande considération auprès des Souverains-Pontifes Grégoire XI et Urbain VI, qui l'employèrent en diverses ambassades et l'enrichirent de plusieurs priviléges et de grâces singulières.

« Le Seigneur voulant enfin la récompenser de ses travaux, appela à lui sa pieuse servante. Elle mourut à Rome à l'âge de trente-trois ans. Son âme fut glorieusement élevée au ciel, comme d'étonnantes et merveilleuses révélations le firent connaître à quelques personnes, et principalement au Frère Raymond, de Capoue, son confesseur, professeur

de théologie et ensuite maître général de l'ordre des Frères Prêcheurs. Ce religieux se trouvant à Gênes au moment de la mort de cette vierge, la vit, à l'heure des matines, dans une auréole de gloire, qui éblouit ses yeux et remplit son cœur d'une consolation ineffable. Son corps, après être resté, quelque temps exposé fut inhumé dans l'Église de la Minerve, au milieu de la vénération et de la dévotion de tout le peuple. Beaucoup de malades furent guéris en approchant de ce saint corps; d'autres recouvrèrent la santé par le seul contact des objets qui avaient touché cette précieuse dépouille. Comme tous ceux qui invoquaient la protection de la bienheureuse Catherine auprès de son céleste Époux étaient exaucés, plusieurs, attirés par le bruit de tant de merveilles, se hâtèrent de recourir à sa protection. Ce concours rendit son nom vénérable dans tous les pays, et à Venise et dans d'autres lieux où elle n'était jamais allée, on célebra solennellement sa mémoire en lui adressant des vœux.

« Notre Frère, l'évêque de Porto, ayant ainsi exposé son rapport en présence des cardinaux, et affirmé que tous ces faits reposaient sur des preuves solides et évidentes, les cardinaux et autres prélats qui se trouvaient en grand nombre furent priés de donner chacun leur avis; tous à l'unanimité déclarèrent que la glorieuse servante de Dieu méritait les honneurs de la canonisation, et pensèrent qu'il fallait y procéder sans délai.

<< Ayant ouï, pendant une longue séance, tout ce que ci-dessus, nous décrétâmes qu'on préparerait avec tout l'appareil possible, dans la basilique du Prince des apôtres, une estrade élevée, du haut de laquelle on prononcerait, après la célébration des saints mystères, un discours sur la

vie et les miracles de la bienheureuse Catherine, et les autres cérémonies accoutumées en pareille circonstance. Nous avons résolu de procéder par ces paroles, en présence du peuple et du clergé, à la canonisation de la sainte :

<< Au nom de Dieu tout-puissant et éternel, Père, Fils et Saint-Esprit, pour l'exaltation de la foi catholique et le progrès de la religion chrétienne, par l'autorité de NotreSeigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul et de la nôtre, nous déclarons que Catherine de Sienne, vierge d'illustre et immortelle mémoire, dont le corps repose à Rome dans l'église des Dominicains dite de la. Minerve, fait partie, dans la céleste Jérusalem, des chœurs des bienheureuses vierges, et qu'elle est couronnée d'une gloire éternelle, comme l'a mérité sa vertu, aidée de la grâce divine. Nous décidons et arrêtons quelle sera vénérée en particulier et en public comme sainte; nous ordonnons encore qu'elle sera inscrite au catalogue des saintes vierges qu'invoque l'Église romaine; nous décrétons enfin que sa fête sera célébrée dans toute l'Église le premier dimanche de mai1, et qu'on lui rendrait tous les honneurs décernés aux autres saintes vierges; de plus nous accordons à perpétuité à tous ceux qui, dans cette fête, visiteront son tombeau, indulgence de sept ans et de sept quarantaines, en la forme accoutumée dans l'Église.

« Donné à Rome, à Saint-Pierre, l'an de l'incarnation du Seigneur 1461, le 29 juin, la troisième année de notre Pontificat. >>

On vient de voir que sainte Catherine avait reçu le don

Le pape Urbain VIII, par un bref en date du 16 février 1630, a décidé que la fête de sainte Catherine serait désormais fixée au dernier jour d'avril, lendemain de sa mort.

de prophétie. Étant à Pise, elle avait prédit le schisme. Son confesseur, Raymond de Capoue, qui écrivit plus tard sa vie, voyant la prédiction accomplie, la lui rappela un jour. Elle s'en souvenait fort bien et ajouta : «Comme je vous ai « déjà dit alors que ce que vous aviez à souffrir n'était que « du lait et du miel, de même je vous dis que ce que vous << voyez à présent n'est que jeu d'enfants en comparaison de « ce qui sera, spécialement dans la patrie environnante. »> Le père Raymond lui dit : « Très-chère Mère, après ces « maux, qu'y aura-t-il dans l'Église? - A la fin de ces tribu<«<lations et de ces angoisses, répondit-elle, Dieu, d'une <«< manière imperceptible aux hommes, purifiera sa sainte « Église; il suscitera l'esprit des élus, et il en suivra une << telle réformation de la sainte Église et une telle rénovation « des saints pasteurs, que mon esprit, rien que d'y penser, <«<en tressaille de joie dans le Seigneur. Comme je vous ai « déjà dit plusieurs fois, l'Épouse, qui est maintenant quasi «< toute défigurée, et couverte de haillons, sera alors très« belle, ornée de précieux joyaux et couronnée du diadème <«< de toutes les vertus. Tous les peuples fidèles se réjouiront « de se voir illustrés par de si saints pasteurs; les peuples « infidèles eux-mêmes, attirés par la bonne odeur de Jésus<«< Christ, reviendront au bercail catholique et se converti«<ront au véritable pasteur et évêque de leurs âmes. Rendez « donc grâce au Seigneur, parce que, après cette tempête, <«< il donnera à son Église une sérénité extraordinairement << grande. >>

Un savant et pieux historien de l'Église fait à ce sujet les réflexions suivantes : « Ni Catherine ni Raymond n'ont

1 Rohrbacher, Histoire universelle de l'Église catholique, liv. LXXXI.

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