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vu l'accomplissement de cette prédiction. Au moment où nous écrivons ces lignes, 1844, dit-il, des hommes de bonne foi commencent à entrevoir les premiers rayons de cette grande sérénité après la tempête: tempête séculaire, qui a commencé par le grand schisme de l'Occident au quatorzième siècle, continué par la grande révolution d'Allemagne au seizième, et finira probablement par la grande révolution de France au dix-huitième; tempête effroyable qui a bouleversé jusque dans ses abîmes l'Océan religieux et politique de l'humanité pour que tous les chrétiens apprennent, pasteurs et ouailles, à toujours mettre leur confiance, non dans tel pays, telle nation, tel empire, telle dynastie, tel roi, tel homme, mais en Dieu seul, et à leur humble et active coopération à sa providence, qui emploie la tempête même à faire entrer plus vite au port.

«En effet, que voyons-nous à la fin de cette tempête de quatre ou cinq siècles? Nous voyons précisément ces merveilles dont la vue prophétique, dont la seule pensée faisaient tressaillir d'allégresse sainte Catherine de Sienne. Nous voyons tous les peuples fidèles, et en Italie, et en France, et en Allemagne, et en Hollande, et en Angleterre, et en Écosse, et en Irlande, et en Espagne, et en Amérique, et en Afrique, et à Constantinople, et en Syrie, et en Chaldée, et au Thibet, et dans l'Inde, et dans le Tonquin, et en Chine, et en Corée, et dans l'Océanie, se réjouir des bons et saints pasteurs que Dieu leur donne ou leur envoie. Nous voyons Dieu partout suscitant ou ressuscitant l'esprit de ses élus l'esprit de saint Léon et de saint Grégoire dans la chaire apostolique; l'esprit de saint Anathase et de saint Ambroise parmi l'épiscopat; l'esprit de saint Jérôme, de saint Benoit, de saint Bernard, de saint Dominique de

saint François, de saint Ignace, de saint Vincent de Paul, parmi les prêtres et les religieux. Nous voyons l'Église, belle comme en ses plus beaux jours, ornée du diadème de toutes les vertus, du lis sans tache d'une infinité de vierges, des palmes immortelles d'une infinité de martyrs de tout âge, de tout sexe, de tout rang, de tout pays, depuis la multitude de prêtres et de fidèles qui, il y a Cinquante ans, confessaient la foi du Christ et de son Église dans les prisons et sur les échafauds de France, jusqu'à nos frères et sœurs d'Orient qui confessent aujourd'hui encore la même foi dans les prisons et sur les échafauds du Tonquin, de la Chine et de la Corée. Nous voyons l'Église, unissant la beauté d'épouse à la tendresse de mère, attirer à elle les enfants et les peuples qui l'avaient quittée, ou même qui ne lui avaient jamais appartenu. La Hollande, l'Angleterre, l'Écosse, après avoir si longtemps persécuté ses enfants, commencent à regretter de n'être plus du nombre, commencent à tourner vers elle des regards attendris, laissent à ses évêques plus de liberté, secondent quelquefois ses missionnaires avec plus d'efficacité que ne fait la France. Les meilleures têtes de l'Angleterre protestante travaillent à justifier l'Église romaine et ses Pontifes contre les préventions nationales de certains catholiques. En même temps les sauvages des forêts américaines, les anthropophages des îles de l'Océan demandent des prêtres pour devenir des anges de douceur, de piété, de bienveillance. Et, pour leur en procurer, les fidèles de toutes les parties du monde mettent ensemble leurs prières et leurs aumônes, et de nouvelles congrégations d'apôtres se forment, les anciennes se raniment, et le martyr est un attrait de plus pour les éinules de saint François Xavier.

« Et qui est-ce qui a donné le branle à tout cela? Nul roi, nul peuple, nul homme. Ces œuvres infinies de foi et de charité sortent comme de dessous terre. C'est Dieu qui a dit de nouveau : Que la terre produise! et la terre produit. C'est Dieu qui, comme l'a prédit sainte Catherine de Sienne, réforme, renouvelle son Église d'une manière imperceptible à l'homme. »

Depuis bientôt vingt ans que le savant abbé Rohrbacher a écrit ces lignes, d'immenses événements se sont accomplis, d'immenses événements se préparent. On pouvait croire que toute la partie menaçante de la prédiction de sainte Catherine était accomplie et que l'Église n'avait plus qu'à recueillir les fruits de la paix et de la sérénité. On voit maintenant que ce n'était qu'un fugitif temps de calme entre deux orages, une trêve qui permettait à l'Église de reprendre haleine et de se préparer à de nouvelles tempêtes. Au moment où nous écrivons, janvier 1862, les calamités futures menacent de surpasser les calamités. passées': l'Église est assaillie dans son chef avec une fureur inconnue jusqu'ici, le schisme est présenté aux peuples comme un moyen de salut, et c'est dans l'Italie même, dans la patrie environnante, comme disait sainte Catherine de Sienne, que l'enfer déploie toute sa rage. Mais aussi que de promesses déjà, que de bénédictions, que d'espérances! et comme les signes qui annoncent l'accomplissement entier de la prophétie deviennent de plus en plus éclatants! L'union règne dans les rangs de l'épiscopat et du clergé, et les fidèles suivent avec docilité, avec intrépidité leurs pasteurs. Les protestants

1 Ce que nous disions en 1862 est encore aussi actuel en 1866.

continuent de revenir à l'Église et admirent la sereine magnanimité du Pontife suprême. La hiérarchie catholique est rétablie en Angleterre et en Hollande; presque tous les ans, l'immortel Pie IX crée de nouveaux évêchés; les missionnaires catholiques sont partout; l'Espagne a ouvert le Maroc à la prédication évangélique ; la France a ouvert la Chine; la Cochinchine est à la veille de voir cesser la persécution par le triomphe des armes françaises et espagnoles, les Bulgares reviennent en foule à l'Église ; enfin l'Orient s'ébranle, et Pie IX prend chaque jour de nouvelles mesures pour accélérer le retour des Orientaux à l'unité. Sans doute ce sont des triomphes qui font rugir l'impiété et qui la poussent à tenter un dernier assaut; c'est la proclamation de l'Immaculée-Conception de la vierge Marie qui a excité la rage de l'enfer, et les chrétiens peuvent s'attendre à de terribles épreuves; mais ils ne peuvent oublier que c'est dans les épreuves que l'Église se fortifie, que c'est lorsqu'elle paraît abattue qu'elle triomphe, et que, selon la magnifique expression employée par Pie IX dans une de ses dernières allocutions au Sacré-Collége des cardinaux, les tempêtes qui menacent d'engloutir la barque de Pierre ne font que la soulever de plus en plus haut audessus des flots.

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A la mort d'Urbain VI, on espéra un moment voir finir le schisme; mais les cardinaux romains, refusant de reconnaître l'antipape Clément VII, élurent le cardinal Pierre Tomacelli, qui prit le nom de Boniface VIII, et, quelques années après, en 1394, les cardinaux avignonais élurent

Pierre de Lune, Aragonais, qui prit le nom de Benoît XIII. Tomacelli n'avait que quarante-cinq ans; il était né à Naples d'une famille pauvre, mais honorable et ancienne. Arrivé à Rome comme un modeste clerc, il avait été distingué par Urbain VI, qui le fit protonotaire, cardinal-diacre et cardinal-prêtre. Il se recommandait par un extérieur agréable, par sa prudence et sa réserve et par une grande pureté de mœurs. Il se montra d'abord très-disposé à travailler à l'union de l'Église et rendit la pourpre à quatre cardinaux destitués par Urbain, parmi lesquels se trouvait le cardinal de Parata, dit des Trois-Chapeaux, qui avait embrassé le parti de Clément VII et revint à l'obédience de Boniface IX. Les affaires de Naples occupèrent les deux Pontifes de Rome et d'Avignon qui y soutenaient des candidats contraires. L'élection de Pierre de Lune par les cardinaux d'Avignon rendit la fin du schisme impossible et continua les troubles d'Italie. Les Romains eux-mêmes se fatiguèrent de leur tranquillité et forcèrent le Pape de résider successivement à Pérouse et à Assise. Boniface IX fit preuve en cette circonstance d'une très-grande longanimité; il laissa le feu de la sédition s'éteindre de lui-même. En l'année 1400, les Romains, qui craignaient de perdre les bénéfices du jubilé si le Pape était absent, le rappelèrent; il revint et mérita cet éloge autrefois donné à Fabius dans sa guerre contre Annibal: Cunctando restituit rem, c'est en temporisant qu'il rétablit les affaires.

Des événements importants pour la chrétienté se passèrent pendant le Pontificat de Boniface IX.

D'abord en Allemagne. « Le règne de Charles IV, dont on se plaignait tant et qu'on accuse encore, dit Voltaire, est un siècle d'or, en comparaison du temps de Venceslas,

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