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CONVENTION NATIONALE.

INTRODUCTION.

Le règne de la convention nationale est une solution de continuité entre les réformes politiques de 89 et les conquêtes postérieures de la civilisation. Cette phase de notre révolution est sans antécédens dans l'histoire. L'ordre des temps ne ramènera pas une seconde fois le concours des causes qui produisirent un pareil phénomène de grandeur et de conflagrations sociales. Aux jours où les dangers de la patrie suscitèrent la convention, toute autorité légale avait cessé d'exister. La nature semblait avoir imposé des lois nouvelles à l'humanité. Jamais plus sombres symptômes n'annoncèrent des désastres plus funestes. On ne voit plus qu'une société haletante, éperdue, frappée d'aveuglement et de vertige; qu'un peuple ombrageux, ardent, inexorable, qui se soulève et s'agite sur un théâtre immense comme les flots de l'Océan sous le poids mouvant des tempêtes. La révolution marche comme l'ange exterminateur dans le royaume de Pharaon. Des rangs de cette génération formidable, prédestinée à sauver le pays, surgit une multitude d'hommes abruptes, incompressibles, doués d'une effrayante énergie. Les uns, révolutionnaires de conscience et de cœur, se dévouent aveuglément, sans ambition et sans intérêt, à de gigantesques utopies; d'autres, cruels par instinct, implacables par système, prodiguent les crimes, les augoisses, le désespoir. Les premiers, généreux athlètes de la liberté, s'arment d'intrépidité pour combattre, et d'héroïsme pour mourir; ceux-là, conquérans impitoyables, brisent violemment la chaîne des siècles et des traditions. Ils reproduisent dans les villes, dans la convention même, la haine et les combats des Atrides. De là ce pêle-mêle de

TOME II.

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crimes et de vertus, d'héroïsme et de bassesses, de passions sauvages et de sublimes instincts sociaux, dont le spectable inoui saisit l'Europe d'étonnement et d'effroi.

Le gouvernement de cette époque se servit de son immense pouvoir comme d'un levier pour remuer le monde révolutionnaire. Il invoqua le saint amour des lois, et toutes les formes protectrices de la justice furent outrageusement violées. Il proclama le triomphe de la liberté, et les cachots regorgèrent de victimes. Il souffla la vie et la mort, l'esprit de fraternité et de discorde, l'ardent amour de la gloire et le froid mépris de l'existence. Son courage s'accrut avec les dangers. Il fut présent partout, dans les administrations, dans les conseils, dans les camps. Sans trésors, il se procura des ressources inépuisables. Il brisa tous les obstacles, il féconda des vertus jusqu'alors inconnues. A sa voix quatorze armées se levèrent comme un seul homme, chaque commune devint un arsenal, tous les bras s'occupèrent à forger ou à lancer la foudre.

OEuvre de la nécessité, le gouvernement révolutionnaire en exerça l'irrésistible empire. Il fit passer la France sous les fourches caudines de la terreur, mais il étonna la terre par d'ineffables prodiges.

La convention nationale ouvrit ses délibérations le 21 septembre 1792. Sa première opération fut d'abolir la royauté et de proclamer la république. Dès l'ouverture de la session, une animosité profonde, invétérée, éclata plus vive et plus ardente entre les girondins qui occupaient la droite de l'assemblée et les montagnards qui siégeaient à la crête de la gauche; d'un côté sont les hommes les plus remarquables par leurs talens et leur patriotisme, Vergniaud, Brissot, Guadet, Gensonné, Condorcet, Isnard, Louvet, Lasource, etc.; de l'autre, Danton, Robespierre, Marat, SaintJust, Couthon, Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois, Carrier, Legendre, élus sous l'influence des jacobins et de la municipalité de Paris, qui dominaient alors par la terreur et par un monstrueux envahissement de tous les pouvoirs.

La Plaine ou le Marais se composait de députés qui étaient arrivés des départemens sans bannière politique, sans principes arrêtés, sans affection, sans inimitié. Difficilement mue, cette masse compacte n'opposa qu'une

force d'inertie à la fougue des factions; toutefois elle vota plus souvent avec la Gironde, tant que la peur, le dieu du mal, ne vint pas enchaîner ses mouvemens et glacer la parole sur ses lèvres.

Les deux partis qui aspiraient au pouvoir attendaient impatiemment le signal du combat. Les girondins commencèrent l'attaque. Indignés des massacres de septembre, ils ne voyaient qu'avec horreur dans l'enceinte de l'assemblée des hommes qui en avaient été les provocateurs ou les apologistes. Robespierre et Marat furent principalement l'objet de leurs éloquentes philippiques. Ils accusèrent le premier d'aspirer à la tyrannie; ils reprochèrent au second de prêcher dans ses feuilles le meurtre, le carnage, la dévastation.

Les accusations des girondins furent plus irréfléchies que prudentes, plus téméraires que politiques. Robespierre et Marat, que la marche des événemens et le fanatisme de leurs séïdes avaient démesurément grandis aux yeux de la multitude, sortirent victorieux de cette lutte. En les attaquant corps à corps, leurs ennemis les douèrent tout-à-coup d'une force colossale. Le décret d'accusation éleva Marat au-dessus du limon fangeux dans lequel il s'agitait. Son parti vit en lui une victime à défendre, la plèbe séditionnaire un héros à venger.

A partir de cette époque, Robespierre marcha plus rapidement dans la carrière que son ambition lui avait frayée. Avec son horrible bonne foi, son ame intègre et cruelle, nous le verrons exercer plus tard un ascendant extraordinaire sur les masses. En se déclarant ouvertement contre lui, Louvet entraîna la perte du parti girondin. Il n'opposera plus désormais que des talens et du courage à une faction armée de la masse populaire. Louvet aurait dû se souvenir que la cause de Caton n'avait pas été celle des dieux.

L'avenir se montrait sombre et menaçant. Une effervescence extrême présageait une crise imminente. Sur ces entrefaites, Buzot proposa d'organiser un corps de trois mille hommes, tirés des départemens, et chargés spécialement de la garde de la convention. Courroucés des attaques personnelles dont ils avaient été l'objet, les montagnards profitèrent habilement de la proposition de Buzot, pour répandre sourdement une opi

nion qui devait compromettre leurs adversaires. Ils accusèrent les girondins de vouloir déshériter Paris de sa suprématie, et même de son influence; ils les représentèrent comme des ennemis de la liberté, de l'unité de la république, parce que quelques-uns d'entre eux avaient proposé dans d'autres circonstances de transférer le siége du gouvernement dans le midi, au cas où le nord serait envahi et la capitale occupée par les armées de la coalition. De là cette imputation de fédéralisme, dont la montagne s'efforça de flétrir le parti de la Gironde, pour le vouer plus sûrement à la haine aveugle de la multitude.

Le procès du roi suspendit quelque temps la lutte de ces implacables inimitiés. Cet événement néfaste devint le grand ordre du jour de la convention. Alors s'agitèrent toutes les passions inhumaines qui devaient remuer la société jusqu'en ses profondeurs. Il ne fut plus possible de se faire illusion sur le dénouement du drame terrible qui se préparait; la victime était déjà couverte des bandelettes du sacrifice, elle ne pouvait échapper à sa funeste destinée.

Le monarque captif languissait dans la tour du Temple, lorsque les montagnards conçurent le sinistre projet de lui arracher la vie. Ils voulurent par cet acte audacieux rendre à jamais impossible le retour des institutions anciennes; ils voulurent surtout faire peser sur la révolution française la solidarité d'un crime qui la rendît irréconciliable avec l'Europe, pour placer ses défenseurs dans la nécessité de vaincre ou de s'ensevelir sous les ruines de la république.

Ce parti violent était en minorité dans la convention; mais il avait pour auxiliaires, au dehors, et la commune et le club des jacobins, qui retentissaient d'imprécations forcenées contre Louis XVI. On ne désignait plus ce malheureux prince que par le nom de tyran, de roi parjure, d'assassin du peuple! Les pétitions des sociétés populaires des départemens demandaient journellement sa tête à la convention; des hommes blessés au 10 août venaient crier vengeance contre Louis Capet, en prétendant audacieusement qu'il avait fait répandre leur sang dans cette fatale journée. Ces allégations mensongères entretenaient l'irritation des esprits. Une circonstance inat

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