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Mais pour ce qui est des trèves particulières pour un terme court, il est souvent nécessaire, presque toujours convenable, que le général ait le pouvoir de les conclure; nécessaire, toutes les fois qu'on ne peut attendre le consentement du prince; convenable, dans les occasions où la trève ne tend qu'à épargner le sang, et ne peut tourner qu'au commun avantage des contractants. On présume donc naturellement que le général, ou le commandant en chef, est revêtu de ce pouvoir. Ainsi le gouverneur d'une place et le général assiégeant peuvent arrêter des cessations d'armes pour enterrer les morts, pour entrer en pourparler; ils peuvent même convenir d'une trève de quelques mois, à condition que la place se rendra, si elle n'est pas secourue dans ce terme, etc. De pareilles conventions ne tendent qu'à adoucir les maux de la guerre, et ne peuvent probablement causer de préjudice à personne.

238. Ils engagent la foi du souverain.

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Toutes ces trèves et suspensions d'armes se concluent par l'autorité du souverain, qui consent aux unes immédiatement, et aux autres par le ministère de ses généraux et officiers; elles engagent sa foi, et il doit veiller à leur observation 1.

'Le pouvoir de conclure un armistice universel ou suspension d'hostilités, n'est pas nécessairement impliqué dans l'autorité ordinaire officielle du général ou de l'amiral commandant en chef les forces militaires ou navales de l'État. « La conclusion d'une pareille trève générale, dit Wheaton, exige ou l'autorisation spéciale antérieure du pouvoir suprême de l'État, ou une ratification subséquente par ce pouvoir. Une trève partielle ou suspension limitée d'hostilités peut être conclue entre les officiers respectifs de terre ou de mer des États belligérants, sans aucune autorisation spéciale à cet effet, quand, dans l'étendue et la nature de leurs commandements, cette autorisation est nécessairement impliquée comme essentielle à l'accomplissement de leurs devoirs officiels » (Élém. du Dr. internat., t. II, 2 20, p. 60). Voir : MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., ¿ 293, p. 274; Recueil, Iv, p. 571, et VII, p. 363; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 3 277, p. 352. P. P. F.

239. Quand la trève commence à obliger.

La trève oblige les parties contractantes, dès le moment qu'elle est conclue. Mais elle ne peut avoir force de loi, à l'égard des sujets de part et d'autre, que quand elle a été solennellement publiée; et comme une loi inconnue ne saurait imposer d'obligation, la trève ne lie les sujets qu'à mesure qu'elle leur est dûment notifiée. De sorte que, si avant qu'ils aient pu en avoir une connaissance certaine, ils commettent quelque chose de contraire, quelque hostilité, on ne peut les punir. Mais comme le souverain doit remplir ses promesses, il est obligé de faire restituer les prises faites depuis le moment où la trève a dû commencer. Les sujets qui ne l'ont pas observée faute de la connaître, ne sont tenus à aucun dédommagement, non plus que leur souverain, qui n'a pu la leur notifier plus tôt. C'est un accident où il n'y a ni de sa faute, ni de la leur. Un vaisseau se trouvant en pleine mer lors de la publication d'une trève, rencontre un vaisseau ennemi et le coule à fond; comme il n'est coupable de rien, il ne peut être tenu du dommage. S'il a pris ce vaisseau, il est seulement obligé à le rendre, ne pouvant le retenir contre la trève. Mais ceux qui, par leur faute, ignoreraient la publication de la trève, seraient tenus à réparer le dommage qu'ils auraient causé contre sa teneur. La faute simple, et surtout la faute légère, peut bien éviter, jusqu'à un certain point, la punition; et certainement elle ne mérite pas la même peine que le dol; mais elle ne dispense point de la réparation du dommage. Afin d'éviter autant qu'il se peut toute difficulté, les souverains ont coutume, dans les trèves, comme dans les traités de paix, de fixer des termes différents, suivant la situation et la distance des lieux, pour la cessation des hostilités.

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Puisque la trève ne peut obliger les sujets si elle ne leur

est connue, elle doit être solennellement publiée dans tous les lieux où l'on veut qu'elle soit observée 1.

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Si des sujets, gens de guerre, ou simples particuliers, donnent atteinte à la trève, la foi publique n'est point violée, ni la trève rompue pour cela. Mais les coupables doivent être contraints à la réparation complète du dommage, et punis sévèrement. Le souverain, refusant de faire justice sur les plaintes de l'offensé, prendrait part lui-même à la faute, et violerait la trève.

242.- Violation de la trève.

Or, si l'un de ces contractants, ou quelqu'un par son ordre, ou seulement avec son consentement, vient à commettre quelque acte contraire à la trève, il fait injure à l'autre partie contractante; la trève est rompue, et la partie lésée peut courir incessamment aux armes, nonseulement pour reprendre les opérations de la guerre, mais encore pour venger (a) la nouvelle injure qu'elle vient de recevoir 1.

1 « L'usage indiqué par Vattel, dit Pinheiro-Ferreira, de fixer des >> termes différents suivant la distance des lieux, pour la cessation des » hostilités, n'empêche pas qu'on doive avoir égard aux allégations des >> parties, lorsqu'elles affirment que la convention de la trève ou paix >> leur était inconnue, nonobstant que le terme stipulé fût échu, car la >> présomption doit céder à la vérité » (Note sur le g 239, p 450). Voir: GROTIUS, De jur. bell. ac pac., lib. III, cap. xx1, 85; WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. II, & 21, p. 60 et suiv. P. P. F.

(a) Note de l'éditeur de 1775. — Pour obtenir satisfaction de la nouvelle injure, etc. De même on fera mieux de substituer le mot satisfac tion à celui de peine dans le paragraphe suivant. Moyennant quoi l'on évitera tout abus et ambiguïté.

D.

Voir : MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 8 295, p. 277, et la note, p. 278; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 2 278, p. 352. P. P. F.

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243. Des cas où l'on est convenu d'une peine pour l'infracteur.

:

Cependant on convient quelquefois d'une peine que subira l'infracteur de la trève, et alors la trève n'est pas rompue tout de suite à la première infraction. Si la partie coupable se soumet à la peine et répare le dommage, la trève subsiste l'offensé n'a rien à prétendre de plus. Mais si l'on est convenu d'une alternative, savoir, qu'en cas d'infraction le coupable subira une certaine peine, ou que la trève sera rompue, c'est à la partie lésée de choisir si elle veut exiger la peine, ou profiter du droit de reprendre les armes. Car si l'infracteur avait le choix, la stipulation de l'alternative serait vaine, puisqu'en refusant de subir la peine stipulée simplement, il romprait l'accord et donnerait par là à l'offensé le droit de reprendre les armes. D'ailleurs, dans des clauses de sûreté comme celle-là, on ne présume point que l'alternative soit mise en faveur de celui qui manque à ses engagements; et il serait même ridicule de supposer qu'il se réserve l'avantage de rompre par son infraction, plutôt que de subir la peine; il n'a qu'à rompre tout simplement. La clause pénale n'est destinée qu'à éviter que la trève ne soit rompue si facilement, et elle ne peut être mise avec l'alternative que pour ménager à la partie lésée le droit de rompre, si elle le juge à propos, un accord où la conduite de son ennemi lui montre peu de sûreté.

8 244. Du temps de la trève.

Il est nécessaire de bien déterminer le temps de la trève, afin qu'il n'y ait ni doute, ni contestation, sur le moment où elle commence et celui où elle finit. La langue française, extrêmement claire et précise pour qui sait la parler, offre des expressions à l'épreuve de la chicane la plus raffinée. Avec les mots inclusivement et exclusivement, on évite toute

l'ambiguïté qui peut se trouver dans la convention à l'égard des deux termes de la trève, de son commencement et de

sa fin. Par exemple, si l'on dit que la trève durera depuis le premier de mars inclusivement, jusqu'au 15 d'avril aussi inclusivement, il ne reste aucun doute; au lieu que si l'on eût dit simplement, du premier mars au 15 d'avril, il y aurait lieu de disputer si ces deux jours, qui servent de termes, sont compris ou non dans la trève. En effet, les auteurs se partagent sur cette question. A l'égard du premier de ces deux jours, il paraît indubitable qu'il est compris dans la trève; car si l'on convient qu'il y aura trève depuis le premier mars, cela veut dire naturellement que les hostilités cesseront le premier de mars. Il y a un peu plus de doute à l'égard du dernier jour; l'expression jusque semblant le séparer du temps de l'armistice. Cependant, comme on dit souvent, jusques et compris un tel jour, le mot jusque n'est pas nécessairement exclusif, suivant le génie de la langue; et comme la trève, qui épargne le sang humain, est sans doute une matière favorable, le plus sûr est peut-être d'y comprendre le jour même du terme. Les circonstances peuvent aussi servir à déterminer le sens. Mais on a grand tort de ne pas ôter toute équivoque, quand il n'en coûte pour cela qu'un mot de plus.

Le mot de jour doit s'entendre d'un jour naturel dans les conventions de Nation à Nation; car c'est en ce sens que le jour leur sert de commune mesure : la manière de compter par jours civils vient du droit civil de chaque peuple, et varie selon les pays. Le jour naturel commence au lever du soleil, et sa durée est de vingt-quatre heures, ou d'une révolution diurne du soleil. Si donc l'on convient d'une trève de cent jours, à commencer au premier de mars, la trève commence au lever du soleil le premier de mars, et elle doit durer cent jours de vingt-quatre heures chacun. Mais comme le soleil ne se lève pas toute l'année à la même heure, pour ne pas donner dans la minutie et dans une chicane indigne de la bonne foi qui doit régner dans ces sortes de conventions, il faut sans doute

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