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nison prisonniers de guerre, ou s'engager qu'ils ne porteront point les armes contre ce même ennemi et ses alliés jusqu'à un terme convenu, même jusqu'à la fin de la guerre, et il promet validement pour ceux qui sont sous ses ordres, obligés de lui obéir, tant qu'il demeure dans les termes de ses fonctions (§ 23).

Mais si le général assiégeant s'avisait de promettre que son maître ne pourra jamais s'approprier la place conquise, ou qu'il sera obligé de la rendre après un certain temps, il sortirait des bornes de ses pouvoirs, en contractant sur des choses dont le soin ne lui est pas commis. Et il faut en dire autant du commandant, qui, dans la capitulation, entreprendrait d'aliéner sa place pour toujours, d'ôter à son souverain le droit de la reprendre, ou qui promettrait que sa garnison ne portera jamais les armes, même dans une autre guerre. Ses fonctions ne lui donnent pas un pouvoir si étendu. S'il arrive donc que dans les conférences pour la capitulation, l'un des commandants ennemis insiste sur des conditions que l'autre ne se croit pas en pouvoir d'accorder, ils ont un parti à prendre : c'est de convenir d'une suspension d'armes pendant laquelle toutes choses demeurent dans leur état jusqu'à ce qu'on ait reçu des ordres supérieurs 1.

8 263.

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Observation des capitulations et son utilité. On a dû voir dès l'entrée de ce chapitre, pourquoi nous

' Voir : MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 8 291, p. 272; Recueil, VI, 450; VII, 299, 335, 380, 416, 466; Supplément, II, 468, 470, 500, 502, 509; V, 693; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., ? 276, p. 350; WHEATON, Élém. du Dr. intern., t. II, 824, p. 63. - Sur la convention conclue à Closter-Seven, pendant la guerre de sept ans, entre le duc de Cumberland, commandant des forces anglaises en Hanovre, et le maréchal de Richelieu, commandant l'armée française, pour une suspension d'armes dans le nord de l'Allemagne, et sujette à ratification; sur la convention signée à El-Arich, en 1800, pour l'évacuation de l'Égypte par l'armée française, voir : WHeaton, Libr.

nous dispensons de prouver ici que toutes ces conventions, faites pendant le cours de la guerre, doivent être observées avec fidélité. Contentons-nous donc de remarquer, au sujet des capitulations en particulier, que s'il est injuste et honteux de les violer, cette perfidie devient souvent préjudiciable à celui qui s'en rend coupable. Quelle confiance prendra-t-on désormais en lui? Les villes qu'il attaquera supporteront les plus cruelles extrémités, plutôt que de se fier à sa parole. Il fortifie ses ennemis, en les poussant à une défense désespérée; et tous les siéges qu'il lui faudra entreprendre deviendront terribles. Au contraire, la fidélité gagne la confiance et les cœurs, elle facilite les entreprises, lève les obstacles, et prépare de glorieux succès L'histoire nous en fournit un bel exemple dans la conduite de George Baste, général des impériaux, en 1602, contre Battory et les Turcs. Les révoltés du parti de Battory ayant emporté Bistrith, autrement Nissa, Baste reprit cette place par une capitulation, qui fut violée en son absence par quelques soldats allemands; ce qu'il n'eut pas sitôt appris à son retour, qu'il fit pendre tous ces soldats, et paya de ses deniers aux habitants le dommage qui leur avait été fait. Cette action toucha si fort les révoltés, qu'ils se soumirent tous à l'empereur, sans demander d'autre sûreté que la parole de Baste (*).

8 264. Des promesses faites à l'ennemi par des particuliers.

Les particuliers, gens de guerre ou autres, qui se trouvent seuls vis-à-vis de l'ennemi, sont, par cette nécessité, remis à leur propre conduite; ils peuvent faire, quant à leur personne, ce que ferait un commandant par rapport à lui-même et à sa troupe, en sorte que s'ils font quelque

cit., t. II, p. 63 et suiv., et FLASSAN (cité par le publiciste américain) Histoire de la diplomatie française, t. VI, p. 97-107. P. P. F. (*) Mémoires de SULLY, rédigés par l'abbé DE L'ÉCLUSE, t. IV, p. 179 et 180.

promesse, à raison de l'état où ils se trouvent, pourvu qu'elle ne touche point à des choses qui ne peuvent jamais être de la compétence d'un particulier, cette promesse est valide, comme faite avec un pouvoir suffisant. Car lorsqu'un sujet ne peut ni recevoir les ordres du souverain, ni jouir de sa protection, il rentre dans ses droits naturels, et doit pourvoir à sa sûreté par tous moyens justes et honnêtes. Ainsi, quand ce particulier a promis une somme pour sa rançon, loin que le souverain puisse le dégager de sa promesse, il doit l'obliger à la tenir. Le bien de l'État demande que la foi soit gardée, et que les sujets aient ce moyen de sauver leur vie, ou de recouvrer leur liberté.

C'est ainsi qu'un prisonnier relâché sur sa parole, doit la tenir religieusement; et son souverain n'est point en droit de s'y opposer: car sans cette parole donnée, le prisonnier n'eût pas été relâché.

Ainsi encore, les habitants de la campagne, des villages, ou des villes sans défense, doivent payer les contributions qu'ils ont promises pour se racheter du pillage.

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Bien plus, il serait même permis à un sujet de renoncer à sa patrie, si l'ennemi, maître de sa personne, ne voulait lui accorder la vie qu'à cette condition car dès le moment que la société ne peut le protéger et le défendre, il rentre dans ses droits naturels. Et d'ailleurs, s'il s'obstinait, que gagnerait l'État à sa mort? Certainement, tant qu'il reste quelque espérance, tant qu'il y a moyen de servir la patrie, on doit s'exposer pour elle, et braver tous les dangers. Je suppose qu'il faille, ou renoncer à sa patrie, ou périr sans aucune utilité pour elle Si l'on peut la servir en mourant, il est beau d'imiter la générosité héroïque des Decius. On ne pourrait s'engager, même pour sauver sa vie, à servir contre sa patrie; un homme de cœur périra mille fois plutôt que de faire cette honteuse pro

messe.

Si un soldat, rencontrant un ennemi à l'écart, le fait prisonnier, en lui promettant la vie sauve, ou la liberté, moyennant une certaine rançon, cet accord doit être respecté par les supérieurs; car il paraît que le soldat, livré pour lors à lui-même, n'a rien fait qui passe son pouvoir. Il eût pu juger qu'il ne lui convenait pas d'attaquer cet ennemi et le laisser aller. Sous ses chefs, il doit obéir; seul, il est remis à sa propre prudence. Procope rapporte l'aventure de deux soldats, l'un Goth et l'autre Romain, qui, étant tombés dans une fosse, se promirent la vie l'un à l'autre accord qui fut approuvé par les Goths (*) 1.

:

DES SAUF-CONDUITS

CHAPITRE XVII.

ET DES PASSEPORTS: QUESTIONS SUR

LA RANÇON DES PRISONNIERS DE GUERRE.

8 265. Ce

que c'est qu'un sauf-conduit et un passeport.

Le sauf-conduit et le passeport sont une espèce de privilége, qui donne aux personnes le droit d'aller et de venir

(*) PROCOP. Goth., lib. II, c. 1, apud PUFFEND, lib. VIII, cap. vii, 15.

1 « C'est, dit Pinheiro-Ferreira, pousser trop loin la religion de la pa» role donnée, que de l'étendre jusqu'à l'accomplissement d'une promesse >> extorquée pour échapper à un abus de pouvoir. Le pillage est un des >> plus odieux abus de la force en temps de guerre. Le conquérant ajou» terait donc à l'injustice de la prétention, l'insolence de l'ériger en droit, >> par le fait de forcer les habitants à signer un acte de rançon. Nous » concevons qu'il y ait des cas où la crainte des suites nous force de >> payer une rançon injustement contractée; mais par cela même que >> nous ne nous y prêtons que forcés par la crainte d'un mal provenant » de la méchanceté d'autrui, ce n'est pas un devoir que nous dussions >> remplir, ainsi que Vattel l'enseigne, mais une violence que nous su>> bissons, parce que nous n'avons pas la force, quoique nous ayons le » droit de nous y soustraire » (Note sur le 3 264, p. 453).

en sûreté, ou, pour certaines choses, celui de les transporter aussi en sûreté. Il paraît que, suivant l'usage et le génie de la langue, on se sert du terme de passeport, dans les occasions ordinaires, pour les gens en qui il n'y a aucun empêchement particulier d'aller et de venir en sûreté, et à qui il sert pour plus grande assurance et pour éviter toute discussion, ou pour les dispenser de quelque défense générale; le sauf-conduit se donne à des gens qui, sans cela, ne pourraient aller en sûreté dans les lieux où celui qui l'accorde est le maître; à un accusé, par exemple, out à un ennemi. C'est de ce dernier que nous avons à traiter ici.

8266.

De quelle autorité le sauf-conduit émane.

Tout sauf-conduit émane de l'autorité souveraine, comme tout autre acte de suprême commandement. Mais le prince peut commettre à ses officiers le pouvoir de donner des sauf-conduits, et ils en sont revêtus, ou par une attribution expresse, ou par une conséquence de la nature de leurs fonctions. Un général d'armée, par la nature même de sa charge, peut donner des sauf-conduits. Et puisqu'ils émanent, quoique médiatement, de l'autorité souveraine, les autres généraux ou officiers du même prince doivent les respecter 1.

Les passeports, les sauf-conduits et les licences, sont des documents accordés, pendant la guerre, pour protéger les personnes et les propriétés contre l'action générale des hostilités. La compétence de l'autorité pour les accorder, dépend des principes généraux déjà cités. Cette autorité souveraine peut reposer sur les commandants de terre ou de mer, ou sur certains officiers civils, soit expressément, soit d'une manière implicite, résultant inévitablement de la nature et de l'étendue de leur crédit général. De pareils documents doivent être interprétés d'après les mêmes règles de franchise et de bonne foi, que les autres actes du souverain pouvoir (WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. II, g 25, p. 65). - Voir sur les sauf-conduits, passeports, etc. GROTIUS, De jur. bel. ac pac., lib. III, cap. xxi, 14; MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de

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