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L'amour de la paix doit empêcher également et de commencer la guerre sans nécessité, et de la continuer lorsque cette nécessité vient à cesser. Quand un souverain a été réduit à prendre les armes pour un sujet juste et important, il peut pousser les opérations de la guerre jusqu'à ce qu'il en ait atteint le but légitime, qui est d'obtenir justice et sûreté (liv. III, 3 28).

Si la cause est douteuse, le juste but de la guerre ne peut-être que d'amener l'ennemi à une transaction équitable (liv. III, § 38), et par conséquent elle ne peut être continuée que jusque-là. Aussitôt que l'ennemi offre ou accepte cette transaction, il faut poser les armes.

Mais si l'on a affaire à un ennemi perfide, il serait imprudent de se fier à sa parole et à ses serments. On peut

jamin Constant, intitulé: De l'esprit de conquête et de l'usurpation, dans leurs rapports avec la civilisation européenne. Cette étude est publiée dans le Cours de Politique constitutionnelle (édit. Guillaumin, 1861), t. II, p. 129 et suiv. — Il a été donné à nos temps modernes d'assister à la plus glorieuse manifestation du génie des conquêtes. A aucune époque on n'avait vu la puissance de la guerre se produire avec plus d'éclat, que dans les premières années du xixe siècle, pour de plus grands intérêts et sur un plus vaste théâtre. Napoléon Ier a mieux compris qu'aucun capitaine la mission de la guerre il la faisait pour amener les rois et les peuples à ses idées. Il a, de plus, fait la guerre de la manière la plus humaine; il fut le plus clément des vainqueurs, parce qu'il en fut le plus intelligent. Jamais l'art des combats n'a poussé plus loin ses combinaisons savantes; et, cependant, quelles sont les œuvres durables qu'ont fondées tant de victoires? Qu'est-il resté de tant d'entreprises et de conquêtes? Le Code Napoléon, le Concordat, l'organisation financière et administrative de la France, sont les œuvres de la paix. La France a conservé, dans le monde, un nom puissant, craint et respecté malgré ses malheurs. Combien de fois la renommée de sa gloire guerrière n'a-t-elle pas été un obstacle à l'accomplissement de nouveaux projets, et au rétablissement sincère de ses plus anciennes alliances ! (Voir : Cauchy, Libr. cit., t. II, p. 363; LERMINIER, Philosophie du Droit, 3o édit., p. 58). P. P. F.

très-justement, et la prudence le demande, profiter d'une guerre heureuse, et pousser ses avantages jusqu'à ce qu'on ait brisé une puissance excessive et dangereuse, ou réduit cet ennemi à donner des sûretés suffisantes pour l'avenir.

Enfin, si l'ennemi s'opiniâtre à rejeter des conditions équitables, il nous contraint lui-même à pousser nos progrès jusqu'à la victoire entière et définitive, qui le réduit et le soumet. Nous avons vu ci-dessus (liv. III, chap. VIII, et XIII) comment on doit user de la victoire.

3 7.- Paix, fin de la guerre.

IX

Lorsque l'un des partis est réduit à demander la paix, ou que tous les deux sont las de la guerre, on pense enfin à s'accommoder, l'on convient des conditions. La paix vient mettre fin à la guerre.

38. Effets généraux de la paix.

Les effets généraux et nécessaires de la paix sont de réconcilier les ennemis, et de faire cesser de part et d'autre toute hostilité. Elle remet les deux Nations dans leur état naturel.

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Quand les puissances qui étaient en guerre sont convenues de poser les armes, l'accord ou le contrat, dans lequel elles stipulent les conditions de la paix, et règlent la manière dont elle doit être rétablie et entretenue, s'appelle le traité de paix.

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La même puissance qui a le droit de faire la guerre, de

la résoudre, de la déclarer et d'en diriger les opérations, a naturellement aussi celui de faire la paix et d'en conclure le traité. Ces deux pouvoirs sont liés ensemble, et le second suit naturellement du premier. Si le conducteur de l'État est autorisé à juger des causes et des raisons pour lesquelles on doit entreprendre la guerre, du temps et des circonstances où il convient de la commencer, de la manière dont elle doit être soutenue et poussée, c'est donc à lui aussi d'en borner le cours, de marquer quand elle doit finir, de faire la paix. Mais ce pouvoir ne comprend pas nécessairement celui d'accorder ou d'accepter, en vue de la paix, toutes sortes de conditions. Quoique l'État ait confié en général à la prudence de son conducteur le soin de résoudre la guerre et la paix, il peut avoir borné ses pouvoirs sur bien des choses par les lois fondamentales. C'est ainsi que François Ier, roi de France, avait la disposition absolue de la guerre et de la paix; et cependant l'assemblée de Cognac déclara qu'il ne pouvait aliéner par le traité de paix aucune partie du royaume (Voyez liv. 1, 2 265).

La Nation qui dispose librement de ses affaires domestiques, de la forme de son gouvernement, peut confier à une personne ou à une assemblée le pouvoir de faire la paix, quoiqu'elle ne lui ait pas abandonné celui de déclarer la guerre. Nous en avons un exemple en Suède depuis la mort de Charles XII. Le roi ne peut déclarer la guerre sans le consentement des États assemblés en diète ; il peut faire la paix de concert avec le Sénat. Il est moins dangereux à un peuple d'abandonner à ses conducteurs ce dernier pouvoir, que le premier. Il peut raisonnablement espérer qu'ils ne feront la paix que quand elle sera convenable aux intérêts de l'État. Mais leurs passions, leurs intérêts propres, leurs vues particulières, influent trop souvent dans leurs résolutions, quand il s'agit d'entreprendre la guerre. D'ailleurs, il faudrait qu'une paix fût bien misérable, si elle ne valait pas mieux que la guerre; au contraire, on hasarde

toujours beaucoup, lorsqu'on quitte le repos pour prendre les armes.

Quand une puissance limitée a le pouvoir de faire la paix, comme elle ne peut accorder d'elle-même toutes sortes de conditions, ceux qui voudront traiter sûrement avec elle, doivent exiger que le traité de paix soit approuvé par la Nation ou par la puissance qui peut en accomplir les conditions. Si quelqu'un, par exemple, traite de la paix. avec la Suède, et demande pour condition une alliance défensive, une garantie, cette stipulation n'aura rien de solide, si elle n'est approuvée et acceptée par la diète, qui seule a le pouvoir de lui donner effet. Les rois d'Angleterre ont le droit de conclure des traités de paix et d'alliance; mais ils ne peuvent aliéner, par ces traités, aucune des possessions de la couronne, sans le consentement du parlement. Ils ne peuvent non plus, sans le concours du même corps, lever aucun argent dans le royaume. C'est pourquoi, quand ils concluent quelque traité de subsides, ils ont soin de le produire au parlement, pour s'assurer qu'il les mettra en état de le remplir. L'empereur CharlesQuint, voulant exiger de François Ier, son prisonnier, des conditions que ce roi ne pouvait accorder sans l'aveu de la Nation, devait le retenir jusqu'à ce que le traité de Madrid eût été approuvé par les États-généraux de France, et que la Bourgogne s'y fût soumise; il n'eût pas perdu le fruit de sa victoire, par une négligence fort surprenante dans un prince si habile 1.

'Pinheiro-Ferreira fait sur ce & les observations suivantes :

<< Vattel a cru avoir satisfait au but de son ouvrage, en faisant observer » qu'un traité de paix n'est valable que du moment où il aura été ratifié » par l'autorité qui, d'après la constitution de l'État, peut seule en élever » les stipulations à la catégorie des lois du pays... Notre siècle nous im» pose le devoir de ne pas laisser indécise cette importante question. On >> sait que nous n'entendons pas parler des pays qui vivent sous le régime » du pouvoir absolu, car il serait insensé de vouloir prescrire des règles » à l'arbitraire. La question dont il s'agit ne peut avoir de sens que dans

8 11.

Des aliénations faites par le traité de paix. Nous ne répéterons point ici ce que nous avons dit plus haut de l'aliénation d'une partie de l'Etat (liv. I, 263 et suiv.), ou de l'État entier (ib., § 68 et suiv.). Remarquons seulement que, dans le cas d'une nécessité pressante, telle

>> l'hypothèse d'un gouvernement fondé sur le principe de la division des >> pouvoirs.

>> En partant donc de cette supposition, on demande si la permission >> accordée dans quelques pays à leurs gouvernements de conclure défini>>tivement des traités de paix, sans être tenus de les porter auparavant à >> la connaissance du pouvoir législatif, et sans en avoir obtenu l'assenti» ment, peut s'accorder avec le principe voulu d'un gouvernement re» présentatif.

>> Quoiqu'en fait cette question se trouve résolue affirmativement par » la presque totalité des constitutions actuelles, sauf quelques restric» tions, il n'est pas douteux que cette autorité accordée par elles aux » gouvernements respectifs, ne soit une flagrante contradiction avec le >> principe fondamental de la division des pouvoirs.

>> Cette contradiction devient d'autant plus sensible, que la presque gé»néralité des publicistes constitutionnels s'accorde à reconnaître, que >> l'assentiment de la puissance législative est indispensable toutes les fois » qu'il s'agit de stipulations pécuniaires ou autres charges qui aient un >> rapport quelconque aux finances du pays.

» Qui ne sait pas que toute stipulation, quelle qu'en soit la nature, peut » toujours se traduire en valeurs pécuniaires? Ainsi, ne fût-ce que par >> cette raison, aucun des publicistes que nous venons de citer, ne peut, >> sans une évidente contradiction, borner l'autorité de la puissance lé>> gislative aux seuls traités où les concessions regardant les intérêts ma>>tériels de la nation sont stipulées en espèces.

» Mais il y a une raison de plus haute portée qui n'aurait pas dû échap>> per à des hommes aussi éclairés; c'est que toute disposition accordant >> des droits ou imposant des devoirs qu'on n'aurait pas pu faire valoir » auparavant, est une loi. Or, il est évident que chaque stipulation conte>> nue dans un traité de paix se trouve dans ce cas; car la guerre ayant >> suspendu tous les droits et tous les devoirs internationaux qui existaient » jusque-là, ce n'est que par le traité de paix qu'on les rappelle dere» chef à avoir cours entre les deux peuples.

» Il y a donc contradiction à poser en principe, que rien n'aura force » de loi dans le pays si ce n'est avec l'assentiment du congrès national, » et d'établir ensuite des exceptions à l'égard de telles ou telles conven

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