Page images
PDF
EPUB

coupables dans ses terres, ou en lieu libre, en pleine mer par exemple; ou s'il l'aime mieux, il demande justice à leur souverain. Si les coupables sont des sujets désobéissants, on ne peut rien demander à leur souverain, mais quiconque vient à les saisir, même en lieu libre (*), en fait justice lui-même. C'est ainsi qu'on en use à l'égard des pirates. Et pour éviter toute difficulté, on est convenu de traiter de même tous particuliers qui commettent des actes d'hostilité, sans pouvoir montrer une commission de leur souverain.

[blocks in formation]

Les actions de nos alliés peuvent encore moins nous être imputées, que celles de nos sujets. Les atteintes données au traité de paix par des alliés, même par ceux qui y ont été compris, ou qui y sont entrés comme parties principales contractantes, ne peuvent donc en opérer la rupture que par rapport à eux-mêmes, et point du tout en ce qui touche leur allié, lorsque de son côté il observe religieusement ses engagements. Le traité subsiste pour lui dans toute sa force, pourvu qu'il n'entreprenne point de soutenir la cause de ces alliés perfides. S'il leur donne un secours qu'il ne peut leur devoir en pareille occasion, il épouse leur querelle et prend part à leur manque de foi. Mais s'il est intéressé à prévenir leur ruine, il peut intervenir, et en les obligeant à toutes les réparations convenables, les garantir d'une oppression dont il sentirait le contre-coup. Leur défense devient même juste contre un ennemi implacable, qui ne veut pas se contenter d'une juste satisfaction.

54. Droits de la partie lésée contre celle qui a violé le traité.

[ocr errors]

Quand le traité de paix est violé par l'un des contractants, l'autre est le maître de déclarer le traité rompu.

(*) Il faudrait, ce semble, neutre au lieu de libre

ou de le laisser subsister. Car il ne peut être lié par un contrat, qui contient des engagements réciproques, envers celui qui ne respecte pas ce même contrat. Mais s'il aime mieux ne pas rompre, le traité demeure valide et obligatoire. Il serait absurde que celui qui l'a violé, le prétendit annulé par sa propre infidélité : moyen facile de se débarrasser de ses engagements, et qui réduirait tous les traités à de vaiues formalités. Si la partie lésée veut laisser subsister le traité, elle peut pardonner l'atteinte qui y a été donnée, ou exiger un dédommagement, une juste satisfaction, ou se libérer elle-même des engagements qui répondent à l'article violé, de ce qu'elle avait promis en considération d'une chose que l'on n'a point accomplie. Que si elle se détermine à demander un juste dédommagement, et que la partie coupable le refuse, le traité se rompt alors de nécessité, et le contractant lésé a un très-juste sujet de reprendre les armes. C'est aussi ce qui arrive le plus souvent; car il ne se trouve guère que le coupable veuille reconnaître sa faute, en accordant une réparation 1.

CHAPITRE V.

DU DROIT D'AMBASSADE, OU DU DROIT D'ENVOYER ET DE RECEVOIR DES MINISTRES PUBLICS.

55

Il est nécessaire que les Nations puissent traiter et communiquer ensemble.

Il est nécessaire que les Nations traitent et communiquent ensemble, pour le bien de leurs affaires, pour éviter de se nuire réciproquement, pour ajuster et terminer leurs différends. Et comme toutes sont dans l'obligation indispensable de se prêter et de concourir à ce qui est du bien

WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. II, p. 215, 8 7. P. P. F.

et du salut commun (Prelim., § 13), de se ménager les moyens d'accommoder et de terminer leurs différends (liv. II, § 323 et suiv.), et que chacune a droit à tout ce qu'exige sa conservation (liv. I, § 18), à tout ce qui peut contribuer à sa perfection, sans faire tort aux autres (ibid., § 23), de même qu'aux moyens nécessaires pour remplir ses devoirs, il résulte de tout cela, que chaque Nation réunit en elle le droit de traiter et de communiquer avec les autres, et l'obligation réciproque de se prêter à cette communication autant que l'état de ses affaires pent le lui permettre 1.

Il n'est pas, dit Wheaton, de circonstance qui marque plus clairement les progrès de la civilisation moderne, que l'institution des missions diplomatiques permanentes entre les différents États. Ce ne fut qu'au XVIIe siècle que les droits des ambassadeurs furent solidement reconnus. L'institution de légations résidentes permanentes dans toutes les cours de l'Europe, s'établit après la paix de Westphalie, et devint indispensable par la part plus grande d'intérêt que les différents États prirent à leurs affaires respectives, intérêt qui prenait sa source dans les relations commerciales et politiques plus étendues, et aussi à cause des théories plus profondes et plus développées sur l'équilibre des puissances, qui donnèrent aux États le droit d'inspection mutuelle sur toutes les transactions qui pouvaient toucher cet équilibre. Depuis cette époque les droits de légation sont devenus définitivement fixés et incorporés au code international (Élém. du Dr. internat., t I, p. 188, % 1). Nous avons signalé déjà l'importance qu'ont pris, à notre époque, les entrevues de souverains dans la politique européenne. L'empereur Napoléon III en introduisant ce mode tout nouveau de préparer le traitement des plus graves affaires politiques, a diminué sensiblement l'utilité du rôle des légations. La télégraphie électrique est aussi appelée à modifier la marche des affaires diplomatiques, en rendant beaucoup plus fréquentes les communications directes entre les cabinets, en restreignant les pouvoirs des ministres, et en les obligeant de demander des instructions spéciales sur toutes les questions de quelque importance, enfin en favorisant les décisions instantanées et les promptes solutions. Il est enfin entré dans les usages des cours, de communiquer entre elles moins par l'intermédiaire de leurs légations, que par des envoyés chargés de certaines négociations en dehors de tout caractère diplomatique, et qui, parfois choisis parmi les hauts fonctionnaires de l'État, sont même le plus souvent membres des familles régnantes. Sur les agents diplomatiques, leurs droits et leurs fonctions,

56. Elles le font par le moyen de ministres publics.

Mais les Nations ou États souverains ne traitent point ensemble immédiatement; et leurs conducteurs, ou les souverains, ne peuvent guère s'aboucher eux-mêmes pour traiter ensemble de leurs affaires. Souvent ces entrevues seraient impraticables; et, sans compter les longueurs, les embarras, la dépense, et tant d'autres inconvénients, rarement, suivant la remarque de Philippe de Commines, pourrait-on s'en promettre un bon effet. Il ne reste donc aux Nations et aux souverains, que de communiquer et traiter ensemble par l'entremise de procureurs ou mandataires, de délégués, chargés de leurs ordres et munis de leurs pouvoirs, c'est-à-dire de ministres publics. Ce terme, dans sa plus grande généralité, désigne toute personne chargée des affaires publiques; on l'entend plus particulièrement de celle qui en est chargée auprès d'une puissance étrangère.

On connaît aujourd'hui divers ordres de ministres publics, et nous en parlerons ci-après. Mais quelque différence que l'usage ait introduite entre eux, le caractère essentiel leur est commun à tous; c'est celui de ministre,

voir WICQUEFORT, L'ambassadeur et ses fonctions; DE RÉAL, La science du gouvernement, t. V, ch. 1; BIELFELD, Institutions politiques, t. II, chap. vII-XIII; MERLIN, Répertoire universel de jurisprudence, vo Ministre public; MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 2 185 et suiv., p. 35 et suiv., et les notes importantes de M. CH. VERGE; KLÜBER, Dr. des gens mod de l'Eur., édit. cit., ¿ 169 et suiv, p. 219 et suiv., et les notes de M. OTT; CH. DE MARTENS, Le guide diplomatique (1851); DE GARDEN, Traité complet de diplomatie, ou théorie générale des relations des puissances de l'Europe, t. I-III ; MIRUSS, Das europaïsche Gesandschaftsrecht (Leips., 1847); WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. I, p. 188 et suiv., 1; Id., Histoire des progrès du Dr. des gens, t. I, p. 288 et suiv.; ESCHBACH, Introduction générale à l'Étude du Droit, p. 81 et suiv.; HEFFTER, Le Dr. international public de l'Eur., trad. de J. Bergson, 2 199 et suiv.; DALLOZ, Jurispr. gén., yo Agent diplomatique. P. P. F.

et en quelque façon de représentant d'une puissance étrangère, de personne chargée de ses affaires et de ses ordres, et cette qualité nous suffit ici1.

8 57.

[ocr errors]

Tout État souverain est en droit d'envoyer et de recevoir des ministres publics.

Tout État souverain est donc en droit d'envoyer et de recevoir des ministres publics. Car ils sont les instruments nécessaires des affaires que les souverains ont entre eux et de la correspondance qu'ils sont en droit d'entretenir. On peut voir, dans le premier chapitre de cet ouvrage, quels sont les souverains et les États indépendants qui figurent ensemble dans la grande société des Nations. Ce sont là les puissances qui ont le droit d'ambassade 2.

1 MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 186, p. 37; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 169, p. 219, et note a, p. 220; PRADIER-FODÉRÉ, Précis de Droit politique et d'Économie sociale, p. 126 et suiv.; ESCHBACH, Introd. gén à l'étude du Droit, p. 83 et suiv. P. P. F.

2 Chaque État indépendant a le droit d'envoyer des ministres publics à tout autre État souverain avec lequel il désire maintenir des relations de paix et d'amitié, et d'en recevoir de lui. Quant aux États confédérés, leur droit de s'envoyer des ministres publics les uns aux autres ou à des États étrangers, dépend de la nature particulière et de la constitution de l'union par laquelle ils sont liés ensemble. Il appartient notamment aux États de la Confédération germanique (Voir WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. I, p. 62, suiv.; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., ¿ 175, note a, p. 229). Les cantons suisses le possédèrent jusqu'en 1848. L'art. 10 de la Constitution du 12 sept. 1848, stipule que les rapports officiels entre les cantons et les gouvernements étrangers ont lieu par l'intermédiaire du Conseil fédéral; mais que cependant les cantons peuvent correspondre directement avec les autorités inférieures et les employés d'un État étranger, pour conclure des traités sur des objets concernant l'économie politique, les rapports de voisinage et de police, droit réservé aux cantons par l'art. 9 de la constitution (voir : KLÜBER, Libr. et Loc. cit.). Par la constitution des États-Unis d'Amérique, il est expressément défendu à chaque État d'entrer, sans le consentement du Congrès, dans aucun traité d'alliance ou confédération avec aucun autre État de l'Union ou avec un État étranger, ni d'entrer, sans le même consentement, dans aucun accord ou convention

« PreviousContinue »