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§ 58.

- L'alliance inégale, ni le traité de protection, n'ôtent pas ce droit.

Une alliance inégale, ni même un traité de protection, n'étant pas incompatibles avec la souveraineté (liv. I, 25 et 6), ces sortes de traités ne dépouillent point par euxmêmes un État du droit d'envoyer et de recevoir des ministres publics. Si l'allié inégal, ou le protégé, n'a pas renoncé expressément au droit d'entretenir des relations et de traiter avec d'autres puissances, il conserve nécessairement celui de leur envoyer des ministres et d'en recevoir de leur part. Il en faut dire autant des vassaux et des tributaires qui ne sont point sujets. (Voyez liv. I, 7 et 8)1.

8 59. Du droit des princes et États de l'empire à cet égard. Bien plus, ce droit peut se trouver même chez des prin

avec un autre État, ou avec une puissance étrangère. « Le pouvoir originaire, ajoute WHEATON, d'envoyer et de recevoir des ministres publics, est essentiellement modifié, s'il n'est pas entièrement supprimé par cette prohibition » (Élém. du Dr. internat., t. I, p. 190). Voir Klüber, Libr. et Loc. cit.; MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 187, p 38 et la note de M. CH. VERGÉ, p. 39 et suiv.; MErlin, Répert. univ. de jurispr., v° Ministre public, sect. II, 85; HEFTER, Le Dr. intern. publ. de l'Eur., trad. de J. Bergson, & 209. — L'étendue des droits d'ambassade appartenant à des États dépendants ou mi-souverains, dépend de la nature de leurs rapports particuliers avec l'État supérieur sous la protection duquel il sont placés. L'article 9 de la convention du 19 avril 1858, relative à l'organisation des Principautés-Unies, stipule que les hospodars seront représentés auprès de la cour suzeraine par des agents nés Moldaves ou Valaques, ne relevant d'aucune juridiction étrangère, et agréés par la Porte (KLÜBER, Libr. cit., 2 175, note b, p. 230). Voir encore: MARTENS, Libr. cit., t. II, 187, p. 38 et suiv., et la note de M. CH. VERGÉ, p. 39 et suiv.; MERLIN, Libr. cit., v° Minis tre public, sect. II, 8 1, nos 1, 3, 4, 5; WHEATON, Libr. cit., t. I, et suiv., 3.

p. 189

P. P. F.

+ Voir : BURLAMAQUI, Principes du Dr. des gens, ch. XIII, & 2; DE REAL, La Science du gouvernement, t. V, ch. 1, sect. VI, no 2; MERLIN, Répert. univ. de jurispr., vo Ministre public, sect. II, 2 1, no 3; la note de M. CH. VERGÉ, sous le 8 189 du Précis de MARTENS, édit. cit., t. I, p. 44. P. P. F.

ces ou des communautés qui ne sont pas souverains. Car les droits dont l'ensemble constitue la pleine souveraineté, ne sont pas indivisibles; et si, par la constitution de l'État, par la concession du souverain ou par les réserves que les sujets ont faites avec lui, un prince ou une communauté se trouve en possession de quelqu'un de ces droits qui appartiennent ordinairement au souverain seul, il peut l'exercer et le faire valoir dans tous ses effets et dans toutes ses conséquences naturelles ou nécessaires, à moins qu'elles n'aient été formellement exceptées. Quoique les princes et États de de l'empire relèvent de l'empereur et de l'empire, ils sont souverains à bien des égards; et, puisque les constitutions de l'empire leur assurent le droit de traiter avec les puissances étrangères et de contracter avec elles des alliances, ils ont incontestablement celui d'envoyer et de recevoir des ministres publics. Les empereurs le leur ont quelquefois contesté, quand ils se sont vus en état de porter fort haut leurs prétentions, ou du moins ils ont voulu en soumettre l'exercice à leur autorité suprême, prétendant que leur permission devait y intervenir. Mais depuis la paix de Westphalie, et par le moyen des capitulations impériales, les princes et États d'Allemagne ont su se maintenir dans la possession de ce droit, et ils s'en sont assurés tant d'autres, que l'empire est considéré aujourd'hui comme une république de souverains.

8 60.

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Des villes qui ont le droit de bannière.

Il est même des villes sujettes, et qui se reconnaissent pour telles, qui ont droit de recevoir les ministres des puissances étrangères et de leur envoyer des députés, puisqu'elles ont droit de traiter avec elles. C'est de là que dépend toute la question, car celui qui a droit à la fin a droit aux moyens. Il serait absurde de reconnaître le droit de négocier et de traiter, et d'en contester les moyens nécessaires. Les villes de Suisse, telles que Neuchâtel et Bienne, qui

jouissent du droit de bannière, ont par là le droit de traiter avec les puissances étrangères, quoique ces villes soient sous la domination d'un prince. Car le droit de bannière ou des armes, comprend celui d'accorder des secours de troupes (*), pourvu que ce ne soit pas contre le service du prince. Si ces villes peuvent accorder des troupes, elles peuvent écouter la demande que leur en fait une puissance étrangère et traiter des conditions. Elles peuvent donc encore lui députer quelqu'un dans cette vue ou recevoir ses ministres ; et comme elles ont en même temps l'exercice de la police, elles sont en état de faire respecter les ministres étrangers qui viennent auprès d'elles. Un ancien et constant usage confirme ce que nous disons des droits de ces villeslà. Quelque éminents et extraordinaires que soient de pareils droits, on ne les trouvera pas étranges, si l'on considère que ces mêmes villes possédaient déjà de grands priviléges dans le temps que leurs princes relevaient euxmêmes des empereurs ou d'autres seigneurs, vassaux immédiats de l'empire. Lorsqu'ils secouèrent le joug et se mirent dans une parfaite indépendance, les villes considérables de leur territoire firent leurs conditions; et loin d'empirer leur état, il était bien naturel qu'elles profitassent des conjonctures, pour le rendre plus libre encore et plus heureux. Les souverains ne pourraient aujourd'hui réclamer contre des conditions auxquelles ces villes ont bien voulu suivre leur fortune et les reconnaître pour leurs seuls supérieurs'.

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Les vice-rois et les gouverneurs en chef d'une souverai

(*) Voyez l'Histoire de la Confédération helvétique, par A.-L. DE WATTEVILLE.

Merlin décide, au contraire, avec raison, qu'on ne peut être à la fois sujet et souverain, et que la ville sujette cesse, par sa position même, d'avoir l'indépendance nécessaire au droit de légation (Répert univ. de jurispr. v°, ministre public, sect. II, % 1, no 9).

P. P. F.

neté ou d'une province éloignée, ont souvent le droit d'envoyer et de recevoir des ministres publics, agissant en cela au nom et par l'autorité du souverain qu'ils représentent, et dont ils exercent les droits. Cela dépend entièrement de la volonté du maître qui les établit. Les vice-rois de Naples, les gouverneurs de Milan, les gouverneurs généraux des Pays-Bas pour l'Espagne, étaient revêtus de ce pouvoir 1.

8 62.

Ministres de la Nation, ou des régents, dans l'interrègne. Le droit d'ambassade, ainsi que tous les autres droits de la souveraineté, réside originairement dans la Nation comme dans son sujet principal et primitif. Dans l'interrègne, l'exercice de ce droit retombe à la Nation, ou il est dévolu à ceux à qui les lois ont commis la régence de l'État. Ils peuvent envoyer des ministres, tout comme le souverain avait accoutumé de faire, et ces ministres ont les mêmes droits qu'avaient ceux du souverain. Quand le trône est vacant, la républiqne de Pologne envoie des ambassadeurs, et elle ne souffrirait pas qu'ils fussent moins considérés que ne le sont ceux qui s'envoient quand elle a un roi. Cromwell sut maintenir les ambassadeurs d'Angleterre dans la même considération où ils étaient sous l'autorité des rois 2.

8 63. De celui qui trouble un autre dans l'exercice du droit

d'ambassade.

Tels étant les droits des Nations, le souverain qui entre

1 Voir MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 187, p. 38, et la note de M. CH. VERGÉ, p. 39 et suiv.; KLÜber, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 175, note e, 3 176, note a, p. 231. P. P. F.

2 Voir la note de M. CH. VERGÉ, sur le 2 187 du Précis de MARTENS, édit. cit., t. II. p. 41 ; Klüber, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., ? 175, note e, p. 231; HEFFTER, Le Dr. internat. publ. de l'Eur., trad. de J. Bergson, & 200. P. P. F.

prend d'empêcher qu'un autre ne puisse envoyer et recevoir des ministres publics, lui fait injure et blesse le droit des gens. C'est attaquer une Nation dans un de ses droits les plus précieux, et lui disputer ce que la nature ellemême donne à toute société indépendante; c'est rompre les liens qui unissent les peuples et les offenser tous.

$ 64. - De ce qui est permis à cet égard en temps de guerre. Mais cela ne doit s'entendre que d'un temps de paix ; la guerre donne lieu à d'autres droits. Elle permet d'ôter à l'ennemi toutes ses ressources, d'empêcher qu'il ne puisse envoyer ses ministres pour solliciter des secours (*). Il est même des occasions où l'on peut refuser le passage aux ministres des Nations neutres qui voudraient aller chez l'en. nemi. On n'est point obligé de souffrir qu'ils lui portent peut-être des avis salutaires, qu'ils aillent concerter avec lui les moyens de l'assister, etc. Cela ne souffre nul doute, par exemple, dans le cas d'une ville assiégée. Aucun droit ne peut autoriser le ministre d'une puissance neutre, ni qui que ce soit, à y entrer malgré l'assiégeant. Mais pour ne point offenser les souverains, il faut leur donner de bonnes raisons du refus que l'on fait de laisser passer leurs ministres, et ils doivent s'en contenter, s'ils prétendent demeurer neutres. On refuse même quelquefois le passage à des ministres suspects, dans des temps soupçonneux et critiques, quoiqu'il n'y ait point de guerre ouverte. Mais la démarche est délicate, et si on ne la justifie pas par des raisons tout à fait satisfaisantes, elle produit une aigreur qui dégénère aisément en rupture ouverte1.

(*) Voyez, ci-après, 2 85, ce qui arriva au maréchal de Belle-Isle en se rendant à Berlin.

L'état de guerre ne saurait dispenser les gouvernements du devoir de recevoir les ministres publics des autres États, car sans ces rapprochements il serait bien difficile de traiter de la paix. L'agent de la puissance ennemie ne peut se présenter, toutefois, sans une permission spéciale, désignée sous le non de sauf-conduit, et qui est habituellement demandée

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