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autrement sa venue ne serait pas sûre. On doit jusqu'à son arrivée auprès du prince, le regarder comme ministre sur sa parole; et d'ailleurs, outre les avis qu'on en a ordinairement par lettres, en cas de doute le ministre est pourvu de passeports, qui font foi de son caractère 1.

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De ce qui leur est dû dans les pays où ils passent. Ces passeports lui deviennent quelquefois nécessaires matiques (voir : G. de Rayneval, Instit. du Dr. de la nat. et des gens, liv. I, no 42). L'Assemblée nationale a proclamé en 1789, qu'elle n'entendait pas porter atteinte aux immunités des ambassadeurs établies par le droit des gens (L., 11 déc. 1789). En l'an II, la Convention décréta qu'il serait interdit à toute autorité constituée d'attenter en aucune manière à la personne des envoyés des gouvernements étrangers (Décr., 13 vent. an II). Dans la discussion du Code Napoléon: il fut reconnu que les ministres étrangers devaient continuer à jouir en France des prérogatives fondées sur le droit des gens. Les lois civiles et de procédure françaises n'admettent pas la contrainte par corps contre les agents diplomatiques; les lois d'instruction criminelle ne permettent pas de contraindre un ministre étranger à venir déposer, en justice, dans les formes ordinaires (C. Instr. crim., art. 514; Décr., 4 mai 1812); les lois pénales, enfin, punissent la diffamation et l'injure envers les ministres publics étrangers, plus sévèrement que celles qui seraient commises contre les parti. culiers (L., 17 mai 1819). Voir sur ces points: ACH. MORIN, Libr. cit., p. 127 et 128. Sur l'inviolabilité des ministres publics, voir : MONTESQUIEU, Esprit des Lois, liv. XXVI, ch. xx1; BURLAMAQUI, Principes du Dr. de la nature et des gens, ch. XIII, 5; DE RÉAL, Science du gouvernement, t. V, ch. 1, sect. vII, no 4 et suiv., ch. XIII, sect. x, 11o 8 et 9; MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 8 214, p. 102 et la note p 103; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit cit., 203, p. 263 et suiv.; CH. DE MARTENS, Le Guide diplomat., t. 1, p. 83; HEFFTER, Le Dr. internat. publ. de l'Eur., trad. de J. BERGSON, 204; MERLIN, Répert de jurispr., Vo. Ministre public, sect. v, 23, no 1; DALLOZ, Jurisprud. gén., Vo. Agent diplomatique, nos 88 et suiv.; ESCHBACH, Introduction générale à l'étude du Droit, p. 88 et suiv. P. P. F.

1 Les passeports ou sauf-conduits délivrés au ministre public par son gouvernement en temps de paix, ou en temps de guerre par le gouvernement près duquel il est envoyé, sont, dit Wheaton, des preuves suffi santes de son caractère public (Élem. du Dr. internat, t. I, p. 200).

P. P. F.

dans les pays étrangers où il passe pour se rendre au heu de sa destination. Il les montre, au besoin, pour se faire rendre ce qui lui est dû (*). A la vérité, le prince seul, à qui le ministre est envoyé, se trouve obligé et particulièrement engagé à le faire jouir de tous les droits attachés à son caractère; mais les autres, sur les terres de qui il passe, ne peuvent lui refuser les égards que mérite le ministre du souverain, et que les Nations se doivent réciproquement. Ils lui doivent surtout une entière sûreté. L'insulter, ce serait faire injure à son maître et à toute la Nation; l'arrêter et lui faire violence, ce serait blesser le droit d'ambassade qui appartient à tous les souverains (8 77 et 63). François Ier, roi de France, était donc très-fondé à se plaindre de l'assassinat de ses ambassadeurs Rinçon et Frégose, comme d'un horrible attentat contre la foi et le droit des gens. Ces deux ministres, destinés, l'un pour Constantinople, et l'autre pour Venise, s'étant embarqués sur le Pô, furent arrêtés et assassinés, selon toute apparence, par les ordres de Dugast, gouverneur du Milanez (**). L'empereur Charles V ne s'étant point mis en peine de faire rechercher les auteurs du meurtre, donna lieu de croire qu'il l'avait commandé, ou au moins qu'il l'approuvait secrètement et après coup. Et comme il n'en donna point de satisfaction convenable, François Ier avait un très-juste sujet de lui déclarer la guerre, et même de demander l'assistance de toutes les Nations. Car une affaire de cette nature n'est point un différend particulier, une question litigieuse, dans laquelle chaque partie tire le droit de son côté; c'est la querelle de toutes les Nations, intéressées à maintenir comme sacrés le droit et les moyens qu'elles ont de communiquer ensemble et de traiter de leurs affaires. Si le passage innocent est dû, même avec une entière sû

(*) En fait d'égards

(**) Voyez le Présid. HENAULT et les Mémoires de DU BELLAY, liv. IX.

reté, à un simple particulier, à plus forte raison le doit-on au ministre d'un souverain, qui va exécuter les ordres de son maître, et qui voyage pour les affaires d'une Nation. Je dis le passage innocent; car si le voyage du ministre est justement suspect, si un souverain a lieu de craindre qu'il n'abuse de la liberté d'entrer dans ses terres, pour y tramer quelque chose contre son service, ou qu'il n'aille pour donner certains avis à ses ennemis, ou pour lui en susciter de nouveaux, nous avons déjà dit (§ 64) qu'il peut lui refuser le passage. Mais il ne doit pas le maltraiter, ni souffrir qu'on attente à sa personne. S'il n'a pas des raisons assez fortes pour lui refuser le passage, il peut prendre des précautions contre l'abus que le ministre en pourrait faire. Les Espagnols trouvèrent ces maximes établies dans le Mexique et dans les provinces voisines Les ambassadeurs y étaient respectés dans toute leur route; mais ils ne pouvaient s'écarter des grands chemins sans perdre leurs droits (*). Réserve sagement établie, et ainsi réglée, pour empêcher qu'on n'envoyât des espions sous le nom d'ambassadeurs. C'est ainsi que la paix se traitant aux fameux congrès de Westphalie parmi les dangers et le bruit des armes, les courriers que les plénipotentiaires recevaient et dépêchaient, avaient leur route marquée, hors de laquelle leurs passeports ne pouvaient leur servir (**) '.

(*) SOLIS, Histoire de la conquête du Mexique.

(**) WICQUEFORT, Ambassadeur, liv. I, sect. XVII.

✦ WHEATON fait observer qne l'opinion des publicistes est divisée sur la question du respect et de la protection à accorder à un ministre public, qui traverse le territoire d'un État autre que celui auprès duquel il est accrédité. Suivant Grotius et Bynkershoek, l'inviolabilité des ambassadeurs ne lie que les États qui les envoient et ceux qui les reçoivent (GroTIUS, De jur. bel. ac pac. lib. II, cap. xvIII, 5; BYNKERSHOFK, Du juge compétent des ambassadeurs, ch. 1x, 7). Wicquefort ne considérait l'assassinat des ministres de François Ier sur les terres de Charles Quint, que comme une simple violation du droit de passage inoffensif, qu'aggravait cependant la circonstance du caractère de dignité des victimes du crime (De l'Ambassadeur, liv. I, 229, p. 433, 439). Bynkershoek sou17

III.

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Ce que nous venons de dire regarde les Nations qui ont la paix entre elles. Dès que l'on est en guerre, on n'est plus obligé de laisser à l'ennemi la libre jouissance de ses droits;

tient que les ambassadeurs qui traversent le territoire d'un État autre que celui auprès duquel ils sont accrédités, sont justiciables de la juridiction locale civile et criminelle, de la même manière que les autres étrangers, qui doivent à l'État une obéissance temporaire (Libr. cit., chap. 1x). << Quand on dit qu'un ambassadeur doit jouir dans les pays par lesquels il ne fait que passer, de l'indépendance attachée à son caractère, cela s'entend, dit Merlin, pourvu qu'il les traverse en ambassadeur, c'est-àdire après s'être fait annoncer, et avoir obtenu la permission de passer comme tel. Cette permission met le souverain qui l'a accordée dans la même obligation que si c'était à lui-même que le ministre public fût envoyé, et qu'il l'eût admis. Mais aussi, sans cette permission, l'ambassadeur doit être considéré comme un voyageur ordinaire, comme un simple passager, et conséquemment rien ne s'oppose à ce qu'on l'arrête, quand il y a contre lui des causes qui seraient suffisantes pour faire arrêter un particulier » (Répert. de jurispr., v° Ministre public, sect. V, 2 3, n° 4, 12). Voir : WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. I, p. 219, ¿ 20. Les tierces puissances « n'ont jamais reconnu, dit Heffter, l'inviolabilité d'un ministre étranger qui se trouve en dehors du territoire où il est envoyé. Elles ont, au contraire, en toute occasion, maintenu le principe qu'elles n'étaient pas tenues de respecter le caractère public d'un ministre dès qu'il se trouvait en conflit avec leurs propres droits. Un gouvernement a quelquefois fait arrêter, lors du passage sur son territoire, le ministre d'un souverain avec lequel il était en guerre. D'autres fois, l'arrestation d'un ministre a été prononcée à cause de dettes personnelles ou d'engagements civils. Il n'existe non plus aucun doute qu'un ministre étranger ne puisse être arrêté, poursuivi et puni à raison de crimes commis par lui dans le territoire d'une tierce puissance » (Le Dr. internat. publ. de l'Eur., trad. de J. BERGSON, 207). Le respect mutuel que se doivent les États suffira, d'ailleurs, pour leur inspirer les procédés dont ils devront user (Voir: MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 2 246 à 248, p. 168 et suiv, et la note de M. Ch. Vergé, p. 170 et suiv.; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit cit., § 79, note d, p. 108, 2 176, p. 231 et suiv., ? 204, p. 265). P. P. F.

M. de Chambrier d'Oleires fait l'observation suivante sur ce : << Arrêter et faire violence à un ministre qui passe sur un territoire >> étranger pour se rendre ailleurs à sa destination, c'est blesser les égards

au contraire, on est fondé à l'en priver, pour l'affaiblir et le réduire à accepter des conditions équitables. On peut encore attaquer et arrêter ses gens, partout où on a la liberté d'exercer des actes d'hostilité. Non-seulement donc on peut justement refuser le passage aux ministres qu'un ennemi envoie à d'autres souverains; on les arrête même, s'ils en

>> dus à son maître et à sa nation. François Ier était fondé à se plaindre » de l'assassinat de ses ambassadeurs, Rinçon et Frégose, comme d'une >> violation de la foi publique, mais non comme d'un attentat contre le >> droit des gens, qui ne peut s'exercer qu'envers des ministres accrédi>>tés près du souverain du pays. Ceux qui y passent pour se rendre ail>> leurs sont des personnes privées, et qui ne peuvent réclamer l'immunité >> ou droit des gens. Les États-Généraux des Provinces-Unies ou Pays>> Bas, n'eussent pas été en droit d'arrêter le baron de Gorz, ce ministre » célèbre de Charles XII, roi de Suède, comme ils firent en 1717, si un >> ministre public jouissait des mêmes priviléges ailleurs que dans l'État du >> souverain auquel il est envoyé. Rinçon était destiné par François Ier à » l'ambassade de Constantinople, et Frégose à celle de Venise; l'un et » l'autre avaient des instructions tendantes à unir la Porte et cette répu>>blique avec la France contre la maison d'Autriche, et il devenait très>> important à l'empereur Charles-Quint que ces ambassadeurs n'eussent >> pas de succès. Il n'aurait pas accordé le passage dans ses États à ceux qui >> allaient manœuvrer contre ses intérêts, et s'ils voulurent le tenter à >> leurs risques, ce fut en se confiant aux lois de l'hospitalité, qui seules » furent violées par le fait dont il s'agit, quoique M. de Vattel qualifie » cet attentat de lésion du droit des gens, et prétende que François Ie1 >> avait un très-juste droit, non-seulement de déclarer la guerre à Charles>> Quint, qui ne lui donna point de satisfaction raisonnable, mais même » de demander l'assistance de toutes les nations intéressées à maintenir >> comme sacrés le droit et les moyens qu'elles ont de communiquer ensem>> ble, et de traiter de leurs affaires. Le passage innocent est dû à un sim>>ple particulier, même avec une entière sûreté, à plus forte raison le >> doit-on à un ministre qui va exécuter les ordres de son maître, et qui >> voyage pour les intérêts d'une nation. Si le voyage d'un ministre est >> justement suspect, le souverain peut lui refuser le passage, mais il ne >> doit pas souffrir qu'on attente à sa personne. Les droits de l'humanité >> furent donc violés d'une manière insigne, comme on l'a dit, dans cette >> occasion; mais le droit des gens ne l'ayant pas été, François Ier ne » pouvait, en déclarant la guerre pour ce fait, réclamer l'assistance des >> autres nations » (Note sur le & 84, édition d'HAUTERIVE, t. II).

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