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102 Si l'on peut user de représailles envers un ambassadeur.

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Il n'est pas permis de maltraiter un ambassadeur par représailles car le prince qui use de violence contre un ministre public, commet un crime, et l'on ne doit pas s'en venger en l'imitant on ne peut jamais, sous prétexte de

représailles, commettre des actions illicites en elles-mêmes, et tels seraient sans doute de mauvais traitements faits à un ministre innocent, pour les fautes de son maître. S'il est indispensable d'observer généralement cette règle en fait de représailles, le respect qui est dû au caractère la rend plus particulièrement obligatoire envers l'ambassadeur. Les Carthaginois avaient violé le droit des gens envers les ambassadeurs de Rome, on amena à Scipion quelques ambassadeurs de ce peuple perfide, et on lui demanda ce qu'il voulait qu'on leur fit: Rien, dit-il, de semblable à ce que les Carthaginois ont fait aux nôtres; et il les renvoya en sûreté (*). Mais en même temps il se prépara à punir, par les armes, l'Etat qui avait violé le droit des gens (**). Voilà le vrai modèle de la conduite qu'un souverain doit tenir en pareille occasion. Si l'injure par laquelle on veut user de représailles ne regarde pas un ministre public, il est bien plus certain encore qu'on ne peut les exercer contre l'ambassadeur de la puissance dont on se plaint. La sûreté des ministres publics serait bien incertaine, si

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2599 1291 1 211 squifit mourir l'ambassadeur de Timur, dit : « Que ce fut une action in>> fâme; qu'insulter ambassadeur est violer le droit des gens; et cela » fait horreur à la nature même. » Ibid., liv. V, chap xvii.

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(*) APPIEN, Cité par GROTIUS, II, chap. XXVIII, 2 7. Suivant

Diodore de Sicile, Scipion dit aux Romains: N'imitez point ce que vous reproches aus Carthaginois : Σκίπιων, οὐκ, ἔφη, δεῖν πράττειν δὲ τοῖς "Kapy yoovéois éyxaλoudt. DIOD. SICUL. Excerpt. Peiresc., p. 290.

(**) TIT. Live, lib. XXX, cap. xxv. Cet historien fait dire à Scipion: "Quoique les Carthaginois, aient violé la foi de la treve et le droit des » gens en la personne de nos ambassadeurs, je ne ferai rien contre les >> leurs qui soit indigne des maximes du peuple romain, et de mes prin» cipes.h to lad to he

elle était dépendante de tous les différends qui peuvent survenir. Mais il est un cas où il paraît très-permis d'arrêter un ambassadeur, pourvu qu'on ne lui fasse souffrir d'ailleurs aucun mauvais traitement: quand un prince, violant le droit des gens, a fait arrêter notre ambassadeur, nous pouvons arrêter et retenir le sien, afin d'assurer par ce gage la vie et la liberté du nôtre. Si ce moyen ne réussissait pas, il faudrait relâcher l'ambassadeur innocent, et se faire justice par des voies plus efficaces. CharlesQuint fit arrêter l'ambassadeur de France qui lui avait déclaré la guerre; sur quoi François Ier fit arrêter Granvelle, ambassadeur de l'empereur. On convint ensuite que les ambassadeurs seraient conduits sur la frontière, et relaxés en même temps (*).

103. Consentement des Nations sur les priviléges des ambassadeurs.

Nous avons déduit l'indépendance et l'inviolabilité de l'ambassadeur, des principes naturels et nécessaires du droit des gens. Ces prérogatives lui sont confirmées par l'usage et le consentement général des Nations. On a vu ci-dessus (§ 84), que les Espagnols trouvèrent le droit des ambassades établi et respecté au Mexique. Il l'est même chez les peuples sauvages de l'Amérique septentrionale. Passez à l'autre extrémité de la terre, vous verrez les ambassadeurs très-respectés à la Chine. Ils le sont aux Indes, moins religieusement à la vérité (**). Le roi de Ceylan a quelquefois mis en prison les ambassadeurs de la compagnie hollandaise. Maître des lieux où croît la cannelle, il sait que les Hollandais lui passeront bien des choses en faveur d'un riche commerce; et il s'en prévaut en barbare. L'Alcoran prescrit aux musulmans de respecter le ministre public; et si les Tures n'ont pas toujours observé ce précepte, il faut en accuser la férocité de quelques princes,

(*) MÉZERAY, Histoire de France, t. II, p. 470.

(**) Histoire générale des voyages, art. de la Chine et des Indes.

plutôt que les principes de la Nation. Les droits des ambassadeurs étaient fort bien connus des Arabes. Un auteur de cette Nation (*) rapporte le trait suivant : Khaled, général arabe, étant venu comme ambassadeur à l'armée de l'empereur Héraclius, parlait insolemment au général ; sur quoi celui-ci lui dit, que la loi reçue chez toutes les Nations mettait les ambassadeurs à couvert de toute violence, et que c'était là apparemment ce qui l'avait enhardi à lui parler d'une manière si indécente (**). Il serait fort inutile d'accumuler ici les exemples que pourrait fournir l'histoire des Nations européennes ; ils sont innombrables; et les usages de l'Europe sont assez connus à cet égard. Saint Louis étant à Acre, donna un exemple remarquable de la sûreté qui est due aux ministres publics. Un ambassadeur du Vieil de la montagne, ou prince des assassins, lui parlant avec insolence, les grands maîtres du Temple et de l'Hôpital dirent à ce ministre, que sans le respect de son caractère ils le feraient jeter à la mer (***). Le roi le renvoya sans permettre qu'il lui fùt fait aucun mal. Cependant le prince des assassins violant lui-même les droits les plus sacrés des Nations, il semblerait qu'on ne devait aucune sûreté à son ambassadeur, si l'on ne faisait réflexion que cette sûreté étant fondée sur la nécessité de conserver aux souverains des moyens sûrs de se faire des propositions réciproques, et de traiter ensemble en paix et en guerre, elle doit s'étendre jusqu'aux envoyés des princes, qui, violant euxmêmes le droit des gens, ne mériteraient d'ailleurs aucun égard'.

(*) ALVAKÉDI, Histoire de la conquête de la Syrie.

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(**) Histoire des Sarrasins, par OCKLEY, t. I, p. 294, de la traduction française.

(***) CHOISY, Histoire de saint Louis.

1 Un usage généralement reconnu dans la pratique internationale moderne, admet, en matière criminelle, l'exterritorialité des souverains étrangers, de leurs ministres ou autres représentants, de la famille ainsi

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Il est des droits d'une autre nature, qui ne sont point si nécessairement attachés au caractère de ministre public,

que de la suite et des gens de service de ces derniers. Néanmoins le caractère diplomatique ne saurait conférer le privilége de commettre avec impunité des infractions aux lois pénales. Les publicistes sont d'accord pour faire prévaloir dans ces cas, heureusement fort rares, le droit suprême de défense, et de propre conservation sur les prérogatives et immunités du ministre public. L'étendue de la répression appartenant à l'État offensé, dépend alors de la gravité des faits et de l'imminence du danger. Voici, d'après Heffter, les différentes mesures auxquelles pourra recourir l'État offensé pour obtenir satisfaction. S'il s'agit de faits peu importants, il adressera un avertissement confidentiel au ministre, ou une plainte à son gouvernement; si l'infraction est plus grave, il demandera son rappel et exigera une satisfaction, sans préjudice des mesures de surveillance vis-à-vis de sa personne. Si le rappel n'est pas accordé, l'État lésé sera en droit d'éloigner le ministre délinquant, et de l'obliger à quit ter dans un délai déterminé le territoire de la Nation auprès de laquelle il était accrédité; enfin, s'il y a attentat contre la personne du souverain ou contre la sûreté de son gouvernement, le ministre pourra être détenu jusqu'au moment où satisfaction en sera donnée (Heffter, Le Dr. in ternat. publ. de l' Eur., trad. de J. Bergson, & 214. Voir aussi : MARTENS, Précis de Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t II, 218, p.117 ét suiv., et la note p. 118). - Voir sur l'exemption de la juridiction criminelle GROTIUS, De jur. bell, ac pac., lib. II, cap. xvIII, 4; BynkersHOECK, Du juge compétent de l'ambassadeur, ch. XVII, XIX; MARTENS, Libr. et loc. cit.; KLÜBER, Dr. dés gens mod. de l'Eur., édit. cit., 211, p. 275 et suiv.; WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. I, p. 201; Id., Histoire des progrès du Dr. des gens, t. I, p. 304 et suiv.; POElitz, Les sciences d'État, d'après les progrès de notre époque, t. V, p. 316 et suiv.; MITTERMAIER, Procédure criminelle comparée, & 55; LegraVEREND, Législation criminelle, t. I, p. 102; DALLOZ, Diction. gén: de législ., v° Agent diplomat., 21; ORTOLAN, Éléments de Dr. pénal, p. 195 et 393; FOELIX, Traité du Dr. internat. privé, t. I, p. 290 et suiv. Le chef d'un État peut-il arrêter, traduire et faire juger devant ses tribunaux un ministre public étranger, pour crime ou délit soit ordinaire, soit dirigé contre la sûreté publique de l'État ? La plupart des publicistes ne permettent de le faire juger et exécuter, que dans le cas où l'attentat a eu lieu avec violence, voies de fait et les armes à la main (Voir la note de M. Ch. Vergé, sur le 218 du Précis de MARTENS, édit. cit.,

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mais que la coutume lui attribue presque partout. Un des principaux est le libre exercice de sa religion. Il est à la vérité, très-convenable que le ministre, et surtout le ministre résident, puisse exercer librement sa religion dans son hôtel, pour lui et les gens de sa suite; mais on ne peut pas dire que ce droit soit, comme l'indépendance et l'inviolabilité, absolument nécessaire au juste succès de sa commission, particulièrement pour un ministre non résident, le seul que les Nations soient obligées d'admettre (266). Le ministre fera à cet égard ce qu'il voudra, dans le secret de sa maison, où personne n'est en droit de pénétrer. Mais si le souverain du pays où il réside, fondé sur de bonnes raisons, ne voulait pas lui permettre d'exercer sa religion d'une manière qui transpirât dans le public, on ne saurait condamner ce souverain, bien moins l'accuser de blesser le droit des gens. Aujourd'hui ce libre exercice n'est refusé aux ambassadeurs dans aucun pays civilisé : un privilége fondé en raison ne peut être refusé quand il n'entraîne point d'inconvénient 1.

t. II, p, 119, et les auteurs qu'il cite). L'histoire contemporaine offre un exemple récent de ministre public arrêté sous l'inculpation de complot, dans la personne du ministre de Bavière à Athènes, mis en état d'arrestation par le gouvernement grec, pour avoir, dit-on, conspiré en faveur de l'ex-roi Othon. P. P. F.

1 Voir : RÉAL, Science du gouvernement, t. V, chap. I, section 7, nos 1 et 2; MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur,, édit. cit., t. II, 3 222, 226, p. 131 et suiv, et la note p. 136. CH. DE MARTENS, Le Guide diplomat., t. I, p. 116; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., 191, p. 250, 215, 216, p. 28 et suiv.; HEFFTER, Le Dr. internat. public de l'Eur., trad. de J. BERGSON, ? 213; ESCHBACH, Introduction générale à l'Étude du Droit, p. 191. L'esprit croissant d'indépendance religieuse et de libéralisme a graduellement étendu ce privilége du culte religieux, jusqu'à souffrir dans la plupart des pays l'établissement de chapelles publiques attachées aux différentes ambassades étrangères, dans lesquelles non-seulement les étrangers de la même nation, mais les nationaux du pays qui suivent la même religion, sont admis au libre exercice de leur culte particulier. Mais cette faculté ne s'étend pas en général, aux processions publiques, à l'usage des cloches, ou aux 19

III.

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