Page images
PDF
EPUB

8 115. Non plus qu'aux immeubles qu'il possède dans le pays. Tous les fonds de terre, tous les biens immeubles relèvent de la juridiction du pays (liv. 1, § 205, et liv. II, 8 83 et 84), quel qu'en soit le propriétaire. Pourrait-on les en soustraire par cela seul que le maître sera envoyé en qualité d'ambassadeur par une puissance étrangère? Il n'y aurait aucune raison à cela. L'ambassadeur ne possède pas ces biens-là comme ambassadeur; ils ne sont pas attachés à sa personne, de manière qu'ils puissent être réputés hors du territoire avec elle. Si le prince étranger craint les suites de cette dépendance où se trouvera son ministre par rapport à quelques-uns de ses biens, il peut en choisir un autre. Disons donc que les biens immeubles, possédés par un ministre étranger, ne changent point de nature par la qualité du propriétaire, et qu'ils demeurent sous la juridiction de l'État où ils sont situés. Toute difficulté, tout procès qui les concerne, doit être porté devant les tribunaux du pays; et les mêmes tribunaux en peuvent ordonner la saisie sur un titre légitime. Au reste, on comprendra aisément que si l'ambassadeur loge dans une maison qui lui appartient en propre, cette maison est exceptée de la règle, comme servant actuellement à son usage; excepté, dis-je, dans tout ce qui peut intéresser l'usage qu'en fait actuellement l'ambassadeur.

On peut voir dans le traité de Bynkershoek (*) que la coutume est conforme aux principes établis ici et dans le paragraphe précédent. Lorsqu'on veut intenter action à un ambassadeur dans les deux cas dont nous venons de parler, c'est-à-dire au sujet de quelque immeuble situé dans le pays, ou d'effets mobiliers qui n'ont aucun rapport à l'ambassade, on doit faire citer l'ambassadeur, comme on

semble avoir oubliée?» (Note sur le 217 du Précis de MARTENS, édit. cit., t. II, p. 115). . P. P. F.

(*) Du juge compétent des ambassadeurs, chap. xvi, 3 6.

cite les absents, puisqu'il est censé hors du territoire, et que son indépendance ne permet point qu'on s'adresse à sa personne par une voie qui porte le caractère de l'autorité, comme serait le ministère d'un huissier 1.

116.

Comment on peut obtenir justice contre un ambassadeur.

Quel est donc le moyen d'avoir raison d'un ambassadeur qui se refuse à la justice, dans les affaires que l'on peut avoir avec lui? Plusieurs disent qu'il faut l'attaquer devant le tribunal dont il était ressortissant avant son ambassade. Cela ne me paraît pas exact. Si la nécessité et l'importance de ses fonctions le mettent au-dessus de toute poursuite dans le pays étranger où il réside, sera-t-il permis de le troubler, en l'appelant devant les tribunaux de son domicile ordinaire? Le bien du service public s'y oppose. Il faut que le ministre dépende uniquement du souverain auquel il appartient d'une façon toute particulière. C'est un instrument dans la main du conducteur de la Nation, dont rien ne doit détourner ou empêcher le service. Il ne serait pas juste non plus que l'absence d'un homme chargé des intérêts du souverain et de la Nation, lui devint préjudiciable dans ses affaires particulières. Partout, ceux qui sont absents pour le service de l'État ont des priviléges qui les mettent à couvert des inconvénients de l'absence.

-

1 Voir : MARTENS, Précis du Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., t. II, 217, p. 114 et la note, p. 116; KLÜBER, Dr. des gens mod. de l'Eur., édit. cit., ¿ 210, p. 273; WHEATON, Élém. du Dr. internat., t. I, p. 203, 17; FOELIX, Traité du Dr. internat. privé, t. I, p. 395 et suiv.; DALLOZ, Jurispr. génér., v° Agent diplomat., no 113. - Burlamaqui donne une plus grande extension à l'indépendance du ministre public, en déclarant indistinctement tous ses biens à l'abri de la saisie (Principes du Droit de la nature et des gens, chap. XIII, 12). Mais cette opinion n'a pas prévalu. Le droit attribué aux créanciers des agents diplomatiques de saisir leurs immeubles, entraîne par voie de conséquence, celui de poursuivre le paiement de ce qui leur est dû sur les revenus ou sur les fruits produits par ces immeubles. P. P. F.

Mais il faut prévenir, autant qu'il est possible, que ces priviléges des ministres de l'État ne soient trop onéreux aux particuliers qui ont des affaires avec eux. Quel est donc le moyen de concilier des intérêts divers, le service de l'État, et le soin de la justice? Tous particuliers, citoyens ou étrangers, qui ont des prétentions à la charge d'un ministre, s'ils ne peuvent obtenir satisfaction de lui-même, doivent s'adresser au maître, lequel est obligé de rendre justice de la manière la plus compatible avec le service public. C'est au prince de voir s'il convient de rappeler son ministre, ou de marquer le tribunal devant lequel on pourrait l'appeler, d'ordonner des délais, etc. En un mot, le bien de l'État ne souffre point que qui que ce soit puisse troubler le ministre dans ses fonctions, ou l'en distraire, sans la permission du souverain; et le souverain, obligé de rendre la justice à tout le monde, ne doit point autoriser son ministre à la refuser, ou à fatiguer ses adversaires par d'injustes délais 1.

CHAPITRE IX.

DE LA MAISON DE L'AMBASSADEUR, DE SON HOTEL, ET DES

[blocks in formation]

L'indépendance de l'ambassadeur serait fort imparfaite, et sa sûreté mal établie, si la maison où il loge ne jouissait

Sur les voies à employer pour obtenir qu'un ministre public paye les dettes qu'il a contractées dans le pays de sa résidence, voir : HEFFTER, Le Dr. internat. publ. de l'Eur., trad. de J. Bergson, ¿ 225 M. Ch. Vergé critique le moyen proposé par Vattel, comme peu conforme à la dignité des rapports diplomatiques, et peu utile aux intérêts particuliers. Il conclut d'un décret du 13 ventôse an II, encore aujourd'hui en vigueur, que toute réclamation contre un ministre public ne peut plus être traitée en France que par la voie diplomatique, entre le gouverne

d'une entière franchise, et si elle n'était pas inaccessible aux ministres ordinaires de la justice. L'ambassadeur pourrait être troublé sous mille prétextes, son secret découvert par la visite de ses papiers, et sa personne exposée à des avanies. Toutes les raisons qui établissent son indépendance et son inviolabilité concourent donc aussi à assurer la franchise de son hôtel. Ce droit du caractère est géné ralement reconnu chez les nations policées. On considère au moins, dans tous les cas ordinaires de la vie, l'hôtel d'un ambassadeur comme étant hors du territoire, aussi bien que sa personne. On en a vu, il y a peu d'années, un exemple remarquable à Pétersbourg. Trente soldats, aux ordres d'un officier, entrèrent le 3 avril 1752, dans l'hôtel du barron de Greiffenheim, ministre de Suède, et enlevèrent deux de ses domestiques, qu'ils conduisirent en prison, sous prétexte que ces deux hommes avaient vendu clandestinement des boissons que la ferme impériale a seule le privilége de débiter. La cour, indignée d'une pareille action, fit arrêter aussitôt les auteurs de cette violence; et l'impératrice ordonna de donner satisfaction au ministre offensé. Elle lui fit remettre, et aux autres ministres des puissances étrangères, une déclaration, dans laquelle cette souveraine témoignait son indignation et son déplaisir de ce qui s'était passé, et faisait part des ordres qu'elle avait donnés au Sénat de faire le procès au chef du bureau établi pour empêcher la vente clandestine des liqueurs, qui était le principal coupable.

La maison d'un ambassadeur doit être à couvert de toute insulte, sous la protection particulière des lois et du droit des gens l'insulter, c'est se rendre coupable envers l'État et envers toutes les Nations.

ment français et le gouvernement étranger que représente le ministre dont on se plaint (Note sur le 216 du Précis de MARTENS, édit. cit., t. II, p. 109). Voir le décret de l'an II dans FOELIX, Traité du Dr. internat. privé, t. I, p. 400. P. P. F.

[merged small][ocr errors]

Mais l'immunité, la franchise de l'hôtel n'est établie qu'en faveur du ministre et de ses gens, comme on le voit évidemment par les raisons mêmes sur lesquelles elle est fondée. Pourra-t-il s'en prévaloir, pour faire de sa maison un asile dans lequel il retirera les ennemis du prince et de l'État, les malfaiteurs de toute espèce, et les soustraira aux peines qu'ils auront méritées? Une pareille conduite serait contraire à tous les devoirs d'un ambassadeur, à l'esprit qui doit l'animer, aux vues légitimes qui l'ont fait admettre; personne n'osera le nier; mais nous allons plus loin, et nous posons comme une vérité certaine, qu'un souverain n'est point obligé de souffrir un abus si pernicieux à son État, si préjudiciable à la société. A la vérité, quand il s'agit de certains délits communs, de gens souvent plus malheureux que coupables, ou dont la punition n'est pas fort importante au repos de la société, l'hôtel d'un ambassadeur peut bien leur servir d'asile; et il vaut mieux laisser échapper les coupables de cette espèce, que d'exposer le ministre à se voir souvent troublé sous prétexte de la recherche qu'on en pourrait faire, que de compromettre l'État dans les inconvénients qui en pourraient naître. Et comme l'hôtel d'un ambassadeur est indépendant de la juridiction ordinaire, il n'appartient en aucun cas aux magistrats, juges de police, ou autres subalternes, d'y entrer de leur autorité, ou d'y envoyer leurs gens, si ce n'est dans des occasions de nécessité pressante, où le bien public serait en danger et ne permettrait point de délai. Tout ce qui touche une matière si élevée et si délicate, tout ce qui intéresse les droits et la gloire d'une puissance étrangère, tout ce qui pourrait commettre l'État avec cette puissance, doit être porté immédiatement au souverain, et réglé par lui-même, ou sous ses ordres par un conseil d'État. C'est donc au souverain de décider, dans l'occasion,

« PreviousContinue »