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Le paiement fait par le souscripteur au tiers porteur est définitif, sans qu'il puisse être allégué que les fonds employés au paiement étaient affectés à une autre destination, et que le paiement a été ainsi fait par erreur. La solution ne serait pas la même à l'égard de l'administrateur de biens d'autrui, un tuteur, par exemp.e, qui aurait à payer un billet à ordre souscrit par un commerçant décédé, et dû par ses héritiers mineurs.

Nous expliquerons au mot Lettre de change, les autres règles relatives au paiement.

Lorsque le preneur ou bénéficiaire d'un billet à ordre a promis le renouvellement au sousrripteur, le paiement peut, néanmoins, être exigé par le tiers porteur; mais le souscripteur peut appeler le bénéficiaire en garantie, pour qu'il ait à le couvrir contre les effets des poursuites du tiers porteur.

Le fait par le preneur de mettre simultanément en circulation le billet qui a été renouvelé et celui donné en renouvellement, constitue un abus de confiance.

Lorsque le tiers-porteur ne s'est pas présenté pour le paiement, dans les trois jours de l'échéance, le souscripteur peut se libérer valablement en versant les fonds à la Caisse des dépôts et consignations

Toute action relative au billet à ordre se prescrit par cinq ans, comme pour la lettre de change (V. ce mot.) La prescription court du jour du protêt ou de la dernière poursuite juridique, s'il n'y a eu condamnation ou si la dette n'a été reconnue par acte séparé. Néanmoins les prétendus débiteurs sont tenus, s'ils en sont requis, d'affirmer sous serment, qu'ils ne sont plus redevables, et leurs veuves, héritiers ou ayants cause, qu'ils estiment, de bonne foi, qu'il n'est plus r en dû (art. 189 du Code de comm.).

Cependant, si le billet à ordre est payable à vue ou à un certain délai de vue, la fixation du point de départ de la prescription présente quelques difficultés; car le paiement n'est dû qu'au moment de la présentation, et le défaut de présentation empêche le délai de la prescription de courir. La Cour de cassation a admis, dans ce cas, que la prescription commence à courir à l'expiration des trois mois de la date du billet, conformément à l'art. 160 du Code de commerce, sous peine, pour le porteur, de perdre son recours contre les endosseurs (arrêt du 1er juill. 1845). La prescription cesse d'être opposable par le souscripteur, si le billet a été souscrit en règlement d'un compte-courant (V. ce mot). En effet, c'est le compte-courant seul, et non le billet,qui fait

l'objet de la prescription. Cependant la prescription courrait valablement au profit des endosseurs et donneurs d'aval.

La déclaration de faillite de l'un des signataires obligés au paiement d'un billet à ordre est, à son égard, une cause d'interruption de la prescription, qu'il faut ajouter aux autres causes énumérées dans l'art. 189 précité. La fin de la faillite par l'homologation du concordat ou la clôture de l'union (V. Faillites), marque le nouveau point de départ de la prescription quinquennale. Il est bien entendu que cette interruption de la prescription n'a lieu que vis-à-vis du signataire en état de faillite, et que la prescription n'est pas interrompue à l'égard des autres obligés.

Une demande de délai par l'un des signataires interrompt la prescription vis-à-vis de lui; il a été jugé qu'il n'en est pas de mème du paiement d'un à-compte.

Si le billet à ordre a une cause civile, la prescription n'est encourue que par un délai de trente ans, suivant le droit commun. Cependant, s'il y a à la fois des endosseurs commerçants et non commerçants, c'est la prescription quinquennale qui s'applique aux endosseurs commerçants, même lorsque l'effet a une cause civile; et, dans ce cas, le bénéfice de la prescription quinquennale est accordé à tous les endosseurs postérieurs à celui qui invoque cette prescription; et cela, sans aucune distinction.

Le billet à ordre, souscrit et payable en pays étranger, se prescrit conformément à la loi du lieu de la souscription.

Les intérêts courent du jour du protêt, s'il a été fait en temps utile et dans les délais de la loi; sinon,ils courent seulement du jour de la demande en justice.

La compétence se détermine d'après les règles suivantes :

Si le billet a une cause commerciale, c'est le tribunal de commerce qui est compétent pour connaître de toutes les actions qui y sont relatives. S'il a une cause purement civile, la compétence est attribuée à la juridiction civile. Mais, si le billet a une cause commerciale vis-à-vis de quelques-uns des signataires obbligés solidairement au paiement, et une cause civile vis-à-vis des autres, c'est le tribunal de commerce qui est compétent entre toutes les parties. La signature d'un seul commerçant suffit pour cela. Nous avons indiqué, au mot Acte de commerce, les circonstances servant à déterminer le caractère commercial d'une obligation.

Cependant la loi a introduit une exception remarquable en

faveur des femmes et des filles non marchandes publiques: elles peuvent invoquer la juridiction civile, même lorsqu'elles ont souscrit le billet à ordre pour une opération qui constitue un acte de commerce. Mais elles ne sont admises à exercer ce droit qu'autant que l'effet qu'elles ont souscrit ne porte pas à la fois des signatures de commerçants et de non-commerçants; car, dans ce cas, le tribunal de commerce reste compétent.

L'exception d'incompétence ne pourrait être opposé en appel, si elle ne l'avait déjà été devant le tribunal de première instance.

Les règles que nous venons de poser ne s'appliquent qu'au billet à ordre régulier. Quant à celui qui est irrégulier et qui ne vaut que comme simple promesse (V. plus haut), les règles de compétence sont différentes. Ainsi la signature de commerçants et de non commerçants n'entraînant pas entre eux des recours solidaires, mais seulement des recours successifs, on décide que le tribunal de commerce est compétent vis-à-vis des signataires commerçants, et le tribunal civil, vis-à-vis des autres.

Le billet qui indique, pour le lieu du paiement, un domicile autre que celui du souscripteur, est un billet à domicile (V. ce mot.) Modèle de billet à ordre :

Paris, le 1er juin 1883.

Bon pour fr. 1000.

Au 1er juillet prochain, je paierai à M. B... ou à son ordre, la somme de mille francs, valeur reçue en marchandises.

A...

A Paris, rue Saint-Denis 80.

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BILLET AU PORTEUR. Le billet au porteur est celui qui ne porte pas de nom de créancier, et qui doit être payé à la personne qui le représentera. Le titre se transmet sans endossement ni aucune formalité; la livraison suffit. Par suite, le protêt faute de paiement n'est plus nécessaire; mais le porteur ne peut exercer de recours que contre le souscripteur ; il a reçu le billet a ses risques et périls, et n'a aucune action en garantie contre son cédant.

Le billet au porteur a, comme on le voit, certains rapports avec le billet de la Banque de France, également payable au porteur; mais il en diffère en ce que la loi exige, pour la validité du billet au porteur, certaines conditions essentielles, qui

marquent des différences: ainsi il doit mentionner, outre la somme à payer, l'époque d'échéance, le lieu de paiement, et in. diquer la cause de l'obligation par la déclaration de la valeur fournie ; il faut, de plus, distinguer si cette cause est commerciale ou non (V. Billet à ordre.)

On a longtemps contesté la légalité des billets au porteur; mais la jurisprudence est aujourd'hui constante pour l'admettre. Les maisons de banque en délivrent habituellement comme représentation des sommes qui leur sont données en dépôt; du reste, les chèques (V. ce mot) ne sont pas autre chose que de véritables billets au porteur.

En ce qui concerne l'indication de l'échéance, du lieu de paiement, de la valeur fournie et de la somme à payer, on observe les mêmes dispositions que pour le billet à ordre, et la lettre de change (V. ces mots).

Il n'est pas indispensable que l'expression payable au porteur se trouve dans le corps du billet; il suffit qu'il n'y ait, à cet égard, aucun doute sur l'intention du souscripteur. Ainsi on peut voir un billet au porteur dans un simple bon pour la somme de..., suivi de la signature du souscripteur. Une simple acceptation ne donnerait pas à l'effet le caractère d'un billet au porteur.

Le porteur du billet à ordre peut toujours, s'il est débiteur du souscripteur, lui opposer la compensation; mais le souscripteur, créancier du premier cédant, ne pourrait compenser avec sa créanee et oppo:er cette compensation au porteur.

La signature apposée sur un billet au porteur est considérée comme un aval (V. ce mot).

En cas de perte ou de vol, le propriétaire qui revendique l'effet, doit faire la preuve de sa propriété; cette preuve ne peut incomber à celui qui en est en possession.

Si la souscription du billet au porteur a une cause commerciale, le tribunal de commerce est compétent pour connaître des actions qui y sont relatives; si la cause est purement civile, c'est la juridiction civile qui est compétente. On observe ici les mêmes distinctions que pour le billet à ordre (V. ce mot).

Les actions relalives aux billets au porteur se prescrivent par trente ans, et non par cinq ans, comme la lettre de change, le billet à ordre et le billet à domicile.

Modèle d'un billet au porteur :

Paris, le 1er juin 1883.

Bon pour fr. 1000.

Bon pour

mille francs, valeur reçue en marchandises, paya

ble au porteur le 1er juillet prochain.

A...

rue Saint-Denis, 80.

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BILLET DE CHANGE. C'est le billet qui constate le contrat de change par lequel les parties conviennent d'une remise d'argent de place en place (V. Change (Contrat de), Lettre de change.)

Il y a deux sortes de billets de change: celui par lequel une personne, qui reconnaît avoir reçu des lettres de change,s'oblige à payer une somme équivalente au montant de ces lettres de change. Ce billet est à ordre ou au porteur, et ordinairement payable au lieu où il a été souscrit. Aussi est-il assimilé, quant à ses effets, soit au billet à ordre, soit au billet au porteur (V. ces mols).

Le billet de change peut aussi avoir pour objet la reconnaissance d'une somme reçue, pour laquelle le débiteur promet de fournir une lettre de change payable à son ordre comme tireur, par une personne dénommée comme tiré, en telle ville.

Les billets de change sont devenus d'un usage fort rare.

On nomme ainsi le

BILLET DE COMPLAISANCE. billet souscrit sans cause ou énonçant une fausse cause. Ces billets sont nuls, comme nous l'avons vu au mot Billet à ordre.

Le souscripteur d'un tel billet, à l'égard de qui la complicité de la fraude est établie, n'a pas d'action contre le preneur ou bénéficiaire, quelque préjudice qu'il éprouve de la déclaration de nullité. Quant au preneur qui s'est engagé à faire les fonds au souscripteur, à l'échéance, il doit la restitution des billets au souscripteur.

La nullité d'un billet de complaisance n'est pas opposable au tiers porteur de bonne foi.

BILLET EN MARCHANDISES. C'est un billet par lequel le souscripteur s'oblige à livrer, dans un certain lieu et à une certaine échéance, des marchandises déterminées quant à leurs nature, quantité et qualité. Ces billets sont ou non à ordre. A moins qu'il ne s'agisse d'une livraison de récoltes par un fermier ou un propriétaire, ce qui ne constitue jamais un acte de commerce (V. ce mot), la souscription d'un billet en marchandises a nécessairement pour objet une opération commerciale; par suite, le tribunal de commerce est compétent pour connaître des actions qui y sont relatives.

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