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produits inconnus jusqu'alors, ou même de l'application d'uné loi naturelle, d'une force physique ou d'un agent chimique, alors que cette application n'avait pas encore été faite à une certaine industrie; tel est l'emploi du sel de soude à la fabrication du

sucre.

Il importe peu que des produits de même espèce aient été obtenus par les anciens moyens; il suffit que le procédé de fabri cation soit nouveau.

La combinaison de deux procédés connus pour obtenir un produit nouveau, peut être l'objet d'un brevet. Mais le seul emploi d'une matière connue au lieu d'une autre matière également connue, ne suffit pas pour que le produit soit chose brevetable.

Le changement de forme, lorsqu'il sert à produire des effets nouveaux, déterminés par les lois de l'optique ou de l'acoustique, devient valablement l'objet d'un brevet; cette règle s'applique notamment aux instruments de musique. Le changement de forme de la culasse d'un fusil est également brevetable, lorsqu'il a pour objet de rectifier ou de prolonger le tir.

Dans le même ordre d'idées, une simple application nouvelle est brevetable. Il s'agit ici de l'application de procédés connus à un nouvel usage: telle est, par exemple, l'application de la vapeur au blanchiment des toiles. Il est vrai que l'application de la vapeur est dans le domaine public; mais cette application à la fabrication de certains produits peut apporter des améliorations qui constituent la nouveauté.

Un simple changement de forme peut donner lieu à un droit exclusif d'exploitation; mais alors c'est le dessin lui-même qui fait l'objet de la propriéte, et non le droit de fabriquer des produits similaires de dessins différents (V. Dessins de fabrique et propriété littéraire ou artistique).

La simple indication de l'application d'une force physique ou d'un agent chimique à un emploi industriel, n'est pas brevetable, si l'on n'y joint la description d'un mécanisme servant à régler cet emploi. Comme conséquence de ce ce principe, il est admis que l'indication, dans des ouvrages scientifiques, de l'emploi à l'industrie n'enlève pas à un industriel le droit de faire breveter cette application, comme il vient d'être dit.

L'emploi d'un agent chimique ne constitue une application nouvelle qu'autant que la nouveauté consiste dans le mode de préparation de cet agent ou dans la répartition des dosages; le simple emploi serait insuffisant.

La combinaison d'éléments connus pour créer des produits nouveaux, de qualité supérieure, ou en faciliter la fabrication, fait valablement l'objet d'un brevet.

Nous avons dit plus haut que le brevet devait avoir pour objet la fabrication d'un produit industriel; une simple invention théorique ou scientifique ne peut donc être brevétée, s'il n'y est joint la description d'un mécanisme, suivant lequel l'emploi peut en être fait à l'industrie.

L'imperfection du mécanisme ne fait pas obstacle à la délivrance du brevet; il suffit, en effet, que le mécanisme soit nouveau, indépendamment du profit que peut donner l'exploitation; d'ailleurs toute invention est perfectible.

Une machine peut être brevetée, sans que le résultat obtenu, lequel pourrait l'être par l'emploi de machines différentes, soit lui-même brevetable. Cette distinction est fort importante. Cependant le résultat lui-même peut être brevetable, comme nous en avons déjà donné plusieurs exemples, notamment lorsque c'est à un procédé nouveau que le résultat est dû, et qu'il ne s'agit pas seulement d'un résultat connu obtenu à l'aide d'une machine nouvelle.

Les œuvres purement littéraires, les méthodes d'enseignement ne sont pas brevetables; car elles ne s'appliquent pas à la fabrication d'un objet industriel. Du reste, la propriété littéraire est réglée par des lois particulières (V. Propriété littéraire et artistique).

Le caractère licite de l'objet du brevet ne doit pas pouvoir être contesté. Ainsi le brevet ne doit pas avoir un objet contraire à l'ordre ou à la sûreté publique, aux bonnes mœurs ou aux lois d'intérêt général et d'ordre supérieur, sous les peines portées par la loi.

Quelquefois l'objet du brevet est licite, sans que son exploitation soit permise: tel est celui qui se rapporte à la fabrication du tabac, laquelle, on le sait, est un monopole de l'Etat.

Les compositions pharmaceutiques ne peuvent être l'objet d'un brevet.

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3. Effets du brevet et droits qu'il confère. Le breveté a le droit exclusif d'exploiter par lui-même et à son profit l'objet de son invention ou de sa découverte; il peut transmettre ce droit à ses héritiers ou ayants cause, ou même à des tiers, en totalité ou en partie ou à certaines conditions; mais il ne jouit de ce droit que pendant un temps déterminé et sous certaines conditions prescrites par la loi.

Il faut distinguer tout d'abord le droit de l'inventeur et celui

du titulaire du brevet. En effet, l'inventeur peut valablement céder à un tiers, qui devient titulaire du brevet, les droits que lui confère son invention ou sa découverte.

Un patron peut même valablement stipuler avec un de ses employés, que les découvertes faites par celui ci ne lui profiteront pas personnellement et seront exploitées par celui qui l'emploie. A défaut de convention, l'ouvrier profite de sa découverte, à moins que le patron ne l'ait employé spécialement aux recherches qui ont pu aboutir par l'intelligence de l'ouvrier. Mais si, d'un commun accord, le patron et l'ouvrier s'associaient pour les recherches, la propriété de l'invention serait commune.

Le brevet est un objet mobilier, qui tombe dans la communauté entre époux ; il peut être donné en nantissement; il est susceptible d'être saisi-arrêté. Toutefois, dans ces deux derniers cas, l'exploitation personnelle est réservée à l'inventeur, comme nous le verrons ci-après.

L'inventeur peut se trouver dépouillé de son droit par un tiers plus diligent, qui a pris le brevet en son nom. Si le tiers est de bonne foi, et qu'il ait fait lui-même la découverte, le premier inventeur qui s'est laissé devancé ne peut invoquer la priorité. On déciderait autrement si le titulaire du brevet était de mauvaise foi et qu'il eût surpris frauduleusement le secret de l'inventeur. Dans ce dernier cas, la propriété de l'invention pourrait être revendiquée, et le brevet ainsi obtenu annulé.

La propriété du brevet conférant à l'inventeur le droit exclusif de l'exploiter, la mise en gage du brevet ne conférerait pas le droit d'exploitation au créancier gagiste. En cas de saisie, le matériel d'exploitation peut seul être mis en vente.

La disposition qui précède ne s'applique qu'au cas où l'inventeur et le breveté ne sont qu'une seule et même personne.

La question n'offre pas plus de difficulté, lorsqu'une société a été formée pour l'exploitation d'un brevet: après la dissolution de la société, la propriété du brevet retourne à celui qui l'a apportée. Cependant, quelques arrêts ont décidé que le droit d'exploitation devait, en cas de liquidation, être compris dans l'actif social.

Le breveté peut transmettre ou céder son droit avec ou sans réserve d'une partie des bénéfices. L'art. 20 de la loi de 1844 dispose: La cession totale ou partielle d'un brevet, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, ne peut être faite que par acte notarié, et après paiement de la totalité des annuités à courir. Aucune cession n'est valable, à l'égard des tiers, qu'après avoir

été enregistrée au secrétariat de la préfecture du département, dans lequel l'acte a été passé. L'enregistrement des cessions et de tous autres actes emportant mutation doit être fait sur la production et le dépôt d'un extrait authentique de l'acte de cession ou de mutation. Cet enregistrement a lieu sans frais. Une expédition de chaque procès-verbal d'enregistrement, accompagnée de l'extrait de l'acte ci-dessus mentionné, est transmise par les préfets au ministre de l'agriculture et du commerce, dans les cinq jours de la date du procès-verbal.

Le brevet ainsi cédé passe en toute propriété à l'acquéreur, mais sans que celui-ci puisse s'attribuer faussement la qualité d'inventeur.

La cession serait annulable si le cédant ne livrait au cessionnaire les moyens de mettre l'exploitation en activité.

Le cédant reste en droit de prendre un brevet de perfectionnement; un simple certificat d'addition profiterait seulement au cessionnaire.

Ce dernier est recevable à poursuivre les contrefacteurs. Quelquefois, le breveté concède à un tiers une simple licence d'exploitation, sans renoncer pour cela à la propriété du brevet. Telle est la concession du droit d'exploiter le brevet dans une localité et pour un temps déterminés. La licence d'exploiter est un contrat qui n'est pas soumis aux formes particulières de l'art. 20 précité de la loi de 1844.

La durée du brevet est de cinq, dix ou quinze ans, au choix du demandeur; elle court du jour du dépôt de la demande au secrétariat de la préfecture ou an ministère de l'agriculture et du commerce.

Le breveté perdrait ses droits par le défaut de paiement des annuités. Le brevet prend également fin, en cas de nullité ou de déchéance prononcée par sentence judiciaire.

Le brevet pris en France, après avoir été délivré à l'étranger, ne peut durer plus de quinze années, même quand la loi étrangère permet une durée plus longue; mais si le brevet pris d'abord à l'étranger vient à prendre fin avant l'expiration des quinze années, suivant la loi étrangère, le brevet pris en France est également éteint.

4.- Qui peut prendre un brevet ? Le brevet est délivré à toute personne qui en fait la demande, sans que l'administration ait à rechercher si le demandeur est ou non le véritable inventeur. L'administration ne s'enquiert même pas de la capacité civile du demandeur. Le brevet peut être obtenu par

une seule personne ou par plusieurs agissant collectivement; il peut même l'être par les héritiers de l'inventeur.

Enfin l'étranger jouit, pour l'obtention du brevet, des mêmes droits que tout Français.

5. Formes de demande et délivrance de brevet. Quiconque veut prendre un brevet d'invention doit déposer, sous cachet, au secrétariat de la préfecture, dans le département où il est domicilié ou dans tout autre département en y élisant domicile: 1° Sa demande au ministre de l'agriculture et du commerce; 2° Une description de la découverte, invention ou application faisant l'objet du brevet demandé ; 3° Les dessins on échantillons nécessaires à l'intelligence de la description; 4o Un bordereau des pièces déposées (art. 5 de la loi de 1844).

La demande ne doit se rapporter qu'à une seule invention ou découverte ; elle mentionne si l'inventeur assigne à son brevet une durée de cinq, dix ou quinze années.

La demande ne doit contenir ni restrictions, ni conditions, ni réserves. Elle indique un titre renfermant la désignation sommaire et précise de l'invention. Toutes les pièces sont signées par le demandeur ou par un mandataire dont le pouvoir reste annexé à la demande (art. 6).

Aucun dépôt de demande n'est reçu que sur la production d'un récépissé constatant le versement d'une somme de 100 fr., à valoir sur le montant de la taxe du brevet. Un procès-verbal dressé sans frais par le secrétaire-général de la préfecture, sur un registre à ce destiné et signé par le demandeur ou son mandataire, constate chaque dépôt, en énonçant le jour et l'heure de la remise des piéces. Une expédition du procès-verbal est remise au déposant, moyennant le remboursement des frais de timbre (art. 7).

La taxe est de 500 fr., lorsque le brevet est pris pour une durée de cinq ans ; 1000 fr., pour dix ans ; 1500 fr., pour quinze ans. Ces sommes sont payables par annuités de 100 fr. Les 100 fr. dont le versement doit être constaté par la production d'un récépissé, lors du dépôt de la demande, forment la première annuité (art. 7).

La déchéance a lieu de droit contre le breveté qui laisse écouler un terme sans payer son annuité (art. 4 et 32).

Aussitôt après l'enregistrement des demandes et dans les cinq jours de la date du dépôt, les préfets transmettent les pièces sous le cachet de l'inventeur, au ministère de l'agriculture, en y joignant une copie certifiée du procès-verbal de dépôt, le ré

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