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Le tribunal de commerce est également compétent pour connaître des délits d'audience.

Une autre conséquence de la plénitude de juridiction attribuée aux tribunaux civils, c'est que le tribunal de commerce est absolument incompétent pour statuer en matière civile, et que cette incompétence d'ordre public est une cause de nullité du jugement, tandis que le tribunal civil peut valablement statuer, dans une affaire purement commerciale, toutes les fois que la partie qui peut opposer l'incompétence n'a pas fait valoir cette exception avant de déposer des conclusions sur le fond du droit. Il y a, dans ce cas, prorogation de compétence du consentement des parties.

Il n'y a d'exception à la règle précédente qu'en matière de faillites il est d'ordre public que les affaires de cette nature appartiennent exclusivement au tribunal de commerce.

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2. Des diverses sortes de tribunaux qui peuvent juger en matière commerciale. - A côté des tribunaux de commerce dont nous examinerons ci-après la compétence à raison de la matière, et dont nous étudierons l'organisation au mot Tribunaux de commerce, nous trouvons d'autres tribunaux compétents pour connaitre spécialement de certaines affaires commerciales; ce sont: 1o Le tribunal arbitral (V. Arbitrage); 2o Le Conseil des Prud'hommes (V. Prud'hommes (Conseils des); 3o Les consuls (V. Consulat, Consuls); 4° Les tribunaux de paix, dans un certain nombre de cas que nous indiquons en traitant de chacune des matières dans lesquelles cette compétence est admise.

Dans les arrondissements où il n'y a pas de tribunaux de commerce, les tribunaux civils jugent commercialement, dans les mêmes formes et suivant la même procédure que les tribunaux de commerce.

3.- Compétence des tribunaux de commerce à raison de la matière. Les tribunaux connaissent de toutes les contestations relatives aux actes de commerce (V. ce mot). Il suffit donc de se reporter soigneusement à ce mot, pour avoir la nomenclature exacte et complète des affaires dont peuvent connaître les tribunaux de commerce. Toutes les autres affaires sont, comme nous venons de le voir, de la compétence des tribunaux civils, à raison de la plénitude de leur juridiction.

Les tribunaux de commerce connaissent, en conséquence, des actions dirigées contre les veuves ou les héritiers de ceux qui, ayant fait des actes de commerce, se sont rendus justiciables de

ces tribunaux ; de toutes les contestations relatives aux faillites; ils connaissent encore, aux termes de l'art. 634 du Code de commerce, des demandes en paiement de billets souscrits par les receveurs, payeurs ou autres comptables de deniers publics; de toutes contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers, lorsque ces engagements et transactions sont relatifs au commerce (art. 638 du Code de comm.). — (V. Actes de commerce, Commerçant); des actions contre les commis, gérants ou facteurs des marchands ou leurs serviteurs, pour le fait du trafic du marchand auquel ils sont attachés (art. 634 du Code de comm.) - (V. Acte de commerce, Commis, Facteur ou gérant); enfin ils connaissent, comme juges du second degré, des appels des jugements rendus par les Conseils des Prud'hommes (V. Prud'hommes (Conseils des).

Nous devons mentionner encore la juridiction extrajudiciaire ou gracieuse des tribunaux de commerce, dont nous traiterons ci-après.

L'incompétence des tribunaux de commerce en toute autre matière étant d'ordre public, il en résulte qu'elle peut être opposée devant le tribunal de commerce en tout état de la cause, et qu'elle peut l'être, pour la première fois, devant le tribunal d'appel. Le consentement réciproque des parties ne pourrait couvrir une telle nullité, et elle devrait être prononcée d'office par le juge.

L'incompétence du tribunal de commerce est de telle nature que ce tribunal ne pourrait statuer, par exemple, sur une question intéressant l'état civil d'une personne ni sur une question de propriété immobilière, ni sur la validité d'un acte notarié ou sur celle d'un acte quelconque qui n'aurait pas un caractère commercial, ni sur des questions de dommages-intérêts ne se rapportant pas à des faits de commerce, alors même que ces questions seraient soulevées incidemment à une action commerciale.

En matière de dommages-intérêts, à raison d'un délit ou d'un quasi-délit, le tribunal de commerce est compétent, toutes les fois que l'obligation dérive d'un fait commercial. Ainsi il connait valablement des questions de concurrence déloyale ; d'usurpation de nom ou d'enseigne; d'accidents de voitures, lorsque les voitures servent à des commerçants pour le transport de leurs marchandises; de fraudes commerciales portant préjudice à un commerçant, etc.

Bien que le tribunal ne puisse connaître des questions intéres sant l'état des personnes ou de toutes autres questions de la compétence exclusive des tribunaux civils, il ne suffit pas, pour que le tribunal de commerce se trouve, de plano, incompétent, que l'une des parties allègue une qualité ou un état dont la connaissance échappe à ce tribunal; il faut, de plus, qu'il y ait une contestation sérieuse sur cet objet.

Le tribunal de commerce ne pourrait connaître d'une demande en inscription de faux ou en vérification d'écriture, même entre commerçants; il devrait surseoir jusqu'à ce que le juge civil eût prononcé. Cependant, si le tribunal de commerce avait ordonné la comparution de la partie qui déniait sa signature, et que celle-ci n'eût pas comparu, le défaut de comparution pourrait être considéré comme une reconnaissance de la signature.

La détermination de la compétence peut présenter quelques difficultés, lorsque, sur une même demande, des défendeurs, les uns commerçants, les autres non-commerçants, sont mis en cause. S'il s'agit d'un non-commerçant appelé en garantie, il ne peut être distrait de la juridiction civile qu'autant que l'engagement qui justifie sa mise en cause, est de la même nature commerciale que l'engagement qui fait l'objet de l'action principale. Ainsi un huissier ne peut être cité en garantie devant le tribunal de commerce, à raison de la garantie due au porteur qui, par suite de la nullité du protêt, a perdu son recours contre les endosseurs. De même, un non-commerçant qui a vendu un cheval à un marchand, lequel l'a revendu à un tiers, ne peut être cité en garantie devant le tribunal de commerce, à raison d'un vice rédhibitoire.

Si la citation devant la juridiction commerciale a pour objet la garantie due par une caution ou un débiteur solidaire noncommerçant, on admet la compétence du tribunal de commerce, lorsque la caution ou le débiteur solidaire est cité en même temps que l'obligé principal; mais l'incompétence est prononcée si le débiteur non-commerçant est seul assigné.

Lorsqu'un acte n'est commercial qu'à l'égard de l'une des parties, le non-commerçant peut, à son choix, citer le défendeur commerçant soit devant le tribunal de commerce, soit devant le tribunal civil.

Il résulte de là que le tribunal de commerce peut être compétent pour statuer sur une demande principale, sans l'ètre sur

une demande reconventionnelle. Tel est le cas où un marchand de chevaux est assigné devant le tribunal de commerce par un acheteur non-commerçant, qui invoque un cas rédhibitoire. Le tribunal de commerce est valablement saisi; mais, il ne pourrait connaître de la demande en paiement du prix qui serait formé ultérieurement par le marchand contre l'acheteur.

Un hôtelier ou aubergiste peut être cité devant la juridiction commerciale à raison de la perte des effets d'un voyageur. Mais ici il faut faire une distinction: la loi de 1838 attribue compétence au juge de paix,quand la demande n'excède pas 1,500 fr. ; c'est seulement pour une demande supérieure que le tribunal de commerce pourrait être saisi; ajoutons que le voyageur aurait la faculté d'assigner l'aubergiste, aux mêmes fins, devant le tribunal civil.

On trouvera aux mots Billet à domicile, Billet à ordre et Lettre de change, les règles de compétence qui doivent être observées, lorsqu'un effet de commerce porte à la fois des signatures de commerçants et de non-commerçants.

Bien que le tribunal de commerce soit compétent pour connaître des demandes en dommages-intérêts dérivant d'un fait commercial,si une demande de cette nature était portée à la fois contre un commerçant et un non-commerçant, la condamnation solidaire ne pourrait être prononcée que par le tribunal civil.

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4. Compétence des tribunaux de commerce au point de vue territorial, et à raison du domicile du défendeur ou des conditions du marché. En matière civile, c'est le tribunal du domicile du défendeur qui est compétent, lorsqu'il s'agit d'une action personnelle, et non d'une action réelle ou immobilière (V. Action).

En matière commerciale, le tribunal du domicile du défendeur est également compétent; mais le demandeur a le choix, comme nous le verrons ci-après, de citer le défendeur devant le tribunal de commerce dans l'arrondissement duquel le marché a été conclu, la marchandise livrée ou stipulée livrable, ou devant le tribunal du lieu du paiement, aussi bien que devant le tribunal du domicile du défendeur.

L'incompétence territoriale dont nous parlons ici n'a pas les mêmes caractères que l'incompétence d'attribution dont nous avons parlé dans les paragraphes précédents. Ainsi l'incompétence d'attribution est d'ordre public et devient une cause de nullité du jugement; la simple incompétence territoriale, à

raison de la situation du tribunal, peut, au contraire, être couverte par le consentement des deux parties; et si les parties ont conclu au fond, aucune d'elles ne peut plus exciper de l'incompétence.

Le demandeur qui a opté pour l'un ou l'autre des tribunaux de commerce également compétent, ne peut plus dessaisir le tribunal qu'il a choisi et porter le litige devant d'autres juges de commerce.

L'art. 420 du Code de procédure civile dispose: - Le demandeur pourra assigner, à son choix devant le tribunal du domicile du défendeur; devant celui dans l'arrondissement duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée; devant celui dans l'arrondissement duquel le paiement devait être effectué.

La disposition qui précède ne s'applique pas seulement aux ventes ou aux achats de marchandises; elle s'applique également à toute opération ou négociation commerciale dans laquelle il y a une livraison à effectuer ou un paiement à faire. Ainsi le commis qui réclame des dommages-intérêts pour congé non motivé, peut citer son patron devant le tribunal du domicile de ce dernier ou devant le tribunal du lieu où il remplissait ses fonctions et touchait ses appointements.

Nous avons vu, dans le même sens, qu'une Compagnie de chemins de fer pouvait être actionnée soit au siége social, soit à la gare principale où les effets à transporter étaient livrables (V. Chemins de fer).

Pour que l'art. 420 reçoive son application, il importe qu'il ne soit pas contesté qu'il y ait une livraison à effectuer ou un paiement à faire; car, si le marché lui-même était contesté, la demande ne pourrait être arbitrairement portée par le demandeur devant le tribunal du lieu qu'il désignerait comme étant celui de la livraison ou du paiement.

S'il s'agit d'un marché conclu par un commis-voyageur, la question de compétence se résout suivant certaines distinctions. Si le marché a été seulement proposé par le commis-voyageur, sauf ratification par le patron, le marché est réputé conclu au domicile de ce négociant.

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Mais, s'il s'agit d'une vente sur échantillon, la citation peut être faite devant le tribunal du lieu où l'échantillon a été livré. S'il est vrai que la contestation du marché ne permette pas citation devant le tribunal du lieu de la livraison ou du paiement, il faut, du moins, que cette contestation soit sérieuse et ne constitue pas seulement un moyen dilatoire.

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