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chandises qui voyagent de cette manière soient assimilées à celles qui restent en dehors des frontières.

3. Qui peut poursuivre en contrefaçon. Si le brevet appartient à plusieurs propriétaires, chacun d'eux peut exercer des poursuites en contrefaçon. Le cessionnaire du brevet a le même droit, pourvu que l'acte de cession ait été enregistré au sécrétariat de la préfecture. Faute d'enregistrement, sa demande ne serait pas recevable. Le porteur d'une simple licence n'aurait pas qualité pour exercer les poursuites.

Au contraire, l'usufruitier d'un brevet, la société qui en fait l'objet de son exploitation ont ce droit.

L'étranger est-il recevable à poursuivre un contrefacteur devant les tribunaux français? Sans aucun doute, puisqu'il lui est permis d'obtenir un brevet en France. Mais il devrait fournir la caution judicatum-solvi, dans les cas où elle est exigée de l'étranger (V. ce mot).

L'étranger breveté dans son pays, sans l'être en France,ne serait pas fondé à agir devant les tribunaux français, en vertu de son brevet.

Le failli n'est pas dépouillé du droit de poursuivre le contrefacteur de son brevet.

Le mineur, la femme mariée, l'interdit ne peuvent agir que par l'intermédiaire de leurs représentants.

On s'est demandé si le breveté qui, pendant plusieurs années, mais sans que la prescription fût encourue, tolérerait des faits de contrefaçon, n'encourrait pas la déchéance de son droit exclusif. La négative a été admise. Toutefois, il ne serait pas permis au breveté de laisser se prolonger ainsi une contrefaçon connue de tous, dans l'unique but d'obtenir des dommages-intérêts plus considérables.

4. Procédure en matière de contrefaçon, et prescription. Le droit d'exercer les poursuites commence du jour de la délivrance du brevet, et non du jour du dépôt des pièces pour son obtention.

Si les poursuites commencées pendant la durée du brevet n'ont pas encore abouti au jugement, avant son expiration, elles peuvent être valablement continuées. On a même décidé que les objets contrefaits pendant la durée du brevet, pouvaient être saisies après son expiration.

Le ministère public ne peut poursuivre les contrefacteurs à sa requête avant que le breveté n'ait porté plainte. La contrefaçon et les faits d'usage, de recette, de vente ou d'introduction

peuvent être établis par l'aveu, par la preuve testimoniale ou par la production d'une facture de vente des produits contrefaits.

:

L'art. 47 de la loi de 1844 fournit au breveté un autre moyen de preuve les propriétaires de brevet peuvent, en vertu d'une ordonnance du président du tribunal civil, faire procéder, par tous huissiers, à la désignation et description détaillées, avec ou sans saisie, des objets prétendus contrefaits. L'ordonnance est rendue sur simple requête, et sur la représentation du brevet ; elle contient, s'il y a lieu, la nomination d'un expert pour aider l'huissier, dans sa description. Lorsqu'il y a lieu à la saisie, l'ordonnance peut imposer au requérant un cautionnement qu'il est tenu de consigner avant de faire procéder. Le cautionnement est toujours imposé à l'étranger breveté qui requiert la saisie. Il est laissé copie au détenteur des objets décrits ou saisis, tant de l'ordonnance que de l'acte constatant le dépôt du cautionnement, le cas échéant; le tout à peine de nullité et de dommages-intérêts contre l'huissier.

La perquisition et la saisie peuvent être autorisées pour toute heure du jour ou de la nuit,et même pour un jour férié.

Si la saisie n'était pas suivie d'autres poursuites, et qu'elle ne fût qu'une manoeuvre destinée à produire une publicité favorable au saisissant, on pourrait voir là, de la part de celui-ci, un acte de concurrence déloyale, qui le rendrait passible de dommages-intérêts.

Le breveté peut toujours, sans requérir aux moyens indiqués par l'art. 47 précité, dénoncer le délit de contrefaçon au parquet, et provoquer ainsi une instruction.

Le breveté peut, à son choix, saisir soit le tribunal correctionnel, qui statue à la fois sur l'application de la peine et les dommages-intérêts, s'il y a lieu, soit le tribunal civil, qui ne peut statuer que sur les dommages-intérêts.

Le tribnnal de commerce n'est jamais compétent, même lorsque la contestation est engagée entre commerçants.

Le tribunal compétent est celui du défendeur, suivant les principes généraux.

Souvent, celui qui est l'objet des poursuites oppose une demande en nullité ou en déchéance du brevet. Les demandes de cette nature sont portées devant la juridiction civile. Mais le tribunal correctionnel, saisi de la plainte en contrefaçon, est-il tenu de surseoir à statuer, jusqu'à ce que le tribunal civil ait prononcé sur la demande en nullité ou en déchéance?On est d'ac

cord pour décider que le tribunal correctionnel est libre d'accorder ou de refuser le sursis.

L'action correctionnelle est portée devant le tribunal, soit du lieu où le délit de contrefaçon a été commis, soit du lieu de la résidence du prévenu, soit du lieu où il peut être trouvé.

L'art. 49 de la loi de 1844 indique les délais dans lesquels les poursuites doivent être exercées, lorsqu'il y a eu saisie préalable:— A défaut par le requérant de s'être pourvu, soit par la voie civile, soit par la voie correctionnelle, dans le délai de huitaine, outre un jour par trois myriamètres de distance entre le lieu où se trouvent les objets saisis ou détruits et le domicile du contrefacteur, recéleur, introducteur ou vendeur, la saisie ou description est nulle de plein droit, sans préjudice des dom.mages-intérêts qui peuvent être réclamés, s'il y a lieu.

Lorsque la juridiction civile est saisie, la demande en contrefaçon est dispensée du préliminaire de conciliation.

Le désistement donné devant le tribunal correctionnel ne fait pas obstacle à l'action publique et à l'application de la peine.

Si le prévenu est renvoyé de la plainte par le tribunal correctionnel, à raison de la nullité ou de la déchéance du brevet, ce tribunal se borne à prononcer l'acquittement; mais il ne peut valablement, comme le ferait le tribunal civil, prononcer la nullité ou la déchéance du brevet.Il résulte de là que la question de nullité ou de déchéance peut être portée ultérieurement devant le tribunal civil, lequel ne serait pas lié par la décision du tribunal correctionnel. Il en est autrement, lorsque c'est le tribunal civil qui a prononcé sur la question de nullité ou de déchéance : il y a alors chose irrévocablement jugée entre les parties.

En matière d'appel en garantie, on observe une règle différente, suivant que l'affaire est portée devant le tribunal correctionnel ou le tribunal civil.

Devant le tribunal correctionnel, l'appel en garantie n'est pas recevable en principe. Ainsi l'industriel qui a fait usage d'une machine contrefaite, n'est pas recevable à appeler son vendeur en garantie, pour se faire indemniser de condamnations qui peuvent être prononcées contre lui.

Devant le tribunal civil, au contraire, l'appel en garantie est toujours recevable de la part de celui qui n'est ni l'un des auteurs ni le complice de la contrefaçon.

On décide autrement en ce qui concerne l'intervention, c'està-dire le droit d'une partie de prendre le fait et cause du pré

venu, afin de repouser l'imputation dirigée contre celui ci; mais, pour que cette intervention soit recevable, il faut qu'une responsabilité civile pèse sur l'intervenant, à raison des faits imputés au prévenu.

Le droit d'intervention peut toujours être exercé devant le tribunal civil.

L'action publique et l'action civile, pour délit de contrefaçon, se prescrivent par trois ans, à compter du jour où le délit a été commis, ou à compter du jour du dernier acte d'instruction, s'il en a été fait.

Les condamnations civiles à des dommages-intérêts ne se prescrivent que par trente ans, quel que soit le tribunal qui ait pro

noncé.

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5. Pénalités et dommages-intérêts. La contrefaçon industrielle ou même artistique ou littéraire, est punie d'une amende de 100 à 2,000 fr. La même peine s'applique à l'usage, au recel, à la vente et à l'introduction. Si la contrefaçon a été commise par plusieurs associés, chacun d'eux est frappé de la peine.

La peine est portée d'un à six mois d'emprisonnement, dans le cas de récidive, c'est à dire lorsqu'il a été rendu contre le prévenu, dans les cinq années antérieures, une première condamnation pour un des délits ci-dessus mentionnés. Il n'y a pas à distinguer si la contrefaçon a été commise au préjudice de la même personne ou de toute autre. Mais il n'y a récidive que dans le cas où la première condamnation a été prononcée par un tribunal correctionnel.

La peine d'un à six mois d'emprisonnement est encore appliquée, même hors le cas de récidive, si le contrefacteur est un ouvrier ou un employé ayant travaillé dans les ateliers ou dans l'établissement du breveté; ou si le contrefacteur, s'étant associé avec un ouvrier ou un employé du breveté, a eu connaissance, par ce dernier, des procédés décrits au brevet ; et, dans ce cas, l'ouvrier ou l'employé peut être poursuivi comme complice.

Remarquons, toutefois, que la loi suppose ici qu'il s'agit d'une révélation faite par l'ouvrier ou l'employé avant la délivrance du brevet car la publicité donnée au brevet enlève à la révélation tout caractère délictueux. On sait, d'un autre côté, qu'un brevet ne tombe pas dans dans le domaine public par cela seul qu'il a été divulgué par un ouvrier ou un employé.

Malgré la sévérité de la loi dans les cas précédents, l'art. 463

du Code pénal permet d'atténuer considérablement la peine, et même de n'appliquer qu'une amende en cas de récidive. Ce tempérament était d'autant plus nécessaire que le fait de la contrefaçon est punissable, indépendamment de l'inten tion.

Les réparations civiles sont de trois sortes: les dommages+ intérêts, la confiscation et les affiches.

Les dommages-intérêts sont proportionnés à la perte éprouvée parle breveté et au gain dont il a été privé, mais non à l'importance des bénéfices réalisés par le contrefacteur. Il est tenu compte, dans l'appréciation des dommages, du trouble que la contrefaçon a pu apporter dans les affaires du breveté, par la concurrence qui lui a été faite. Les dommages-intérêts peuvent être accordés même en cas d'acquittement.

Le breveté qui échoue dans ses poursuites peut être condamné lui-même à des dommages-intérêts, à raison de sa plainte téméraire.

Aux termes de l'art. 49 de la loi de 1844, la confiscation des objets reconnus contrefaits, et, le cas échéant, celle des instruments ou ustensiles destinés spécialement à leur fabrication, sont, même en cas d'acquittement, prononcées contre le contrefacteur, le vendeur, le recéleur ou l'introducteur. Les objets confisqués sont remis au propriétaire du brevet.

La confiscation est de droit, par suite de la condamnation, lors même qu'elle n'a pas été demandée par le plaignant, et elle peut être prononcée par le tribunal civil comme par le tribunal correctionnel. Quelquefois même, la confiscation est ordonnée, bien qu'il y ait acquittement.

Il va sans dire que la confiscation s'applique seulement aux objets qui ont trait à l'invention, et non aux accessoires ajoutés, par exemple, pour l'ornementation, à moins que ces diverses parties ne forment un tout indivisible.

La confiscation ne peut être ainsi ordonnée qu'autant que les objets sont encore en la possession du contrefacteur; toutefois, le breveté peut poursuivre les tiers détenteurs.

Les frais de remise des objets confisqués sont à la charge da contrefacteur. Le tribunal peut aussi ordonner que le contrefacteur fera la remise, en fixant une indemnité par chaque jour de retard.

L'affiche du jugement est encore un mode de réparation;

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