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forme que le protêt faute d'acceptation (V. Lettre de change), donne au porteur le droit d'exercer son action en garantie contre les signataires de la lettre de change; et le défaut de protèt entraîne, pour lui, la déchéance de tous ses droits contre les endosseurs et le tireur qui justifie avoir fourni la provision au tiré. Cependant, le porteur peut toujours, malgré le défaut de protêt, et lors même qu'il serait déchu de ses droits contre les endosseurs et le tireur, agir contre le tiré qui a accepté la lettre.

Aux termes de l'art. 175 du Code de commerce, nul acte, de la part du porteur de la lettre de change, ne peut suppléer l'acte de protêt, hors le cas prévu par les art. 150 et suivants, touchant la perte de la lettre de change (V. Titres perdus ou volés).

Le notaire et les huissiers sont tenus, à peine de destitution, dépens, dommages-intérêts envers les parties, de laisser copie exacte des protêts, et de les inscrire en entier, jour par jour et par ordre de dates, dans un registre particulier, coté, paraphé, et tenu dans les formes prescrites pour les répertoires, par l'art. 49 de la loi du 22 frimaire au VII, sans être soumis, comme ces répertoires, au visa du receveur de l'enregistrement (art. 176).

Une question de droit international se présente ici: Lorsqu'une lettre de change souscrite en France est payable en pays étranger, le protêt doit-il être fait suivant les formes établies par la loi étrangère, conformément à la règle locus regit actum; et cela, quand même la lettre comprendrait des endosseurs français et étrangers, ou, au contraire, le protêt doit-il être fait suivant les règles du droit français, pour être valable vis-à-vis des signataires français ? L'affirmative ne nous semble pas douteuse. C'est ainsi qu'il a été jugé par la Cour de cassation (5 juill. 1843) qu'une lettre de change payable en Espagne et régulièrement protestée sur une simple copie certifiée par le porteur, était valable, sans qu'il fût nécessaire de représenter l'original, le protêt pouvant être fait dans cette forme, suivant la loi espagnole. Cependant, cette jurisprudence a été repoussée, à tort, selon nous, par le tribunal de commerce de la Seine (6 avril 1875). Ce jugement se fonde sur ce que le protêt et la dénonciation du protêt ayant pour objet de conserver le recours du porteur, doivent être faits dans la forme prescrite par la loi du pays où doit s'exercer le recours, c'est-à-dire dans la forme prescrite par la loi française, si le tireur et certains endosseurs sont domiciliés en France, et surtout si tous; les endosseurs y sont domiciliés. Il nous semble, tout au contraire, que le lieu où le contrat

de change s'est réalisé et où il a reçu sa perfection étant le lieu du domicile du tiré, et ce lieu étant, au surplus, celui où doit être dressé le protêt et enfin celui où le porteur doit introduire sa demande, si le tiré a reçu la provision, il y a là autant de motifs pour admettre que le protêt doive être toujours fait et valablement fait suivant la loi du lieu où réside le tiré.

PRUD'HOMMES ( Conseil des ). Les conseils des prud'hommes constituent une juridiction spéciale, destinée à concilier ou à juger les différents qui s'élèvent entre fabricants et ouvriers, ou qui divisent les ouvriers entre eux ; ils fonctionnent aussi comme tribunal de police, pour le jugement de certaines contraventions commises dans les manufactures (V. ce mot); enfin ils exercent certaines attributions administratives.

1. Organisation des conseils de prud'hommes. Les conseils de prud'hommes peuvent être institués par un simple décret du président de la République, rendu sur l'avis des chambres de commerce ou des chambres consultatives des arts et manufactures; c'est ainsi qu'ils ont été établis dans les grandes villes et les grands centres industriels.

Les membres des conseils de prud'hommes sont nommés, au scrutin secret, par les fabricants et ouvriers de chaque localité ; ils sont divisés, à Paris, en quatre classes: métaux, tissus, produits chimiques et industries diverses.

Les frais d'établissement des conseils sont supportés par la ville où ils sont institués ; il en est de même des frais d'entretien du local qui leur est destiné.

A Marseille, et dans quelques autres ports de la Méditerranée, il existe des prud'hommes pêcheurs ; ils fonctionnaient autrefois comme juges des contraventions en matière de pêche côtière ; mais un décret du 9 janvier 1852 ayant transporté aux tribunaux correctionnels la connaissance de ces contraventions, les prud'hommes pêcheurs n'ont plus que le droit de constater les contraventions et d'en dresser procès-verbal.

Le nombre des membres des conseils de prud'hommes est de six, au minimum, non compris le président et le vice-président (art. 1 de la loi du 1er juin 1853). Du reste, le nombre en est fixé par le décret qui les institue, suivant les besoins de la localité.

Dans tout conseil de prud'hommes le nombre des prud'hommes ouvriers est égal à celui des prud'hommes patrons (décret de

Les patrons contribuent à l'élection des prud'hommes qui les représentent, sous les conditions suivantes : Sont seuls électeurs les patrons âgés de 25 ans accomplis, patentés depuis cinq ans au moins, et établis, depuis trois ans, dans la circonscription du conseil.

Les conditions imposées aux chefs d'atelier, contre-maîtres et ouvriers, pour contribuer à l'élection des prud'hommes ouvriers sont les suivantes: 25 ans d'âge, exercice de leur industrie depuis cinq ans au moins, et établissement de domicile, depuis trois ans dans la circonscription du conseil.

Ne peuvent être électeurs les étrangers ni ceux qui ont encouru des condamnations pénales de nature à les priver de l'exercice du droit électoral.

L'ouvrier soumis à l'obligation du livret (V. Manufactures) doit en être pourvu pour obtenir son inscription sur la liste des électeurs qui concourent à l'élection des prud'hommes. Les inscriptions sont reçues par le maire assisté de deux assesseurs. Sont éligibles tous les électeurs âgés de trente ans accomplis et sachant lire et écrire. Les étrangers sont inéligibles.

La majorité absolue des suffrages est nécessaire au premier tour de scrutin; la majorité relative, au second.

Les conseils de prud'hommes sont renouvelés par moitié tous les trois ans. Le sort désigne ceux des prud'hommes qui sont remplacés la première fois (art. 10 de la loi de 1853).

Les prud'hommes sont rééligibles.

Les présidents et vice-présidents des conseils de prud'hommes sont nommés par les membres des conseils de prud'hommes, à la majorité absolue des membres présents. En cas de partage des voix et après deux tours de scrutin, le conseiller le plus ancien en fonction est élu. Si les deux candidats ont un temps de service égal, la préférence est accordée au plus âgé.

Lorsque le président est choisi parmi les prud'hommes patrons, le vice-président doit l'être parmi les prud'hommes ouvriers, et réciproquement.

La durée des fonctions du président et du vice-président est d'une année ; ils sont rééligibles.

Un secrétaire remplit, auprès du conseil, les fonctions de greffier; il est nommé à la majorité absolue des suffrages; il peut toujours être révoqué par une délibération signée des deux tiers des prud'hommes.

Un huissier est choisi par le conseil pour le service des audiences.

Une rétribution peut être allouée aux prud'hommes patrons comme aux prud'hommes ouvriers.

Les prud'hommes portent, comme insigne, une médaille d'argent suspendue à un ruban noir en sautoir.

Les prud'hommes sont susceptibles de récusation, de même que les autres juges, et pour les mêmes motifs (V. Procédure en matière commerciale).

Les conseils de prud'hommes peuvent être dissous par un simple décret du président de la République (art. 16 de la loi de 1853).

2.

Juridiction contentieuse des conseils de prud'hommes. Les conseils de prud'hommes sont divisés en deux bureaux: le bureau de conciliation, dit aussi bureau particulier, et le bureau de jugement, dit bureau général.

Le bureau de conciliation se compose de deux prud'hommes: un patron et un ouvrier; il est présidé,soit par le président, soit par le vice-président; il tient audience au moins une fois par semaine.

Le bureau de jugement est composé d'un nombre egal de prud'hommes patrons et de prud'hommes ouvriers, sous la présidence du président ou du vice-président; le nombre des membres qui le composent doit être de quatre au moins (art. 11 de la loi de 1853).

Le bureau de jugement se réunit au moins deux fois par semaine.

Aucune affaire ne peut être portée au bureau de jugement, si elle n'a été préalablement appelée au bureau de conciliation.

Les conseils de prud'hommes connaissent des contestations entre patrons et ouvriers, ou entre ouvriers, relatives à leur industrie ou aux conventions passées entre eux et ayant leur industrie pour objet ; ils connaissent aussi des difficultés auxquelles peut donner lieu le contrat d'apprentissage (V. Apprentissage (Contrat d'). Leur compétence est rigoureusement limitée à ces matières, et elle ne peut être étendue à d'autres personnes. Ainsi le conseil des prud'hommes ne peut connaître d'une contestation pendante entre un patron et le père de son apprenti, alors que l'apprenti est étranger à cette contestation.

Il a été jugé que le conseil des prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur les différends entre patrons, relativement à des demandes en paiement, à la propriété de marques ou de dessins de fabrique, toutes affaires qui sont exclusivement de la compétence des tribunaux civils ou de commerce.

Il est également incompétent pour juger les contestations entre les commis (V. ce mot) et leurs patrons; entre les maîtres de café et leurs garçons; entre les conducteurs-mécaniciens de chemins de fer, qui sont considérés comme les aides des ingénieurs et non comme ouvriers, ou des aiguilleurs, et les administrations de chemins de fer; entre capitaines de navire et gens de mer ou ouvriers employés à bord; entre propriétaires de maisons meublées et leurs concierges; entre un artiste dessinateur ou sculpteur et le patron qui l'emploie dans son industrie, à moins que le peintre ou le sculpteur ne soit salarié au mois ou au jour; entre un artisan qui exécute un travail à forfait et le patron qui l'emploie (V. Louage de services et d'industrie).

En règle générale, le conseil des prud'hommes est incompétent pour statuer sur un différend qui s'est élevé entre un patron et son ouvrier, mais qui est relatif à une industrie autre que celles pour lesquelles le conseil est institué.

Si le patron exploite à la fois une usine et une maison de commerce, il n'est justiciable du conseil que pour les contestations relatives à la fabrication. S'il exploite deux industries classées différemment, l'une comme se rattachant, par exemple, aux tissus, et l'autre aux produits chimiques, et qu'il ait été institué, dans la localité, des conseils différents pour chacune de ces spécialités, il relève de chacun de ces conseils, suivant la nature de la contestation.

Le conseil n'étant compétent que pour statuer sur les questions de salaires et sur les conditions des engagements, il ne pourrait être saisi d'une demande en dommages-intérêts, à raison de blessures reçues par un ouvrier dans l'exécution de son travail.

La compétence du conseil, à raison de la matière, ne pourrait être prorogée, même du consentement des parties.

Le conseil n'exerce de juridiction que sur l'étendue d'un territoire limité par le décret qui l'institue, et il n'est compétent qu'autant que l'usine ou la fabrique dans laquelle est employé l'ouvrier en cause, sont situées dans cette circonscription. Cependant, il est admis que la compétence territoriale du conseil peut être prorogée, du consentement des parties, lorsque le différend est né dans un lieu situé au delà de son ressort.

Le conseil statue, quelle que soit l'importance du chiffre de la demande, mais en dernier ressort, jusqu'à concurrence de 200 fr. seulement; au-dessus de cette somme, il ne juge qu'en premier

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