Page images
PDF
EPUB

d'être compris dans le décret qui expulsoit les Bourbons de la France; et ceux-ci eurent la douleur de se voir confondus avec le régicide; d'Orléans auroit-il pu croire que son vote parricide, uniquement émis dans la vue d'ajouter à cette popularité de carrefours, but de toutes ces démarches, et qui devoit motiver son exception du plus honorable ostracisme, détermineroit au contraire son expulsion du territoire français, lui seroit précisément imputé à crime, et souleveroit contre lui, dans la Convention, non-seulement les anti-montagnards, mais même jusqu'aux peureux du ventre?

On sera peut-être étonné, qu'en parlant de faction, nous n'ayons pas signalé celle d'Orléans comme une des principales. Cette faction avoit été puissante sous la constituante; la plupart des royalistes constitutionnels étoient orléanistes, et vouloient non-seulement le changement des principes du gouvernement, mais même celui de la dynastie; le côté droit ne vouloit ni l'un ni l'autre de ces changemens. Dans la législative, la majorité des orléanistes siégeoit dans le côté gauche, avec le désir de rendre la constitution plus démocratique, et de placer d'Orléans sur le trône; le côté droit, rallié à la constitution, au gouvernement et à la personne du roi, ne renfermoit qu'un

petit nombre d'orléanistes, chargés de surveiller ses membres. Il en étoit de même dans la Convention. D'Orléans avoit des partisans dans chaque côté; mais il s'étoit ostensiblement attaché à celui qui lui avoit paru le plus propre à l'amener un jour à ses fins.

Ainsi le parti de d'Orléans n'a point été une faction particulière dans la Convention, luttant directement contre une faction rivale. Les orléanistes étoient dans toutes les factions et de toutes les factions; ils en avoient successivement flatté les chefs pour les amener au but désiré; ils les avoient poussés à la destruction de tous les obstacles, afin de porter d'Orléans sur le trône. Celui-ci n'avoit voté avec enthousiasme la république que pour se débarrasser de ces mêmes obstacles, jugés jusqu'alors insurmontables, dans le ferme espoir que les chefs de factions', fatigués des oscillations dangereuses de l'anarchie, finiroient par l'investir de l'autorité suprême, n'importe sous quel titre, afin de jeter un voile sur cet amas de forfaits, et de jouir paisiblement du fruit de leurs atrocités. Voilà pourquoi on l'a vu arborer les bannières de toutes les factions; voilà pourquoi les chefs et les suppôts de ces factions étoient admis dans ces orgies nocturnes, fameuses par la plus infâme dé

bauche et la plus crapuleuse intempérance. Aux Jacobins comme aux Cordeliers, d'Orléans avoit des émissaires et des agens. Brissot et Vergniaux vivoient dans son intimité, et Marat, Danton et Robespierre étoient sa boussole, et les régulateurs de ses votes et de ses démarches politiques. En le flattant et en le trompant tour à tour, les chefs des deux partis ne cherchoient qu'à le faire servir à leurs vues particulières. Aussi paroît-il hors de doute que la haine furieuse de la Gironde contre d'Orléans, n'a eu d'autre cause que sa désertion du parti pour se livrer exclusivement à Marat et à la Montagne; ainsi d'Orléans, sans avoir recueilli aucun des fruits que lui promettoit la révolution, a été le principal acteur dans ses horribles scènes.

D'Orléans a péri sur le même échafaud que Louis XVI, abandonné par la faction sur laquelle il comptoit le plus, parce qu'elle cherchoit à écarter du peuple toute idée du pouvoir absolu qu'elle vouloit envahir. D'ailleurs d'Orléans ne convenoit plus à ses desseins ultérieurs. Comme l'assassinat juridique étoit le moyen le plus expéditif et le plus sûr de se débarrasser de tout individu qui portoit ombrage d'Orléans fut donc envoyé à la mort, uni

quement pour s'en débarrasser, comme Louis XI du prieur de Saint-Côme; c'est ainsi qu'on mettoit à exécution cette maxime de Barrère : il n'y a que les moris qui ne reviennent point.

Mais avant de parler des débats relatifs à Marat, à d'Orléans et à Robespierre, je dois rappeler ici un fait extraordinaire ; c'est la mort du conventionnel Michel Lepelletier, assassiné, dit-on, pour avoir voté la mort de Louis XVI. Ce meurtre fut attribué à un ancien garde du roi, nommé Pâris, qui, par dévouement pour le roi et sa famille, avoit servi aussi dans les gardes constitutionnelles. Profondément indigné du grand forfait commis sur la personne du plus vertueux des monarques, il avoit voulu, suivant les récits du temps, tirer une vengeance éclatante de ce forfait sur un des votans les plus distingués par leur naissance, et l'on assure que d'Orléans n'y échappa que par miracle. Quelque excusable que soit le mouvement d'une indignation si légitime, l'idée d'une telle infraction aux lois de la société ne sauroit être approuvée. La loi seule a le droit de frapper le coupable. Certes, Louis XVI auroit repoussé avec une sainte et généreuse colère l'hommage de ce sanglant holocauste.

Les journaux du temps rapportent que le meurtrier ayant épié tous les pas de Le

pelletier, avoit rencontré ce conventionnel chez un restaurateur du Palais-Royal, lui avoit plongé son sabre dans la poitrine, et, après s'être évadé, étoit arrivé nuitamment dans une auberge de Forgesles-Eaux, en Normandie. Dénoncé à la municipalité du lieu par un marchand de lapins, dont il avoit éveillé les soupçons, Pâris s'étoit suicidé, dit-on, pour se soustraire à l'exécution du mandat d'arrêt lancé contre lui. La Convention, informée sur-le-champ de ce fait, par l'autorité locale, avoit envoyé deux de ses membres pour en prendre une plus ample connoissance, en dresser procès-verbal, et tâcher de reconnoître si le cadavre étoit bien celui de Pâris. Les commissaires, Tallien et Legendre, de Paris, avoient constaté cette identité, reconnue par eux et par plusieurs autres personnes de leur suite; après quoi ils avoient ordonné l'inhumation instantanée.

Telle est la seule tradition de cet événement; mais il a circulé dans le temps un tout autre bruit. Sans en garantir en aucune manière l'authenticité, il est permis, sans doute, de rapporter ici ces conjectures, pour éloigner l'idée qu'un royaliste ait conçu l'idée d'un tel crime. N'est-il pas également permis de douter qu'un homme d'honneur, pénétré des principes professés

« PreviousContinue »