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POUR SERVIR

A L'HISTOIRE DES ÉVÉNEMENS

DE LA FIN

DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE,
DEPUIS 1760 JUSQU'EN 1806-1810,

PAR UN CONTEMPORAIN IMPARTIAL,

FEU M. L'ABBÉ GEORGEL,

Jésuite, ancien Secrétaire d'ambassade et Chargé d'affaires de
France à Vienne, grand-vicaire de l'Évêché de Strasbourg et
vicaire-général de la grande-aumônerie de France sous le
prince Louis de Rohan, Cardinal Évêque de Strasbourg, etc.;

PUBLIES PAR M. GEORGEL,

Ancien Avocat au Parlement de Nanci, à la Cour de Trèves, et à la
Cour de cassation, Neveu et Héritier de l'Auteur.

....... et quorum pars magna fui.

VIRG., Enéide II.

AVEC LA GRAVURE DU FAMEUX COLLIER.

TOME CINQUIÈME.

&

PARIS.

ALEXIS EYMERY, Libraire, rue Mazarine, n° 30.

DELAUNAY, au Palais-Royal.

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POUR SERVIR

A L'HISTOIRE DES ÉVÉNEMENS

DE LA FIN

DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

Suite de l'histoire des Factions dans la Convention.

La haine des deux partis principaux qui

divisoient la Convention s'accroissoit à mesure que celle-ci s'éloignoit de l'époque de son installation. Ces deux partis avoient pris naissance aux Jacobins; ils n'en formoient d'abord qu'un seul, redoutable aux royalistes, surnommés par eux aristocrates, c'est-à-dire, ennemis du peuple dans le langage de ces démagogues. Mais, bientôt, un empressement égal de faire tourner à leur profit la révolution, en s'emparant à la fois du sceptre et des clés du trésor, les divisa. Ils n'étoient point d'accord sur le système de gouvernement à adopter. D'ailleurs, chacune des factions vouloit dominer l'autre, en lui faisant seulement quel

ques concessions, première cause de leur mésintelligence. L'ambition l'avoit produite, une rivalité active l'avoit entretenue et augmentée, la cupidité, la jalousie et l'amour-propre la portèrent à l'extrême. Leurs combats devinrent chaque jour plus vifs, et durent se terminer par une guerre à mort.

Peut-être en fût-il résulté pour la France quelque repos, si le parti triomphant, parvenu à ses fins, se fut ensuite occupé des vrais intérêts de la nation. Mais, dans la bouche des deux factions, l'amour de la patrie, le salut du peuple, fastueusement proclamés à la tribune nationale et à celle des Jacobins comme l'unique but des pensées et des travaux des députés, n'étoient au fait qu'un langage uniquement employé pour capter la confiance publique. Les discours de ces hommes, quel que fût le parti qu'ils eussent embrassé, étoient autant de mensonges impudens, débités avec emphase le matin, et livrés le soir, dans leurs cotteries particulières, aux sarcasmes les plus sanglans. Ces jongleurs politiques s'applaudissoient du grand nombre de leurs dupes, à qui ni l'expérience du passé, ni le sentiment de leurs propres intérêts, sans cesse compromis, ne pouvoient faire ouvrir les yeux. Les membres influens de la Convention et des Jacobins ne cherchoient

en effet qu'à tromper le peuple, et chacun d'eux s'étoit rangé dans l'un de ces partis, suivant ses inclinations, son goût, son caractère, ses opinions plus ou moins exagérées, suivant les chances plus ou moins avantageuses qu'il paroissoit lui offrir, ou parce que ses amis l'avoient adopté.

Les montagnards vouloient arriver au pouvoir absolu en ligne droite; les girondins, au contraire, avoient pensé qu'il étoit d'une bonne politique de n'y arriver que par un circuit. C'étoit donc pour abréger le chemin que la Montagne s'étoit entourée de toute la masse populacière de Paris, composée de tout ce que cette ville pouvoit renfermer de plus audacieusement criminel. Avec un aussi puissant levier, la Montagne prétendoit renverser tous les obstacles que pouvoit lui opposer un parti rival qu'elle avoit pressenti de loin.

La Gironde, au contraire, qui ne vouloit arriver que pas à pas, et par l'influence de l'opinion publique, avoit invoqué l'appui des départemens, en excitant leur jalousie contre Paris, et vouloit présenter à ses adversaires leur opinion, et fortement prononcée, et consolidée comme un rempart inébranlable.

Ainsi Paris, d'une part, les départemens de l'autre, formoient deux armées avec lesquelles les factions prétendoient se com

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