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loi (Ex., XXI, 15, 23-25; xxxx, 14; xxxII, 19, 20; Deut., xm, 5-10; xv, 16; XVII, 2-5; xix, 16-21; xxx, 18-21; xxvII, 16, et autr.), et tenant ainsi les Juifs constamment dans la crainte, sous le joug d'une nouvelle servitude » (Gal., v, 1), elle leur faisait désirer avec plus d'ardeur encore que le Rédempteur vînt plus tôt sur la terre, et que « la loi de l'Esprit de vie, qui est en Jésus-Christ » les délivrât de « la loi du péché et de la mort.» (Rom., VIII, 2.)

C'est grâce à tous ces moyens que, depuis Abraham comme avant ce patriarche, les Juifs crurent au Messie à venir, qu'ils se justifièrent et se sauvèrent par cette foi : idée que confirme certainement l'apôtre Paul lorsqu'il dit d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Joseph, de Moïse, de David, de Samuel et de plusieurs autres, que « par la Foi ils conquirent des royaumes, rent ce qui est juste, reçurent les promesses. » (Hébr., x1, 8-40; comp. Act., xv, 11; Rom., iv, 10-25; Gal., II, 15-16.) Par ces moyens les Juifs furent en effet parfaitement préparés à recevoir le Messie, comme l'expérience l'a bien prouvé. Dès que le précurseur de Christ, Jean-Baptiste, parut sur les bords du Jourdain pour prêcher, les Juifs lui envoyèrent demander s'il n'était pas le Christ (Jean, 1, 19-27); et, lorsque Jean eut répondu qu'il n'en était que le précurseur et eut commencé ainsi : Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche » (Matth., III, 2; Marc, 1, 7), tous crurent à ces paroles, et « tout le peuple de la Judée, » dit l'Évangile, et tous les habitants de Jérusalem venaient à lui, et, confessant leurs péchés, ils étaient baptisés par lui dans le fleuve du Jourdain.» (Marc, 1, 5.) Lorsque Jésus, encore enfant, fut apporté dans le temple, selon la loi de Moïse, « pour être présenté au Seigneur, » Il fut rencontré par le vieillard Siméon, qui vivait dans l'attente de la Consolation d'Israël» (Luc, 1, 25), et Anne la prophétesse commença à «< parler de Lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d'Israël.» (Ibid., 38.) Lorsque Jésus-Christ entra dans ses fonctions de docteur, une foule de peuple le suivit partout, et plusieurs le reconnurent pour le Messie promis (Jean, vi, 14; Matth., xiv, 38); « plusieurs du peuple crurent en lui. » (Jean, vii, 31.) Enfin, lorsqu'il entra pour la dernière fois à

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Jérusalem, «tant ceux qui allaient devant Lui que ceux qui Le suivaient criaient: Hosanna, salut et gloire au fils de David! Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna, salut et gloire lui soient au plus haut des cieux!» (Matth., xx1, 9.) « Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur! béni soit le règne de notre père David!» (Marc, x1, 10.) Et si les anciens et les scribes de la nation, par haine et par envie, si plusieurs d'entre le peuple, par séduction et aveuglement, ne crurent pas en Christ et même Le livrèrent à la mort, la meilleure partie de tout Israël, tous ceux qui étaient véritablement les enfants d'Abraham, le père des croyants, recurent avec joie le Messie promis et crurent en Lui; ils se convertirent à Lui par milliers à la prédication des Apôtres (Act., II, 41; IV, 4), et la première Église de Christ sur la terre fut composée de Juifs. Quant aux gentils, à cause de leur impiété et de leur abandon de la foi, quoique Dieu, selon les lois de la justice, ne les favorisât pas de cette protection et de cette direction particulière qu'll accordait à Israël, son peuple élu, cependant, par son infinie bonté, Il ne cessa jamais « de rendre témoignage de ce qu'Il est » (Act., xiv, 16), et Il les prépara insensiblement à connaître et à recevoir le grand mystère du salut. Or voici les moyens qui servirent à cet effet:

II.

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1o La loi naturelle. Le livre de la nature fut toujours ouvert devant les gentils, leur annonçant tout ce que l'homme peut connaître de Dieu. Ils ont connu ce qui peut se connaitre de Dieu,» dit l'Apôtre, « Dieu même le leur ayant fait connaître; car les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité sont devenues visibles depuis la création du monde par la connaissance que les créatures nous en donnent. » (Rom., I, 19, 20.) Toujours « la loi» resta « écrite dans le cœur » des gentils, « comme leur conscience en rend témoignage,» leur annonçant leurs obligations morales. (Rom., II, 15.) Mais comme, « ayant connu Dieu, ils ne L'ont point glorifié comme Dieu et ne Lui ont pas rendu grâce, mais se sont égarés dans leurs vains raisonnements » (Rom., 1, 21); << comme ils ont transféré l'honneur qui n'est dû qu'au Dieu incorruptible à l'image d'un homme corruptible et à des figures d'oiseaux, de bêtes à quatre

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pieds et de reptiles » (Ibid., 23), « mis le mensonge en place de la vérité de Dieu et rendu à la créature l'adoration et le culte souverain au lieu de le rendre au Créateur » (Ibid., 25), pour cette raison Dieu les à livrés à un sens dépravé, en sorte qu'ils ont fait des actions indignes de l'homme. Ils ont été remplis de toutes sortes d'injustices, de méchanceté, de fornication, d'avarice, de malignité; ils ont été envieux, meurtriers, querelleurs, trompeurs » (Ibid., 28, 29), et leur cœur insensé a été rempli de ténèbres (Ibid., 21); ils sont devenus fous en s'attribuant le nom de sages. » (Ibid., 22.) La raison humaine, malgré des efforts tentés pendant des siècles pour découvrir la vérité divine et réformer les mœurs des hommes, manqua toujours son but. Toutes les doctrines religieuses qu'elle put imaginer se montraient bientôt insuffisantes et croulaient; les systèmes de philosophie se suivaient, étaient bien vite renversés les uns par les autres, perdaient de plus en plus confiance, et dégénéraient en scepticisme ou incrédulité. Les principes moraux de la philosophie et les législations civiles ne régénéraient point les mœurs; au contraire, l'impiété croissait à vue d'œil dans le monde, si bien que les peuples les plus éclairés de l'antiquité, les Grecs et les Romains, personnifiaient et adoraient presque toutes les passions et tous les vices, et s'imaginaient servir leurs dieux par toutes sortes de forfaits et de dissolutions. Cela devait naturellement conduire les païens à reconnaître leur impuissance intellectuelle et morale, exciter par conséquent et affermir insensiblement en eux le désir d'un secours d'en haut et les disposer à le recevoir; et l'on sait même par expérience que les plus célèbres d'entre les sages du paganisme reconnurent l'impuissance de la raison humaine pour parvenir à la connaissance de Dieu, ainsi que l'impuissauce de la volonté humaine en matière de piété, et qu'ils enseignèrent à n'attendre ici de secours que de Dieu seul (1). C'est dans ce sens que les anciens Docteurs de l'Église envisa

(1) Savoir: Miles de Samos (apud Diogen. Laert., lib. ix, n. 24); Socrate (Xenoph. Memorab., lib. iv, et Platon. Dialog. « Alcibiades »); Platon (in Epimenide et de Legib., lib. 1x); Sénèque (de Clementia, lib. 1, cap. 6); Jamblique (in Vita Pythagor., cap. 28).

gèrent la philosophie comme un guide menant à Christ, en tant qu'elle avait préparé les païens à le recevoir (1).

2o Les restes de la religion et de la révélation primitives. Les vérités de la foi, et en particulier les promesses sur le Rédempteur, faites au commencement pour tout le genre humain, en passant de père en fils, des ancêtres à la postérité par instruction orale, durent nécessairement se répandre parmi tous les peuples, chez ceux-là mêmes qui, par la suite, s'enfoncèrent plus avant dans les voies de l'impiété et de l'idolâtrie. Et, bien que ces vérités, par leur mélange avec les nouvelles croyances des peuples païens, n'aient pu que perdre peu à peu de leur pureté et de leur intégrité premières et s'altérer, cependant, même sous cette forme altérée, elles ont conservé et maintenu chez les païens les traditions sur l'origine et l'état primitif de l'homme ou l'âge d'or (2), sur la chute de nos premiers parents dans le Paradis (3), et, ce qu'il y a de plus important, la tradition sur le Rédempteur du genre humain et l'attente de sa venue (4).

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3o Les relations des païens avec le peuple élu de Dieu, auquel ⚫les oracles de Dieu étaient confiés, ainsi que toutes les promesses et toutes les prédictions concernant le Messie. (Rom., III, 2.) Ces relations commencèrent déjà du temps d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui, en passant d'un lieu à un autre, et ayant affaire, suivant les circonstances, à différentes peuplades, purent exercer sur elles une bienfaisante influence, soit par leur exemple, soit par la profession des vérités de la foi. (Gen., XXIII-XXVI.) Ensuite le séjour des Hébreux en Égypte

(1) Clem. Alex. Strom. 1, p. 282; Origen. Philocal., cap. 13, p. 41-42. (2) Plato, Polit., p. 271, Opp., t. II, Paris, 1578; Virgil. Georg., lib. 1, v. 125, et Eclog. Iv; Ovid. Metamorph., lib. 1, v. 89 et sq.; Plutarch. de Isid. et Osirid.; Strabo, lib. v, p. 250, Opp., t. II, Oxon., 1807. Cf. Euseb. Præparat. evangel., 1, cap. 8, et xu, cap. 13.

(3) Schwarz, de Lapsu prim. generis hum. parentum, a paganis adumbrato, Altorf., 1730; Kleuker. Zendavest., t. I, p. 25, et t. III, p. 84 sq.; Windischman, Philosophia in progressu historiæ mundi, vol. I, p. 1, sect. 1, Bonnæ, 1827.

(4) Schmidt, Rédemption du genre humain annoncée par les traditions relig. de tous les peuples, trad. de l'allemand par Henrion, Paris, 1827; Lect. chr., 1839, III.

au milieu d'un peuple nombreux, leur glorieuse sortie de ce pays, le passage miraculeux de la mer Rouge, l'entrée triomphale dans la Terre promise, l'extermination ou l'assujettissement de ses impies habitants; puis les nombreuses victoires remportées sur les peuples païens du temps des juges, de même que les asservissements à ces peuples, ne purent pas non plus rester sans influence sur les derniers, comme on peut le voir par bien des exemples. (Jos., I, 9-11; v, 1; Ruth., 1, 16.) Par la suite, sous leurs rois, les Hébreux, suivant les cas, dans leurs voyages sur terre ou sur mer, dans leurs guerres, leurs captivités et leur commerce, furent en rapport presque avec tous les peuples de l'ancien monde, avec les Chaldéens, les Égyptiens, les Syriens, les Mèdes, les Perses, les Grecs et les Romains. (III Rois, Ix, 26-28; x, 22; II Paral., ví, 17, 18; IX, 10, 11, et autr.) Après la séparation du peuple hébreu en royaume de Juda et royaume d'Israël, plus approchait le temps de la venue du Messie, plus il se présenta de circonstances favorables à ces communications du peuple élu avec les peuples païens; nous voulons dire la captivité d'Assyrie et la dispersion des Israélites dans les contrées reculées de l'Orient, au milieu des païens; puis les soixante-dix années que les Juifs passèrent en captivité à Babylone; enfin, après le retour de cette captivité, leurs nouvelles servitudes et leur dispersion dans toutes les parties de l'ancien monde (1). Ainsi la lumière de la vraie foi put également, par différentes voies, se répandre du peuple élu sur les autres peuples et les préparer insensiblement à recevoir le Rédempteur. Voilà pourquoi saint Athanase disait : « La loi ne fut point donnée exclusivement pour les Juifs; les Prophètes ne leur furent point envoyés à eux seuls; mais, quoique envoyés aux Juifs et persécutés par eux, ils furent pour l'univers entier comme une école sainte où il devait se former à la connaissance de Dieu et à la vie spirituelle » (2).

(4) Esq. de l'Hist. ecclés. bibl., par Philarète, p. 440, Saint-Pétersbourg, 1827. (2). Πάσης δὲ τῆς οἰκουμένης ἦσαν διδασκάλιον ἱερὸν τῆς περὶ Θεοῦ γνώσεως xaì tñc navà Quynv rokiteías. (De Incarn. Dei, n. 12, Opp., t. I, p. 57, éd. Paris, 1698.

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