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électoraux se sont avancés pour recevoir les aigles destinées aux gardes nationales de leurs départemens respectifs. L'aigle de la garde nationale du département de la Seine, celle du premier régiment de l'armée et celle du premier corps de la marine ont été tenues par les ministres de l'intérieur, de la guerre et de la marine. L'empereur, ayant quitté le manteau impérial, s'est levé de son trône, s'est avancé sur les prèmières marches, les tambours ont battu un ban, et S. M. a parlé en ces termes :

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« Soldats de la garde nationale de l'Empire, soldats des troupes de terre et de mer, je vous confie l'aigle impériale aux couleurs nationales. Vous jurez de la défendre, au prix de votre sang, contre les ennemis de la patrie et de ce » trône! Vous jurez qu'elle sera toujours votre signe de ralliement! Vous le jurez! »

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» Les cris universellement prolongés nous le jurons! ont retenti dans l'enceinte, et c'est au milieu de ces acclamations, et environné des aigles de tous les corps armés de France, que l'empereur est allé se placer avec tout son cortège sur le trône élevé au milieu du Champ de Mars, où, en qualité de colonel de la garde nationale de Paris et de la garde impériale, il a donné les aigles aux présidens du département et des six arrondissemens, et aux chefs de sa garde. Le comte Chaptal, président des colléges électoraux de Paris, et le lieutenant général comte Durosnel tenaient l'aigle de la garde nationale, et le lieutenant général comte Friant celle de la garde impériale. Toutes les troupes ont marché par bataillon et par escadron, et ont environné le trône. Les officiers placés en première ligne l'empereur a dit :

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« Soldats de la garde nationale de Paris, soldats de la garde impériale, je vous confie l'aigle impériale aux cou» leurs nationales. Vous jurez de périr, s'il le faut, pour la » défendre contre les ennemis de la patrie et du trône!» (Toute cette armée, qui, groupée autour du trône, était à portée de la voix, a interrompu l'empereur par ces cris mille fois répétés : nous le jurons!) « Vous jurez de ne jamais re>> connaître d'autre signe de ralliement!» (De nouveaux cris unanimes ont fait entendre: nous le jurons! Les tambours ont baltu un ban, et le silence s'est rétabli.) « Vous, soldats de » la garde nationale de Paris, vous jurez de ne jamais souffrir » que l'étranger souille de nouveau la capitale de la grande » nation! C'est à votre bravoure que je la confierai. » (Ces cris, nous le jurons! ont été répétés mille et mille fois.) «< Et

» vous, soldats de la garde impériale, vous jurez de vous » surpasser vous-mêines dans la campagne qui va s'ouvrir, et de inourir tous plutôt que de souffrir que les étrangers vien» nent dicter la loi à la patrie! » (Les acclamations, les cris nous le jurons! ont retenti de nouveau, et se sont prolongés dans toute l'étendue du Champ de Mars.)

» Alors les troupes, qui formaient à peu près cinquante mille hommes, dont vingt-sept mille de gardes nationales, ont défilé devant S. M. aux cris de vive l'empereur!

II.

CHUTE DU GOUVERNEMENT IMPERIAL.

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S. Ier. CHAMBRE DES REPRÉSENTANS.

Séance du 3 juin.

Les représentans se constituent provisoirement sous la présidence de leur doyen d'âge, Debrange (de Saône-etLoire.) La vérification des pouvoirs s'opère en partie dans la même séance.

Les élections du département de l'Isère sont ajournées jusqu'à ce qu'une explication soit donnée relativement au prince Lucien Bonaparte, nommé par ce département, et qui semble appelé de droit à siéger dans la Chambre des Pairs. Du reste les électeurs de l'Isère ont désigné Duchesne, fils de l'ancien tribun, pour être le suppléant du prince.

Séance du 4 juin.

SIBUET (de Seine-et-Oise). - «Avant que l'adoption du procès verbal soit mise aux voix, je demande à soumettre une observation à l'Assemblée.

»Je désirerais que, pour les appels nominaux ainsi que dans les procès verbaux de nos séances, il ne soit donné aux membres decette Assemblée aucun autre titre que celui de représentant. C'est une simple mesure de police intérieure que je propose, sans entendre rien préjuger au fond sur la question des titres. Au moyen de cette restriction, ma proposition n'exige que quelques mots de développement, d'autant plus que ceux de nos collegues qu'elle concerne plus particulierement s'empresseront sans doute d'y adhérer, Qu'est-ce en effet que la renonciation momentanée dont il s'agit, en comparaison des abandons généreux faits sur l'autel de la patrie dans la nuit fameuse dù 4 août par leurs nobles prédécesseurs? (Murmures.) Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas reconnaître ici deux I2 Série.

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ordres dans l'Etat, ni voir siéger d'un côté les princes, les ducs, les comtes, les barons, les chevaliers, et de l'autre ceux qu'on appelait jadis du tiers état. C'est ici surtout que nous sommes égaux entre nous, et que le président lui-même ne peut être que primus inter pares. Oui, messieurs, nous devons jouir dans cette auguste enceinte non seulement de la liberté et de l'égalité politiques telles qu'elles sont reconnues et fixées par les lois, mais encore de cette liberté et de cette égalité sociales qui produisent l'union et la confiance parmi les hommes, et qui font naître l'amitié ces sentimens, messieurs, qu'il est si nécessaire de faire germer dans nos cœurs, s'y trouveront étouffés du moment que l'amour-propre sera blessé par toute prétention de supériorité des autres. En vain alléguera-t-on que les titres sans priviléges sont des mois qui ne portent aucune atteinte aux droits de chacun de nous ! Je répondrai toujours victorieusement... ( Murmures. )

des uns

Plusieurs membres ont remarqué que l'orateur ne parlait pas d'abondance: il tenait en effet un papier à moitié caché par son chapeau. On lui fait observer que l'Acte additionnel défend aux représentans de prononcer un discours écrit. Il reprend :

» Si l'Assemblée croyait devoir interprêter judaïquement la disposition constitutionnelle que l'on vient de rappeler, il en résulterait que la parole serait pour ainsi dire exclusivement réservée soit à quelques orateurs distingués dont la Chambre s'honore, et qui ont brillé déjà dans nos Assemblées, soit à des procureurs impériaux, qui par état doivent avoir contracté l'habitude de parler en public; et par là vous verriez se renouveler pour les trois quarts de nos collègues cette mesure, si contraire à la liberté, qui condamnait au silence la représentation nationale tout entière. (Agitation.) Au surplus, je termine en déclarant que, pour des Français surtout, le privilége le plus odieux est celui qui tend à humilier le plus grand nombre au profit de quelques uns. ( Murmures.)

» Nous ne devons donc, dès le principe, reconnaître parmi nous d'autre' noblesse que celle des sentimens, d'autre supériorité que celle des talens, et d'autre titre que celui qui nous a été transmis par nos commettans. » ( Bruit. L'ordre du jour!)

L'orateur avait contre lui (1) non seulement une jeune âris

(1) Il faut ajouter sa propre faiblesse pour les décorations personnelles. Sibuet portait le signe d'un ordre étranger: on a prétendu qu'il était décoré de l'ordre persan du Soleil ou du Croissant. La malignité publique ne voulut point voir que sa motion frappait seuement les titres qui divisent en classes, en castes.

tocratie tout aussi amoureuse que l'ancienne de ses préroge tives, de ses hochets, mais encore sa condition roturière : s'il eût été noble, on aurait admiré son désintéressement, et peut-être renouvelé la séance mémorable du 19 juin 1790 (voyez tome II; au contraire, les hommes titrés accuserent le simple citoyen de n'invoquer l'égalité que par un sentiment de jalousie. Le discours de Sibuet, interrompu par des murmures, excita encore quelques éclats d'un rire dédaigneux, et l'ordre du jour, réclamé de toutes parts, éloigna sa proposition. (Elle sera renouvelée. Voyez séances du 9 et du 10.)

LE PRÉSIDENT. -«J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que j'ai fait connaître le vœu qu'elle a exprimé hier de connaître officiellement la liste des membres qui composent la Chambre des Pairs. Je viens de recevoir à ce sujet une lettre dont je vais vous donner lecture.

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« Paris, le 4 juin 1815.

Monsieur le président, j'ai l'honneur de vous informer que, d'après les ordres de S. M. l'empereur, la liste des membres de la Chambre des Pairs ne sera arrêtée et publiée qu'après l'ouverture de la session. Agréez, etc. Signé CARNOT. »

Cette lettre est accueillie par quelques murmures.

-((

DUPIN (de la Nièvre).. Si, pour réponse à la lettre dont il vient de lui être donné communication, la Chambre déclarait qu'elle ne procédera à sa constitution définitive qu'après avoir reçu la liste dont elle désire avoir connaissance... (Murmures. L'ordre du jour!) Hé, messieurs, vous murmurez ! Ne sommes-nous pas tous représentans? Chacun de nous n'a-t-il pas le droit d'émettre son opinion? Si nous voulons défendre la liberté de nos commettans, commençons par être libres nous-mêmes! »

L'Assemblée passe à l'ordre du jour.... Si le motif qui retenait Napoléon pour publier la liste des pairs eût été connu de la majorité, la proposition de Dupin n'aurait pas été abandonnée aussi facilement. Napoléon s'attendait à ce que son frère Lucien serait nommé président; et comme jusqu'alors Lucien n'avait pas été compris parmi les princes de la famille impériale, il pouvait cette fois n'être pas encore appelé parmi les pairs: l'empereur eût ainsi retrouvé dans la Chambre des Représentans le président des Cinq Cents au 18 brumaire. Mais le souvenir de Saint-Cloud était aussi venu à des représentans, qui, secrètement invités à préparer cette nomination, s'y étaient formellement refusés.

L'ordre du jour est la nomination du président définitif. Le nombre des votans est de quatre cent soixantedouze. Majorité absolue, deux ceni trente-sept.

Le premier tour de scrutin donne à Lanjuinais 189 voix ; à Flaugergues, 74; à Lafayette, 68; à Merlin (de Douai), 41; à Dupont (de l'Eure), 29.

Au second tour de scrutin Lanjuinais obtient 277 suffrages. Il est proclamé président.

Séance du 5 juin.

Le président d'âge annonce qu'il a obtenu, la veille au soir, une audience de l'empereur, à qui il a fait connaître la nomination du président définitif, et que S. M. a répondu qu'elle ferait parvenir sa réponse par le chambellan de service. Au nom de chambellan des murmures s'élèvent; on désavoue à l'avance tout intermédiaire entre la Chambre et le chef de l'Etat..... On a dit plus tard que le président d'âge avait mal entendu la réponse de l'empereur. La vérité est que Napoléon s'était mal expliqué. La nomination de Lanjuinais, qu'il connaissait pour être un éternel et dangereux opposant, venait d'augmenter l'humeur et l'inquiétude que lui avait causées l'éloignement de la Chambre pour son frère Lucien, et dans ce mouvement de son âme il ne put régler ses paroles d'après les convenances.

Le comte Regnault (de Saint-Jean-d'Angely), ministre d'état et député, communique aux Représentans le message de l'empereur qui approuve la nomination du président. On demande à Regnault s'il parle comme ministre ou comme député. Regnault répond que ces deux qualités se confondent pour remplir la mission dont il a été chargé.

Ces petites contestations, quoique soutenues avec aigreur, n'ont encore aucune suite.

Le président définitif prend le fauteuil, et dit :

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Le comte LANJUINAIS. Chers et honorables collègues je n'ai point d'expressions pour vous peindre ma sensibilité profonde et ma vive reconnaissance.

» Dans les circonstances les plus remarquables je reçois de vous, messieurs, avec l'agrément de S. M., un des plus hauts témoignages d'estime et de confiance publiques. Vous m'imposez des devoirs difficiles, des fonctions redoutables; je les accepte avec une grande défiance de moi-même.

» Afin de justifier votre choix, j'aurai besoin de la continuation de toute votre bienveillance, de votre indulgence et de vos sages conseils : daignez me les accorder, et agréez l'assurance de mon dévouement sans réserve. Je n'ai à changer ni

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