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y a un sous-amendement portant que les membres nommés s'abstiendront de leurs fonctions législatives pendant leurs fonctions exécutives. »

FLAUGERGUES (de l'Aveyron). — « Vous ne devez astrein dre à voter ni dans les Chambres ni hors des Chambres. Vous avez besoin de noms nationaux, de noms européens. Jamais en effet mission ne fut plus importante que celle du gouvernement provisoire; un homme du plus grand mérite, mais d'un nom peu connu, pourrait ne pas avoir cette confiance qu'il faut mériter de la France et de l'Europe. Le droit populaire doit être exercé ici dans toute sa latitude. »

CAMBON (de l'Hérault). - « Vous venez de rendre hommage à la division des pouvoirs; ne laissez pas de prétexte à la malveillance. J'ai vu souvent l'Assemblée manifester des préventions contre les personnes chargées de l'autorité exécutive. Si des représentans ou des pairs étaient nommés, il fandrait qu'ils optassent. Mais quel est le représentant qui voudrait quitter son poste, confié par le peuple, pour une autre fonction? Je demande que le choix ne puisse tomber sur un membre des Chambres.».

La Chambre, consultée, àrrête: « 1°. Trois membres seront choisis par la Chambre des Représentans, et deux par celle des Pairs. 2o. Les membres des deux Chambres qui feront partie de la commission de gouvernement ne pourront, pendant la durée de leurs fonctions dans cette commission, exercer aucune fonction législative.

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Le comte REGNAULT ( de Saint-Jean-d'Angely). « Je rappelle la proposition de l'envoi d'une commission aux alliés. Mon opinion personnelle serait que vous devez laisser cette nomination, quelque importante qu'elle soit, au pouvoir exécutif. Toutes les fois que vous pourrez sans inconvénient ne pas vous écarter des formes constitutionnelles, vous y trouverez un immense avantage.

FLAUGERGUES. -((

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J'appuie cette observation. Votre premier motif, en demandant aux alliés de respecter l'indépendance nationale, sera de présenter à leur idée les formes d'un gouvernement constitué. Or vous iriez, si vous nommiez des commissaires parmi vous, vous présenter à l'Europe avec des formes anarchiques; on ne voudrait pas les reconnaître. Le conseil exécutif respectera vos pouvoirs ; vous respecterez son indépendance: sans cela, n'ayant ni règle ni frein, vous seriez demain Assemblée nationale, après demain Convention, et

que

vous seriez dévorés par l'anarchie. Je demande le conseil exécutif nomme les commissaires qui seront envoyés aux alliés. » (Adopté à l'unanimité).

GIROD (de l'Ain.)- « Il importe que l'opinion du peuple et de l'armée ne soit pas incertaine sur les événemens qui viennent de se passer. Je demande l'envoi d'une adresse au peuple (Murmures.)

et aux armées. >>

FLAUGERGUES.

--

« Ceci est encore contraire à la division des pouvoirs. Faites des adresses aujourd'hui, demain vous exécuterez, et il n'y aura pas de gouvernement. Messieurs, empressez-vous de former le vôtre. Les journaux sont partis ce matin, et la France nous voit encore muets sur ses plus grands intérêts! Il faut que le courrier qui apportera votre délibération de ce jour apprenne à la France qu'elle a un gou

vernement. »>

Le ministre de la guerre. « Messieurs, il est une mesure très importante à prendre, et je presse l'Assemblée de l'adopter. La malveillance s'agite pour désorganiser l'armée, et pour porter les gardes nationales à la désertion. Je demande que, par une déclaration solennelle, la Chambre rappelle à leurs postes tous les militaires de tout grade, sous peine d'être déclarés traîtrés à la patrie. »

FLAUGERGUES. « Je propose de déclarer que la guerre est nationale, et que tous les Français sont appelés à la défense commune. »Appuyé.)

Ces propositions, réunies, sont immédiatement mises au voix, et adoptées en ces termes :

« Art. 1. La guerre est déclarée nationale. En conséquence, tous les Français en état de porter les armes sont appelés à la défense de la patrie.

» 2.

La Chambre des Représentans déclare que tout militaire de terre ou de mer, quel que soit son grade, qui n'aurait pas rejoint, ou qui aurait abandonné ses drapeaux ou son pavillon, sera tenu de les rejoindre sans délai, sous peine d'infamie, et d'être' puni suivant la rigueur

des lois.

» 3. La disposition de l'article 2 est applicable aux officiers et soldats des bataillons de garde nationale formant les garnisons des places fortes ou des divisions de réserve.

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Le général Mouton-Duvernet, chargé de visiter les dépar

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»

temens du Midi, donne des nouvelles satisfaisantes sur les dispositions du peuple et des troupes à Marseille, à Lyon surtout, l'esprit est excellent.

La séance est suspendue. A quatre heures elle est reprise.

Le comte Lanjuinais annonce quelle bureau a rempli, auprès de l'empereur, la mission dont il avait été chargé par une décision de l'Assemblée. (Attention. ) Le président, accompagné des quatre vice-présidens et des quatre secrétaires, a transmis à S. M. l'expression des sentimens respecteux et reconnaissans de la Chambre. L'empereur a répondu : (1)

« Je vous remercie des sentimens que vous m'exprimez. Je » désire que mon abdication puisse faire le bonheur de la » France; mais je ne l'espère point: elle laisse l'Etat sans chef, sans existence politique. Le temps perdu à renverser la monarchie aurait pu être employé à mettre la France >> en état d'écraser l'ennemi. Je recommande à la Chambre de >> renforcer promptement les armées qui veut la paix doit se préparer. à la guerre. Ne mettez pas cette grande » nation à la merci des étrangers; craignez d'être déçus de vos espérances! C'est là qu'est le danger! Dans quelque position que je me trouve, je serai toujours bien si la France » est heureuse. Je recommande mon fils à la France. J'espère qu'elle n'oubliera point que je n'ai abdiqué que pour lui. Je » l'ai fait aussi ce grand sacrifice pour le bien de la nation; ce n'est qu'avec ma dynastie qu'elle peut espérer d'être libre, » heureuse et indépendante.

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>>

DURBACH (de la Moselle). - « Vous avez entendu le rapport de votre président. La Chambre a reconnu et accepté l'abdication de Napoléon ; mais une Constitution existera: la -loi d'hérédité n'est point écartée. Le fils de Napoléon est mineur; ainsi c'est un conseil de régence...» (Brusque interruption; murmures prolongés; bruit.)

L'Assemblée passe à l'ordre du jour, qui est la nomination des trois membres de la commission de gouvernement à choisir par la Chambre des Représentans.

Le nombre des votans est de cinq cent onze. Majorité absolue, deux cent cinquante six.

Au premier tour de scrutin le comte Carnot réunit 324

(1) Le président n'a rapporté à la Chambre que quelques phrases décousues de cette réponse.

voix; le duc d'Otrante, 293; - le général Grenier, 204; le maréchal Macdonald, 137; le général Lafayette, 142; Flaugergues, 46; Lambrechts, 42.

Le second scrutin donne au général Grenier 350 suffrages. Carnot, Fouché, Grenier, sont proclamés membres de la commission de gouvernement.

Il est près de minuit. La séance est ajournée au lendemain matin à onze heures.

Séance du 23 jun.

Béranger fils (de la Drôme) demande « que le gouvernement provisoire soit déclaré responsable collectivement. >> Dupin ajoute que les membres de ce gouvernement doivent être soumis à un serment, et il propose la formule suivante : « Je jure obéissance aux lois et fidélité à la nation. » Durbach fait observer que la commission de gouvernement remplace l'empereur, et qu'ainsi la responsabilité s'applique seulement aux ministres à portefeuille.

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Le comte DEFERMON, ministre d'état, député d'Ille-etVilaine. « Messieurs, la proposition qui vous a été faite par notre collègue Béranger a paru arrêter toute l'attention de l'Assemblée.

» Cette proposition est fondée sur le principe que la Constitution doit être exécutée, que la marche exécutive, comme les lois elles-mêmes, ne peut être mise en action que sous la garantie d'une signature: là en effet se trouve la garantie.

il

» Si la commission de gouvernement tendait à s'égarer, faut trouver dans les ministres une opposition telle qu'elle ne puisse sortir de la ligne constitutionnelle qui lui est tracée. Je crois donc que la question n'a pas été convenablement résolue ; autrement il faudrait violer les principes constitutionnels que nous professons tous.

» Mais, messieurs, en écoutant la proposition, une réflexion m'est venue.

» Si ma mémoire ne me trompe point, on propose que votre commission exécutive prête serment d'obéissance aux lois et de fidélité à la nation. Mais qui de nous a le caractère pour recevoir ce serment? A qui la commission le prêtera-telle, si nous ne déterminons pas au nom de qui nous voulons faire marcher notre système constitutionnel? Que feront aussi, dans cet état de choses' nos autorités administratives, judiciaires? Je le demande, messieurs, avons-nous ou n'avons-nous pas un empereur des Français? Il n'est personne d'entre nous qui

ne se dise à lui-même : Nous avons un empereur dans la personne de Napoléon II.... (Un grand nombre de voix : Oui! Oui!) Bien convaincu de cette vérité, je me suis demandé si les ennemis du dehors pourraient se jouer des efforts de la nation lorsqu'ils verront que la Constitution est notre étoile polaire, et qu'elle a pour point fixe Napoléon II.....» (Les mémes voix : Oui! Oui! Napoléon II!)

BIGONNET de Saône-et-Loir). - « Je demande que l'Assemblée suspende cette discussion jusqu'à ce qu'elle soit instruite du résultat des négociations!» (Non! Non! Continuez!)

DEFERMON. « Je suis, comme vous, représentant du peuple, et comme tel dévoué à ses intérêts. Je dis que nous devons nous rallier aux Constitutions! Que paraîtrions-nous aux yeux de l'Europe et de la nation si nous n'observions pas fidèlement nos lois fondamentales? Napoléon Ier a régné en vertu de ces lois. Napoléon II est donc notre souverain. (Un grand nombre de voix : Oui sans doute! Oui!) Lorsqu'on verra que nous nous rallions fortement à nos Constitutions, que nous nous prononçons en faveur du chef qu'elles nous avaient désigné, on ne pourra plus dire à la garde nationale que c'est parce que vous attendez Louis XVIII que vous ne délibérez pas..... (Plusieurs membres avec chaleur : Non! point de Bourbon!) Nous rassurerons l'armée, qui désire que nos Constitutions soient conservées; il n'y aura plus de doute sur le maintien constitutionnel de la dynastie de Napoléon.... (Mouvement d'enthousiasme; l'Assemblée entière est debout; le cri vive l'empereur! éclate dans la majorité; plusieurs membres le répètent en agitant leurs chapeaux.) Je demande que la Chambre veuille bien délibérer à l'instant même. » (Oui! Non!)

BÉRANGER. - « Ce n'est point par des acclamations et de l'enthousiasme que cette question importante doit être décidée, Non que je sois étranger au sentiment qui vient d'éclater dans cette enceinte, mais c'est précisément parce que je reconnais Napoléon II pour successeur de son auguste père, c'est parce que je le reconnais pour chef de la nation française, que je n'ai pu attribuer à votre commission exécutive la haute prérogative de l'inviolabilité; c'est parce qu'elle se trouve placée à côté de cette grande figure de Napoléon II que j'ai dû vous demander que les membres qui composent le gouvernement provisoire soient déclarés responsables. Ce que j'exprime doit être senti par vous, représentans du peuple. Vous n'avez pas encore institué la régence, qui seule pourrait jouir de l'irresponsabilité.

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