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Christ qui a le droit incontestable d'intimer à tous les fidèles des
ordres ou des défenses, se croient cependant dispensés de lui obéir
et de mépriser ses ordres ou ses défenses. Non, il ne peut nous être
permis, à nous enfants dociles et fidèles de l'Église catholique, de
ne pas nous soumettre d'esprit et de cœur, avec la plus scrupuleuse
et la plus humble obéissance, aux décrets de la sacrée congrégation
de l'index, aux défenses que nous fait Jésus-Christ, dans la per-
sonne de son vicaire sur la terre, de lire des livres dont la doctrine
n'est pas pure et qui peuvent causer notre perte.

S'il est nécessaire que les sociétés aient à leur tête des pouvoirs
qui s'occupent de combattre toutes les atteintes portées à l'ordre
temporel, combien plus indispensable et plus urgent n'est-il pas de
repousser les atteintes portées à l'ordre spirituel, à l'ordre religieux,
à l'Église de Jésus-Christ? et qui donc, sur la terre, aurait le droit
de s'attribuer la mission de prononcer sur la vérité ou l'erreur de
telle ou telle doctrine! Nul homme n'a par lui-même le droit de
juger son semblable, il faut qu'il l'ait reçu de Dieu même, car il
n'y a que Dieu qui juge; il faut que le pouvoir d'absoudre ou de
condamner un homme, une doctrine, un livre, repose sur la parole
de Dieu et où peut se trouver l'autorité qui a reçu le privilège de
proclamer pour l'humanité tout entière, in universâ christianâ re-
publica, la vérité absolue, éternelle, si ce n'est celle qui est placée
sur la chaire de saint Pierre et qui représente celui qui est la vé-
rité même ?

Mais, dit-on, le pape n'est pas infaillible, ses jugements ne sont
pas irréformables, il peut par conséquent se tromper dans la con-
damnation qu'il fait d'un livre avec la congrégation de l'index. El
bien! quand il en serait ainsi, ce que nous nions avec preuve, comme
on peut le voir ailleurs, cesserait-il pour cela d'être chef de l'Église?
et nous, cesserions-nous d'être tenus de lui obéir dans la défense
qu'il nous ferait de lire un livre hérétique ou d'une doctrine dange-
reuse et suspecte! Non, certainement. Chaque évêque dans son
diocèse n'est assurément pas infaillible, cependant nul catholique,
même gallican, ne lui contestera le droit de défendre, sous peine
de péché à tous ses diocésains, la lecture d'un livre hérétique ou
qu'il jugerait tel. Le pape peut donc dans toute l'Église, qu'il doit
régir avec autorité et puissance, ce qu'un évèque peut dans son
propre diocèse; d'où nous concluons qu'on ne peut lire sans péché
mortel, à moins d'une permission spéciale, un livre mis à l'index de
Rome. Nous ajoutons, que non seulement on ne peut le lire, mais
qu'il n'est permis à personne, de quelque condition qu'elle puisse
être, laïque ou prêtre, de le faire imprimer et même de le conserver
chez soi. Itaque nemo cujuscumque gradús et conditionis opera dam-
nata edere, legere vel retinere audeat. (Voyez LIVRES.)

Pour qu'on ne nous accuse pas d'être trop sévère, en taxant de
péché mortel la lecture d'un livre mis à l'index, nous devons rap-
peler l'une des règles de cette sacrée congrégation qui s'exprime

ainsi Quòd si quis hæreticorum, vel cujusvis auctoris scripta, ob
hæresim, vel ob falsi dogmatis suspicionem damnata, atque prohi-
bita legerit, sive habuerit, statim in excommunicationis sententiam
incurrat. Qui verò libros alio nomine interdictos legerit, aut ha-
buerit, præter peccati mortalis reatum, quo afficitur, judicio episco-
porum severè puniatur.

Or, s'il n'est pas permis de lire, d'imprimer ou de conserver un
livre condamné par l'index, il est évident qu'un auteur dont les ou-
vrages auraient mérité cette condamnation, ne pourrait ni les ven-
dre, ni les faire vendre par un libraire, qu'il devrait les retirer du
commerce et les détruire, autrement la soumission qu'il aurait faite
au jugement de l'index, serait une soumission hypocrite et déri-
soire, elle ressemblerait au silence respectueux des jansénistes, rela-
tivement à la bulle Unigenitus. Car, dans une matière aussi grave,
il ne suffit pas, pour éviter le scandale, qu'un auteur se soumette
publiquement au jugement de la congrégation de l'index, il faut
encore qu'il condamne et qu'il proscrive, damnat et proscribit, non
seulement les erreurs dans lesquelles il a eu le malheur de tomber,
mais encore les ouvrages qui les renferment; il doit les détruire ou
les livrer, pour être détruits à son propre évêque, locorum ordina-
riis ea tradere teneatur.

§ II. Les décrets de la congrégation de l'INDEX sont obligatoires en
France.

L'index n'est pas fait pour certaines nations, pour certains pays
plutôt que pour d'autres; les lois qui l'ont établi et qui le maintien-
nent sont universelles de leur nature, comme nous venons de le
dire: elles obligent par conséquent les chrétiens dans toutes les par-
ties du monde. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur
les constitutions apostoliques, relatives à l'index, de Pie V, de Clé-
ment VIII, d'Alexandre VII, de Benoît XIV. Ces constitutions rappel-
lent que l'index a été établi en exécution des ordres du Saint Concile
de Trente, et que les pontifes romains le maintiennent, pour rem-
plir le devoir que leur impose leur charge de veiller à la conserva-
tion de la foi et des mœurs, non-seulement dans telle ou telle par-
tie de l'Église, mais dans l'Église entière. Ces constitutions portent
en termes formels que l'index oblige toujours et partout le monde.
Nous l'approuvons et confirmons, par notre autorité apostolique,
dit Benoit XIV, et nous ordonnons qu'il soit scrupuleusement et in-
violablement observé par tous en général et par chaque personne
en particulier, où qu'elle se trouve: Ab omnibus et singulis personis
ubicumque locorum existentibus. En présence de dispositions aussi
expresses et aussi précises, il est impossible de voir dans la loi de
l'index une loi particuliere à l'Italie, et de ne pas la reconnaitre
comme une loi générale de l'Église.

Mais, dit-on, cette loi n'oblige pas en France; elle n'y est pas reçue,
elle y est sans vigueur, non viget, la coutume, au reste, a prévalu

contre. Nous demanderons d'abord depuis quand une contume peut
avoir la vertu d'abolir une loi générale de l'Église, nécessaire au
bon ordre, à la conservation de la foi et des mœurs, émanée d'un
concile œcuménique et invariablement maintenue par le législateur
souverain? Poser une pareille question, n'est-ce pas la résoudre, et
quel esprit droit pourrait refuser d'accepter la décision que donne
en ces termes l'un de nos plus éminents et plus savants prélats:
« Quelle qu'ait été l'ancienne jurisprudence canonique plus ou
moins suivie dans l'Église gallicane, relativement aux décrets de
la sacrée congrégation de l'index, on doit regarder ces décrets
« comme obligatoires. On ne peut invoquer aucun usage, aucune
a coutume qui nous affranchisse de cette obligation; on ne prescrit
« pas contre les prérogatives du Saint-Siége, ni contre ceux des ac-
ates dont le Pape ne peut lui-même se dispenser, tels sont ceux
par lesquels il se croit obligé, comme chef de l'Eglise universelle,
« de prémunir les fidèles contre le danger des mauvaises doctri-
• nes (1). »

Nous pourrions, en second lieu, prouver que les décrets de l'index
ont toujours été reçus en France, et que nos anciens conciles.
provinciaux les ont rendus obligatoires. Nous nous contenterons de
rappeler que plusieurs des conciles tenus de nos jours comme ceux
des provinces d'Avignon, tenu en 1849 (c. IV, pag. 17), d'Auch,
tenu en 1850 (c. III, n. 12, pag. 38), d'Alby (Decret. II, n. 2,
pag. 80), de Toulouse (c. II, n. 52, pag. 66), de Bordeaux (c. III,
n. 1, pag. 21) ont, par une disposition spéciale, rappelé que c'est
pour tous les chrétiens une obligation de conscience de se soumettre
aux décrets par lesquels le Saint-Siége, dans toute l'Église et chaque
évêque dans son diocèse, défendent d'imprimer, de lire ou de re-
tenir les livres qu'ils jugent mauvais et dangereux.

L'un des deux conciles de la province de Reims, tenu à Amiens,
en 1853, a condamné ceux qui accusent les congrégations romaines
de rendre des décisions contraires au bien des églises de France,
et qui soutiennent que les évêques ont le droit de ne pas regarder
comme obligatoires certaines constitutions apostoliques relatives a
la discipline. (C. V, pag. 26.)

Les conciles des provinces de Sens, de Bourges, de Tours, d'Aix
et de Lyon, proclament en termes généraux et qui ne souffrent au-
cune exception, que les constitutions pontificales, celles qui ont
pour objet la discipline universelle de l'Église, aussi bien que les
constitutions dogmatiques, obligent tous les chrétiens, et que tous
sont tenus de leur obéir. (Sens, pag. 17; Bourges, pag. 28; Tours,
pag. 24; Aix, pag. 35; Lyon, pag. 33.)

Le concile de Paris, de l'an 1849, tient le même langage (Tit. 1,
c. I, pag. 32.)

(1) Observations sur un mémoire présenté à l'épiscopet, par S. Em. le cardinal Gous-
set, pag. 27.

Le concile de La Rochelle, tenu en 1853, s'exprime d'une manière
encore plus explicite:

« Nous déclarons, dit-il, qu'on ne peut, sans scandale, sans dom-
<< mage pour les âmes, sans injure et mépris pour le Saint-Siége,
<< soutenir ce que certains hommes soutiennent ouvertement en
<< toute occasion contre les sacrées congrégations romaines, ce que
« surtout ils ne cessent de répéter sur la sacrée congrégation de
« l'Index, disant que ses décrets, approuvés par le Souverain Pon-
<< tife, sont en France sans force et sans valeur. De nos jours, heu-
<< reusement, une pareille témérité est repoussée par la conscience
« des fidèles, par le respect profondément empreint dans les àmes
<< pour la souveraine autorité qui veille à leur salut, par la religion
« et la prudence des libraires chrétiens, et par l'équité même des
« juges civils. » (Concile de La Rochelle, chap. 1, § 6, pag. 26.)

Non-seulement nos derniers conciles provinciaux proclament que
les décrets de la congrégation de l'Index conservent toute leur force
et toute leur valeur; mais plusieurs de nos évêques ont publié des
mandements spéciaux pour rappeler l'obligation où l'on est, en
France, de s'y soumettre comme partout ailleurs. Nous rappelle-
rons, entre autres, la savante Instruction pastorale de Mgr Baillès,
ancien évêque de Luçon, où il traite la question ex professo; le
mandement de l'archevêque d'Aix pour le carême de 1856, dans
lequel il dit en termes formels :

« L'Index est fait pour la France comme pour les autres nations.
« Que signifieraient, en effet, ces paroles du Sauveur au prince des
« apôtres et à ses successeurs : Paissez mes agneaux, paissez mes
« brebis, si le pasteur universel n'avait le droit d'écarter tout son
« troupeau des pâturages mauvais, c'est-à-dire de prohiber, en
« tout lieu, les écrits dangereux ou corrupteurs? Et l'obligation d'é-
«couter les ministres de Jésus-Christ comme Jésus-Christ lui-
« même ne serait-elle pas illusoire, si chaque contrée pouvait invo-
« quer un privilége contre le chef suprême de l'Eglise, lorsqu'il
«< condamne un livre opposé à la saine doctrine et aux bonnes

« mœurs. »

Enfin le mandement sur l'index que Monseigneur l'évêque de
Périgueux adressa au clergé et aux fidèles de son diocèse à l'occa-
sion du Carême de 1854. Le vénérable prélat y prescrit, comme
remède radical et nécessaire, aux plaies faites par les mauvais livres
qui ont si profondément altéré au milieu de nous la foi, l'autorité et
les mœurs, l'application des règles de la sacrée congrégation de
l'index. Ce mandement fixa l'attention du Souverain Pontife qui le
sanctionna de son autorité suprême par un bref de félicitations et
d'encouragement. Ce bref, prouvant évidemment que la pensée
nette et précise de Sa Sainteté Pie IX, que sa volonté bien formelle,
est de rendre obligatoires pour la France, comme pour tout le reste
de la chrétienté, les décrets de la sacrée congrégation de l'index,
nous en donnerons la traduction à la fin de cet article.

On y verra que le chef suprême de l'Église proclame « qu'il est
« digne d'un évêque catholique d'exhorter avec ardeur les fidèles à
« se rappeler sans cesse les décrets de la sacrée congrégation de
« l'index, afin qu'ils en observent très-exactement les règles, studio-
« sissimè observent. »

De là, comme le recommande le Souverain Pontife, de là pour
l'évèque « l'obligation de n'épargner un seul instant ni ses soins, ni
a ses conseils, ni ses travaux, pour éloigner de ses enfants cette ef-
« frayante contagion de livres, libelles et journaux empestés, par
« lesquels les hommes ennemis... cherchent à infecter les esprits et
« les cœurs, à confondre tous les droits divins et humains et à ren-
« verser de fond en comble, s'il leur était possible, les fondements
a de notre très-sainte religion et de la société civile. »

La religion et la société eussent trouvé dans l'index une digue à
ce torrent dévastateur, remarque Monseigneur de Périgueux; mais
dès qu'elle fut rompue, il y eut alors liberté de tout penser et de
tout écrire, liberté de tout lire et de tout conserver dans ces arse-
naux de poisons héréditaires que l'on appelle bibliothèques. Aussi,
que de catastrophes religieuses, que de sociétés et de familles bou-
leversées, souillées. Hélas! nous le concevous encore. Mais ce que
nous ne concevrions plus, après la lecture de ce bref, ce serait que
ces paroles sorties d'une bouche sacrée qui ne s'ouvre que pour
instruire, corriger et bénir, ne fussent pas comprises. Nous ne pour-
rions nous expliquer, quand il s'agira de l'index, comment des voix
catholiques se feraient toujours entendre hostiles et discordantes,
comment un chrétien qui prétendrait reconnaître encore l'Église
pour sa mère, le Souverain Pontife pour son père, oserait bien avec
sa raison et son orgueil, se posant en face de la chaire de Pierre,
répéter sans cesse : « Que les décisions et les règles de l'index ne
constituent pas, en France, une obligation, et que tout au plus elles
sont un avertissement et un conseil, laissant toute latitude et li-
berté. Penser, agir et parler ainsi, ne serait-ce pas protester contre
l'Église, ses institutions et son chef? Que tout catholique y songe
avant d'émettre de tels principes.

Pendant fort longtemps, en France, on a cru et même enseigné,
dans les théologies et jusque dans les séminaires, que les jugements
de la congrégation de l'index n'y obligeaient pas et qu'ils étaient
plutôt un avertissement donné, comme un indice, qu'un livre de-
vait être lu avec précaution, qu'une défense formelle. Nous avons
démontré qu'il en est tout autrement et que ces principes sont faux
et erronés. Bien que ce préjugé disparaisse de jour en jour, il a
encore néanmoins des racines profondes dans le clergé français,
méme parmi les prètres les plus dévoués au Saint-Siége. Un grand
nombre de ceux-ci pensent que les condamnations de l'index regar-
dent en effet la France comme toutes les autres nations catholiques,
mais qu'elles n'y obligent point sous peine de péché mortel, autre-
ment, disent-ils, elles seraient envoyées aux évêques et promulguées

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