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irrévocable constitution émanée de nous, que toutes les concessions faites et les facultés accordées par nous, uniquement pour l'empire de Russie et le royaume des Deux Siciles, soient, dès ce moment, étendues et regardées comme telles, comme de fait nous les étendons à toutes les parties de notre État ecclésiastique, ainsi qu'à tous autres États et domaines.

C'est pourquoi nous concédons et accordons à notre très-cher Fils, Thaddée Borzowski, supérieur général de la Société de Jésus, et à ceux qui seront légitimement députés par lui, toutes les facultés nécessaires et convenables, selon notre bon plaisir et celui du Siege Apostolique, pour pouvoir librement et licitement, dans tous ces États et domaines ci-dessus mentionnés, admettre et recevoir tous ceux qui demanderont d'être admis et reçus dans l'ordre régulier de la Société de Jésus, lesquels réunis dans une ou plusieurs maisons, dans un ou plusieurs colleges, dans une ou plusieurs provinces, sous l'obéissance du supérieur général en exercice, et distribués selon l'exigence des cas, conformeront leur manière de vivre aux dispositions de la règle de saint Ignace de Loyola, approuvée et confirmée par les constitutions apostoliques de Paul III; nous permettons aussi et voulons qu'ils aient la faculté de donner leurs soins à l'éducation de la jeunesse catholique dans les principes de la religion, et l'attachement aux bonnes mœurs, ainsi que de gouverner des séminaires et des co.leges, et, avec le consentement et l'approbation des ordinaires des lieux dans lesquels ils pourront demander d'entendre les confessions, de prêcher la parole de Dieu, et d'administrer les sacrements librement et licitement. Nous recevons dès à présent les maisons, les provinces et les membres de ladite Société, ainsi que ceux qui pourront à l'avenir s'y associer et s'y agréger, sous notre garde, sous notre protection et obéissance et celle du Siége Apostolique; nous réservant à nos successeurs les Pontifes romains, de statuer et prescrire ce que nous croirons expédient pour établir et affermir de plus en plus ladite Société, et de réprimer les abus, si, ce qu'à Dieu ne plaise, il s'y en introduisait.

Nous avertissons et exhortons de tout notre pouvoir, tous et chacun des supérieurs, préposés, recteurs, associés et élèves quelconques de cette Société rétablie, à se montrer constamment et en tout lieu les fidèles enfants et imitateurs de leur digne père et d'un si gran instituteur; à observer avec soin la règle qu'il leur a donnée et prescrite, et à s'efforcer de tout leur pouvoir de mettre en pratique les avis utiles et les conseils qu'il a donnés à ses enfants.

«

Enfin, nous recommandons dans le Seigneur, à nos chers fils, les personnes nobles et illustres, aux princes et seigneurs temporels, ainsi qu'à nos vénérables frères les archevêques et évêques, et à toute personne constituée en dignité, la Société de Jésus et chacun de ses membres, et nous les exhortons et prions de ne pas permettre ni de souffrir que personne les inquiète, mais de les recevoir, comme il convient, avec bonté et charité.

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Voulons que les présentes lettres et tout leur contenu demeurent perpétuellement fermes, valides et efficaces; qu'elles aient et sortissent leur plein et entier effet, et soient inviolablement observées en tout temps et par tous qu'il appartiendra, et qu'il soit jugé et statué conformément à icelles, par tout juge revêtu d'un pouvoir quelconque; déclarons nul et de nul effet tout acte à ce contraire, de quelque autorité qu'il émane sciemment ou par ignorance.

«Nonobstart toutes constitutions et ordonnances apostoliques, et notamment les lettres susdites en forme de bref de Clement XIV, d'heureuse mémoire, commençant par les mots : Dominus ac Redemptor noster, expédiées sous l'anneau du pêcheur, le vingt et unième jour de juillet de l'an du Seigneur 1773, auxquelles, comme à toutes autres contraires, nous dérogeons expressément et spécialement à l'effet des présentes.

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Qu'il ne soit donc permis à personne d'enfreindre ou de contredire, par une entreprise téméraire, la teneur de notre ordonnance, statut, extension, concession, indult, déclaration, faculté, réserve, avis, exhortation, décret et dérogation; et si quelqu'un ose le tenter, qu'il sache qu'il encourra l'indignation de Dieu tout-puissant et des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.

« Donné à Rome à Sainte-Marie-Majeure, l'an de l'Incarnation de Notre-Seigneur mil huit cent quatorze, le 7 des Ides d'août et de notre pontificat le quinzième.

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La lecture de cette bulle causa dans l'auditoire une émotion sensible. On ne voyait pas sans étonnement cette résurrection d'un corps éprouvé par tant de traverses; on se rappelait que tant de disgraces avaient précédé de bien peu celles de l'Église et de la religion, et l'on trouvait conforme aux vues de la Providence qu'il se relevât avec elle. La lecture de la bulle achevée, le père Panizoni, provincial d'Italie, s'avança vers le trône de Sa Sainteté, et reçut de ses mains un exemplaire de la bulle. Il fut ensuite admis au baisement des pieds, ainsi que le provincial de Sicile et les jésuites qui se trouvaient présents, et qui étaient au nombre de cent quarante.

Après la publication de cette bulle, le cardinal Pacca, qui remplissait les fonctions de secrétaire d'État en l'absence du cardinal Consalvi, fit lire un édit de Sa Sainteté, qui ordonnait la restitution des capitaux existants des biens des jésuites, et des dédommagements pour ceux qui avaient été aliénés. Le marquis Ercolani, trésorier, rendit un décret exécutoire, et en conséquence les jésuites furent mis en possession des trois belles maisons qu'ils possédaient auparavant à Rome.

On voit par cette bulle, que Pie VII avait déjà autorisé l'établissement des jésuites en Russie, par un bref du 7 mars 1801, et dans le royaume de Naples, par un bref du 31 juillet 1801. Mais la révolution qui arrriva peu après dans ce royaume y détruisit cette œuvre naissante, néanmoins la société subsista en Sicile. Outre les établissements qu'avaient alors les jésuites dans ces deux États, ils en avaient aussi en Angleterre et aux États-Unis.

Pie VII a rétabli cette société aux applaudissements de l'Église entière, et ses successeurs, Léon XII, Pie VIII, Grégoire XVI et Pie IX, ont sanctionné ce rétablissement par la plénitude de leur pouvoir et l'énergie de leur volonté.

L'Espagne, qui avait donné le jour au fondateur de la Compagnie de Jésus, s'empressa de rétablir cette société. Le pape Pie VII, pour en témoigner sa satisfaction, adressa le bref suivant à Ferdinand VII, roi d'Espagne.

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BREF de Pie VII au roi d'Espagne, pour le rétablissement
des JESUITES.

Il nous est difficile de vous exprimer la joie que nous avons éprouvée lors que nous avons appris, par les lettres de Votre Majesté catholique, que vous aviez agréé le dessein que nous avions formé de rétablir la Société de Jésus et que nous avons mis à exécution par notre constitution du 7 des Ides du mois d'août dernier.

Quoique les justes raisons qui nous avaient porté à rétablir une société si utile, et que plusieurs Pontifes romains nos prédécesseurs avaient approuvée et confirmée, nous fissent croire que les fidèles de Jésus-Christ applaudiraient à notre projet, notre joie a été à son comble, notre cher fils, lorsque nous avons su que vous l'approuviez, vous dont la religion, la sagesse, la prudence font notre admiration.

• Nous nous sommes réjoui encore, des biens immenses que l'Espagne retirera, comme nous l'espérons, des prêtres réguliers de la Société de Jésus : car une longue expérience nous apprend que ce n'est pas seulement par leurs bonnes mœurs et leur vie évangélique qu'ils répandent la bonne odeur de JésusChrist, mais encore par le zele avec lequel ils travaillent au salut des âmes pour y parvenir; unissant à la vie la plus pure une connaissance approfondie des sciences, ils s'appliquent à étendre la religion, à la défendre contre les efforts des méchants, à retirer les chrétiens de la corruption, à enseigner les belles lettres à la jeunesse et à la former à la piété chrétienne.

Aussi n'avons-nous aucun doute que le rappel dans vos États de ces religieux, qui se livreront absolument aux devoirs qui leur sont imposés, n'y fassent refleurir l'amour de la religion, le goût des bonnes études et la sainteté des mœurs du christianisme, qui augmenteront de jour en jour. A tous ces avantages s'en joindront d'autres d'une bien grande importance, les liens d'amour et d'obéissance qui unissent les sujets à leur roi, se resserreront; l'union entre les citoyens, la tranquillité et la sûreté renaîtront; enfin, pour tout dire, en un mot, on verra reparaître parmi les peuples commis à Votre Majesté royale, le bonheur public et particulier.

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Ce n'est pas seulement vous, notre cher fils en Notre-Seigneur, que nous félicitons de tous ces biens, mais encore toute la nation espagnole, cette nation (que nous chérissons en Notre-Seigneur d'un amour particulier, à cause de son constant attachement à la religion chrétienne et des preuves de fidélité qu'elle nous a données, ainsi qu'au Saint-Siége Apostolique) sera une des premières à ressentir les heureux effets qui résulteront du rétablissement de cette illustre société, et que nous nous sommes proposé de procurer à tous les fidèles de JésusChrist.

« Nous pouvons encore assurer Votre Majesté, que le rétablissement de cette société, dont le fondateur est Espagnol, qui compte dans son sein plusieurs Espagnols qui l'ont illustrée par leur sainteté et leur science, et qui enfin a fait tant de bien à l'Espagne, sera regardée par les peuples commis à Votre Majesté, comme un nouveau bienfait et un des plus précieux parmi ceux que ne cesse de leur procurer votre sage prévoyance. Ce bienfait rattachera de plus en plus à votre personne sacrée le royaume d'Espagne, assurera parmi les gens de bien et perpétuera la gloire de votre nom, et, ce qui est bien plus important encore, sera pour vous un sujet de mérite auprès de Dieu.

Afin que vous puissiez recueillir tous ces biens, comme nous l'espérons, nous vous exhortons à mettre en exécution, le plus tôt possible, un projet si utile et

si religieux; et afin que vous commenciez votre entreprise sous des auspices heureux, et que Dieu bénisse vos travaux, nous donnons à Votre Majesté catholique notre bénédiction apostolique.

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Donné à Rome, le 15 décembre 1814, et l'an 15o de notre pontificat.

En conséquence, le roi d'Espagne rendit, le 29 mai 1815, pour le rétablissement des jésuites, le décret suivant :

Depuis que, par la singulière miséricorde de Dieu, je suis remonté sur le trône glorieux de mes ancêtres, il m'est continuellement parvenu une foule d'adresses des villes et des provinces de mon royaume, pour me supplier de rétablir dans toute l'étendue de mes États la compagnie de Jésus. Elles m'exposent tous les avantages qui en résulteraient pour mes sujets, et m'invitent à imiter l'exemple de plusieurs souverains de l'Europe, et particulièrement celui de Sa Sainteté, qui n'a point hésité à révoquer le bref de Clément XIV, du 21 juillet 1773, en vertu duquel fut aboli cet ordre célèbre, et à publier la bulle du 7 août 1814, Sollicitudo omnium Ecclesiarum. Les vœux de tant de respectables personnes qui m'ont donné les preuves les plus signalées de leur loyauté, de leur amour pour la patrie et de l'intérêt qu'elles n'ont cessé de prendre à la félicit temporelle et spirituelle de mes sujets, m'ayant déterminé à un examen plus approfondi des imputations faites à la Compagnie de Jésus, j'ai reconnu que sa perte avait été conjurée par la jalousie de ses plus implacables ennemis, qui sont également ceux de la sainte religion, qui est la base essentielle de la monarchie espagnole. Comme elle a toujours été hautement protégée par mes prédécesseurs, ce qui leur a mérité le titre de catholique, mon intention est de faire preuve du même zèle et d'imiter de si grands exemples. Convaincu de plus en plus que les plus ardents ennemis de la religion et du trône étaient ces mêmes hommes qui mettaient en œuvre toutes les ressources de l'intrigue et de la calomnie pour décrier la compagnie de Jésus, la détruire et persécuter ses membres, malgré les services inappréciables qu'ils rendaient à l'éducation de la jeunesse, j'ai pensé que cet important objet devait être soumis à la délibération de mon conseil, pour rendre ma décision plus inébranlable, ne doutant point que, dans l'exécution de mes ordres, il ne fasse ce qui convient le plus à ma dignité et à la félicité spirituelle et temporelle de mes sujets. La nécessité et l'utilité de la compagnie de Jésus ayant été reconnue, il a été décidé que son rétablissement serait aussitôt effectué dans les villes et les provinces qui l'ont sollicité, sans avoir égard à la disposition de la pragmatique sanction de mon bisaïeul, du 2 avril 1767, et à tous autres décrets et ordres royaux, qui, dès ce moment, demeurent supprimés et abrogés.

En conséquence, les colléges, hospices, maisons professes et de noviciat, résidences et missions des jésuites, seront rétablis, tant dans les villes que dans les provinces espagnoles, conformément aux lois et règlements portés dans le même décret. »

Les jésuites s'établirent alors en France comme en beaucoup d'autres États, et, suivant le but de leur institut, ils fondèrent plusieurs maisons d'éducation pour élever chrétiennement la jeunesse. Mais l'esprit d'impiété, qui avait sollicité leur suppression, obtint encore de les exclure du droit commun, en leur défendant d'enseigner dans les séminaires ou les colléges, sous la direction même des évêques. Tel est le but de l'ordonnance suivante, de funeste et déplorable mémoire:

ORDONNANCE du 16 juin 1828, contenant diverses mesures relatives aux écoles secondaires ecclésiastiques et autres établissements d'instruction publique.

« CHARLES, etc.

Sur le compte qui nous a été rendu,

4° Que, parmi les établissements connus sous le nom d'écoles secondaires ecclésiastiques, il en existe huit qui se sont écartés de leur institution, en recevant des élèves dont le plus grand nombre ne se destine pas à l'état ecclésiastique;

20 Que ces hnit établissements sont dirigés par des personnes appartenant à une congrégation religieuse non légalement établie en France, voulant pourvoir à l'exécution des lois du royaume, de l'avis de notre conseil, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit;

ARTICLE PREMIER. A dater du 4er octobre prochain, les établissements connus sous le nom d'écoles secondaires ecclésiastiques, dirigés par des personnes appartenant à une congrégation religieuse non autorisée, et actuellement existant à Aix, Billom, Bordeaux, Dôle, Forcalquier, Montmorillon, Saint-Acheul et Sainte-Anne-d'Auray, seront soumis au régime de l'université.

« ART. 2. A dater de la même époque, nul ne pourra être ou demeurer chargé, soit de la direction, soit de l'enseignement dans une des maisons d'éducation dépendantes de l'université, ou dans une des écoles secondaires ecclésiastiques, s'il n'a affirmé par écrit qu'il n'appartient à aucune congrégation religieuse non légalement établie en France. »

On invoque dans cette ordonnance les lois du royaume; mais M. de Vatimesnil, qui était, à cette époque, ministre de l'instruction publique, démontre très-bien que les anciens arrêts et édits sur les jésuites sont évidemment étrangers à l'ordre de choses actuel.

« De deux choses l'une, dit cet ancien ministre (4), ou les lois postérieures à 1789, qui prohibent les associations religieuses, et notamment le décret de l'an XI, existent encore dans toute leur vigueur, et alors il est parfaitement inutile de s'occuper des anciens arrêts et édits relatifs aux jésuites, puisque la législation moderne suffit pour donner au pouvoir le droit de les dissoudre, comme pour lui donner celui de dissoudre toute autre corporation religieuse; ou, au contraire, ces lois ont été abrogées par les articles 291 et suivants du Code pénal, et par l'article 5 de la Charte, qui forment le dernier état de la législation; et, en ce cas, il faut examiner si les anciens édits et arrêts ont recouvré une existence qu'ils avaient perdue, et si, par suite, les individus qui appartiennent à la société des jésuites, se trouvent placés dans une situation différente de celle des individus qui appartiennent à d'autres congrégations religieuses. »

(1) Lettre au R. P. de Ravignan, page 17.

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