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M. de Vatimesnil montre qu'effectivement les lois postérieures à 1789 ont été abrogées par l'art. 291 et suivants du Code pénal, et par l'art. 5 de la Charte de 1830.

Les jésuites ne sont pas dans une situation à part; pour qu'ils y fussent, il faudrait que quelque chose eût fait revivre les anciens arrèts et édits qui suppriment leur société. La question consiste donc à savoir si, en effet, ils ont repris la force et l'autorité que les lois rendues depuis 1789 leur avaient enlevées. Or, sa solution négative ne paraît pas douteuse : elle dérive d'un point de doctrine important et aujourd'hui bien établi, c'est qu'une loi anéantie ne peut jamais ressusciter de plein droit. Ce serait, dit M. Dupin, procureur général, un miracle aussi impossible en législation que daus l'ordre de la nature. Un arrêt de la Cour de cassation, du 13 février 1836, a consacré cette doctrine. D'ailleurs, si nous ne savions que les préventions aveuglent et font souvent tomber les meilleurs esprits dans l'absurde et l'inconséquence, nous ne nous expliquerions pas qu'on pût contester une vérité aussi claire et aussi évidente en présence de l'article 5 de la Charte, qui garantit à chacun la pleine et entière liberté de culte et de conscience. Les jésuites sont donc actuellement en France sur le même pied que tous les autres citoyens : ils ne réclament aucun privilége, ils ne demandent que le droit commun, le droit de vivre humblement sous le mème toit, de partager la même table, de se vouer aux services les plus pénibles et les plus durs, de se sacrifier en commun et sous la garantie d'un vœu que Dieu a reçu, à l'instruction de la jeunesse, à la prédication de la parole divine, aux fonctions sévères du sacerdoce; ils le demandent au nom de la liberté de conscience, au nom de la liberté des cultes, au nom de la liberté d'enseignement, au nom de la Charte ! Vouloir leur refuser le droit commun, ne serait-ce pas violer la Charte elle-même et commettre une souveraine injustice? On nous pardonnera cette réflexion, moins étrangère qu'on ne pense au but de cet ouvrage, en faveur d'un ordre persécuté que nous vénérons et que nous admirons (1).

§ II. Régime de la société des JÉSUITES.

La Société de Jésus est composée de quatre sortes de personnes : les écoliers, les coadjuteurs spirituels, les profes et les coadjuteurs temporels.

Les écoliers, appelés aussi étudiants ou scolastiques ne font que des vœux simples; ils sont différents des novices. Les coadjuteurs spirituels sont ainsi nommés parce qu'on les considère comme les

(1) Ceci était écrit en 1845. Depuis cette époque, les préventions haîneuses et ridicules que le gouvernement même entretenait contre les jésuites ont presque entièrement disparu. Le gouvernement d'aujourd'hui paraît être plus juste et plus impartial à leur égard. D'ailleurs nos mœurs actuelles, ainsi que la plus stricte justice, demandent qu'on respecte la liberté des ordres religieux,

aides des profès dans le ministère et le gouvernement ecclésiastique. Ils ne font que les trois voeux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance; ce qui comprend l'instruction de la jeunesse. Ils sont agrégés à la société pour faire les mêmes fonctions que les profès, excepté d'enseigner la théologie, et ils sont au-dessus des écoliers. Ils ont le même engagement à la société que les profès, mais la société n'est pas engagée de même à leur égard, et ils peuvent être congédiés, si on le juge nécessaire. Les profès sont le principal corps de la compagnie, et, suivant la première approbation de leur institut, ils ne devaient être que soixante; mais leur grande utilité fit bientôt lever cette restriction. Ces profès font des vœux solennels. Il y a deux sortes de profès, savoir, ceux qu'on appelle ordinaires, qui ne font que les trois vœux, et les profès qu'on appelle profes de quatre vœux, parce qu'ils font un quatrième vœu par lequel ils promettent spécialement obéissance au pape pour ce qui regarde les missions; mais le pape n'use point de ce pouvoir, il le laisse au général. Les coadjuteurs temporels sont comme les frères lais chez les moines (1).

Les jésuites ont quatre sortes de maisons, savoir, les maisons professes, les maisons de probation ou de noviciat, les colléges et les missions. Toutes ces maisons sont distribuées par provinces et soumises au général, qui demeure à Rome.

Tout se fait chez les jésuites par l'autorité du général; il approuve tous les sujets qui se présentent pour entrer dans la compagnie, il en retranche ceux qui n'y sont pas propres, il donne toutes les charges (2). Il y a en chaque maison un recteur qu'on appelle préfet en quelques endroits, un procureur, un ministre et quelques officiers semblables. Un provincial a l'intendance sur plusieurs maisons, suivant la division des provinces de la société. Le général établit d'ordinaire ces officiers pour trois ans, mais il peut les continuer ou les révoquer. C'est aussi lui qui reçoit les fondations et qui fait tous les contrats au profit de la société, mais il ne peut aliéner sans le consentement de la congrégation générale, qui ne s'assemble que rarement: elle est nécessaire au moins pour l'élection du général qui est à vie (3). La société donne au général un certain nombre d'assistants tirés des différentes provinces, et qu'il doit consulter pour les choses qui regardent son administration. La société désigne aussi un admoniteur, dont la charge est d'avertir le général, surtout en ce qui regarde sa conduite personnelle et privée (4). Du reste, l'autorité du général n'a point d'autre contrôle régulier et ordinaire; il est obligé de prendre et de recevoir des conseils; il est seul juge de sa détermination dernière. (Voyez ABBÉ.)

(1) Constitutiones Societatis Jesu, part. II, c. 1.

(2) Ibid., part. IX, c. 3.

(3) Ibid., part. VIII, c. 6.
(4) Ibid., part. Ix, c. 4, § 4.

Tous les supérieurs provinciaux et locaux, tous les membres de la compagnie sont soumis au général et lui doivent obéissance; tous peuvent librement recourir à lui et lui écrire comme aux autres supérieurs (1).

Les jésuites sont mis, par la bulle de leur fondation, au nombre des religieux mendiants; mais la même bulle porte qu'ils pourront avoir des colléges auxquels il y aura des revenus attachés pour les professeurs et les étudiants qui sont membres de la société, et que le général et la société auront le gouvernement et l'intendance de ces colléges et de leurs biens. Les constitutions défendaient au général d'appliquer aucune partie des revenus des colléges à l'usage des profès; mais les déclarations, qu'on peut regarder comme une clause qui modifie quelquefois le texte, permettent au général d'assister de ces revenus les profès qui sont utiles aux colléges, comme les prédicateurs, les professeurs et les confesseurs.

JESUITESSES.

Congrégation de religieuses qui avaient des établissements en Italie et en Flandre; elles suivaient la règle et imitaient le régime des jésuites. Quoique leur institut n'eût point été approuvé par le Saint-Siége, elles avaient plusieurs maisons auxquelles elles donnaient le nom de colléges, d'autres qui portaient le nom de noviciat, elles faisaient entre les mains de leurs supérieures les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance; mais elles ne gardaient point la clôture, et se mêlaient de prêcher. (Voyez FEMME.)

Ce furent deux filles anglaises venues en Flandre, nommées Warda et Tuitia, qui formèrent cet institut, selon les avis et sous la direction du père Gérard, recteur du collège d'Anvers, et de quelques autres jésuites. Le dessein de ces derniers était d'envoyer ces filles en Angleterre, pour instruire les personnes de leur sexe. Warda devint bientôt supérieure générale de plus de deux cents religieuses.

Le pape Urbain VIII, par une bulle du 13 janvier 1630, adressée à son nonce de la basse Allemagne et imprimée à Rome en 1632, supprima cet ordre, institué avec plus de zèle que de prudence (2).

JEU.

Le jeu est un exercice pris dans la vue de se divertir ou de se délasser; il est défendu aux clercs, comme on le voit sous le mot CLERC. Le canon 1, distinction 35, les menace de déposition, s'ils s'adonnent à tels jeux, qui passent les bornes de l'honnêteté et de la modération Episcopus, aut presbyter, aut diaconus aleæ atque ebrietati deserviens, aut desinat, aut certè damnetur (in græco deponatur); subdiaconus, aut lector, aut cantor similia faciens, aut

(1) Constitutiones Societatis Jesu, part. IX, c. 3 et 6.

(2) Bergier, Dictionnaire de théologie.

desinat, aut communione privetur. On voit par les termes de ce canon, que la peine qu'il prononce contre les clercs n'est, pour ainsi dire, que comminatoire; et telle est l'interprétation de la glose qui est la même au chapitre Inter dilectos, de Exces. prælat., où le pape Innocent III déclare nulle la collation d'un bénéfice faite à un clerc du diocèse de Tours, joueur et usurier en même temps. Ce clerc alléguait pour sa défense la coutume du pays où les clercs étaient communément dans l'usage de jouer et de prêter avec profit. Le pape n'eût point d'égard à cette excuse, et condamna cette honteuse coutume Nos tamen qui ex officii nostri debito pestes hujusmodi extirpare proponimus atque ludos voluptuosos (occasione quorum sub quâdam curialitatis imagine, ad dissolutionis materiam devenitur) penitùs improbamus excusationem prædictam, quæ per pravam consuetudinem (quæ corruptela dicenda est), palliatur, frivolam repulantes. Les termes de la glose sur le mème chapitre sont aussi remarquables: Aleæ hodie prohibentur, tamen videtur quod propter hoc non debet privari jure suo, si vellet se corrigere, idem videtur de usura, sed aliud est in obtento, aliud in obtinendo propter usuram; indistinctè repelletur ab obtinendo, sed in obtento beneficio potest episcopus facere gratiam si se libenter corrigat, de jure tamen potest deponi. (C. 1, dist. 45; c. Si quis oblitus; c. Quoniam multi 14, quæst. 4.) (Voyez USURE, HOMICIDE.)

Quant aux jeux permis ou tolérés par l'usage, on ne peut trouver mauvais qu'un prètre y consacre quelques moments pour cause de délassement; mais il doit avoir soin de ne jouer qu'à un jeu modéré. Les statuts des diocèses de Belley, de 1749; de Grenoble, de 1838; de Périgueux, de 1839, etc., défendent aux ecclésiastiques de jouer la nuit. Quelques évêques engagent à ne pas jouer au-delà de neuf heures du soir. Le concile de Rennes de l'an 1849, comme nous le disons au mot CLERC, engage les ecclésiastiques, s'ils se livrent quelquefois à des jeux permis, par manière de récréation, de le faire avec modération, n'y passant jamais de longues heures du jour ou de la soirée. Le concile de Bordeaux de l'année suivante, dit dans le même sens : Nec lusibus etiam licitis indulgeant, nisi moderatè et sublatá omni cupiditate lucrandi.

Les jeux qui se jouent en public, comme le mail, la paume, sont défendus aux clercs, et généralement tous ceux dans lesquels ils peuvent être un scandale pour les laïques. (Canon 25 du concile de Sens en 1528.) Aussi les ordonnances du diocèse de Sens défendent-elles, sous peine de suspense encourue ipso facto, de jouer à la paume ou aux boules en public ou à la vue du public. La mème peine est portée contre ceux qui jouent dans des lieux publics. Les conciles de Reims et de Bordeaux, tenus en 1583, défendent aux eleres toute espèce de jeux de hasard. Celui de Lyon, tenu en 1850, fait la même défense: Lusus aleatorios, ludos publicos omninò deritent. Cependant, en vertu de la coutume, il y a certains jeux de hasard qui sont aujourd'hui tolérés, du moins à l'égard des laïques.

Bergier remarque (1) que les Pères de l'Église ont regardé comme une espèce d'usure, ou plutôt de vol défendu par le huitième commandement de Dieu, le gain fait aux jeux de hasard. Suivant le sentiment de plusieurs canonistes, il faut restituer ce que l'on a gagné aux jeux défendus, non aux joueurs, mais aux pauvres, ou l'employer à de bonnes œuvres.

Sur la question si l'on peut demander de l'argent que l'on a gagué au jeu, ou répéter celui que l'on y a perdu, l'on distingue les jeux défendus des autres; l'on ne peut demander l'argent qu'on a gagné à des jeux défendus, ni répéter celui que l'on y a perdu, et que l'on a payé; mais on a une action légitime à intenter contre celui qui refuse de payer ce qu'il a perdu à un jeu permis et honnète. Voici ce que le Code civil a statué à cet égard :

« ART. 1965. La loi n'accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d'un pari.

« ART. 1966. Les jeux propres à exercer au fait des armes, les courses à pied et à cheval, les courses de chariot, les jeux de paume et autres jeux de même nature qui tiennent à l'adresse et à l'exercice du corps, sont exceptés de la disposition présente.

Néanmoins le tribunal peut rejeter la demande quand la somme lui paraît excessive.

ART. 1967. Dans aucun cas, le perdant ne peut répéter ce qu'il a volontairement payé, à moins qu'il n'y ait eu, de la part du gagnant, dol, supercherie ou escroquerie. >>

JEUNE.

Le jeúne est une mortification qui consiste dans la privation de quelques repas, et qu'il ne faut pas confondre avec l'abstinence de certains aliments, comme de la viande, des œufs ou du laitage. Le jeune comprend sans doute l'abstinence; mais l'abstinence de certains aliments n'est pas toujours accompagnée de jeune. (Voyez ABSTINENCE.)

Le jeune est ordonné par l'Église pendant le carême, les quatretemps et certaines vigiles. Le jeune du carème a été établi des les premiers siècles de l'Église, afin qu'il y eût un temps de l'année consacré à la pénitence, et pour imiter l'exemple de Jésus-Christ qui a jeûné pendant quarante jours. On ne trouve pas une époque certaine de l'établissement du carême; on sait seulement par les constitutions apostoliques que les chrétiens de la primitive Église jeunaient pendant le temps qui précédait la Pàque, et que ce jeune durait jusqu'à l'heure de vèpres, c'est-à-dire jusqu'au soir. Voici ce qu'en dit le canon 46, distinction 5, de Consecratione, pris, pour le sens, d'une homélie de saint Grégoire pape: Quadragesima, summâ observatione est observanda, ut jejunium in eâ (præter dies dominicos, qui de abstinentià subtracti sunt), nisi quem infir

(1) Dictionnaire de théologie.

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