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Le père Thomassin remarque que, quoiqu'il n'y eût point de loi qui prescrivit le noir avant le concile de Trente, l'usage en était toutefois établi depuis longtemps.

Suivant l'analyse des conciles donnée par le père Richard, tom. IV, pag. 78, on compte jusqu'à treize conciles généraux, dix-huit papes, cent cinquante conciles provinciaux, et plus de trois cents synodes, tant de France que des autres royaumes, qui ont ordonné aux clercs de porter l'habit long, c'est-à-dire la soutane. Voilà, certes, de bien nombreuses et bien imposantes autorités. Elles nous semblent de nature à faire quelque impression sur l'esprit de ces prétres qu'on ne voit jamais en soutane que dans l'église.

Si les ecclésiastiques après avoir lu et pesé les réglements faits par ces conciles, trouvaient encore quelques difficultés sur ce point de discipline, pour se convaincre de l'obligation qu'ils ont de porter toujours la soutane dans le lieu de leur résidence, ils n'ont qu'à consulter les ordonnances que les évêques des provinces ecclésiastiques de France ont fait publier depuis dans leurs diocèses: et qu'ils font encore publier tous les jours; ils verront qu'elles tendent toutes à obliger les ecclésiastiques constitués dans les ordres sacrés, ou qui sontattachés au service de quelque église, à porter toujours, dans le lieu de leur résidence, la soutane noire qui descend jusqu'aux talons; et que, pour engager ceux qui ne se portent pas par estime pour leur état à s'acquitter de ce devoir, de le faire au moins par crainte, plusieurs évêques ont ordonné des peines canoniques contre les réfractaires.

L'article organique 45, porte: « Tous les ecclésiastiques seront « habillés à la française et en noir. » Mais cet article, contraire aux saints canons, a été modifié par un arrêté du gouvernement du 8 janvier 1804. (Voyez COSTUME.)

§ II. HABITS ecclésiastiques destinés au ministère des autels.

Les habits dont on se servait anciennement dans les églises pour le ministère des autels n'étaient différents des habits civils et ecclésiastiques que par la propreté et la couleur. Ce n'a été que dans la suite que l'on a affecté avec des sens mystiques certains habits particuliers pour la célébration des saints mystères. Fleury remarque (1) que la chasuble était un habit vulgaire du temps de saint Augustin, que la dalmatique était en usage dès le temps de l'empereur Valérien, et que l'étole était un manteau commun, même aux femmes. Nous l'avons confondu, dit-il, avec l'orarium, qui était une bande de linge dont se servaient tous ceux qui voulaient être propres pour arrêter la sueur du cou et du visage; enfin le manipule, en latin manipula, n'était qu'une serviette ou une espèce de mouchoir sur le bras pour servir à la sainte Table. A l'égard de l'aube, c'està-dire cette robe blanche de laine ou de lin dont on se sert à présent

(1) Mœurs des chrétiens, pag. 41.

dans les églises, elle était sans doute commune autrefois dans siècle, puisque l'empereur Aurélien fit au peuple romain des largesses de ces sortes de tuniques. C'est sur tous ces habits et sur quelques autres, que les conciles ont fait divers réglements. Les diacres de Ravenne s'en servaient aussi; et afin que ce droit ne leur fût pas disputé, ils prièrent le pape saint Grégoire de le leur confirmer. Saint Césaire d'Arles obtint du pape Symmaque que les diacres de son église porteraient la dalmatique. L'auteur de la vie de ce saint distingue la chasuble dont il se servait à l'église, de celle qu'il portait dans les rues. Cette circonstance prouve ce que nous avons avancé, qu'autrefois on se servait à l'autel des habits ordinaires, mais avec une certaine distinction de propreté. La couleur blanche paraît avoir toujours été celle qu'on a recherchée le plus dans l'Église. Saint Grégoire de Tours nous présente le chœur des prêtres en habits blancs, et saint Grégoire de Nazianze avait fait la même représentation de son clergé, avec cette même observation, que les clercs, ainsi vêtus de blanc, imitaient les anges par l'éclat de cette couleur.

Quoiqu'il en soit, nous croyons que, dès l'origine de l'Église on s'est servi d'habits ou vêtements particuliers pour offrir le saint sacrifice de la messe. C'est le sentiment du cardinal Bona, partagé par plusieurs écrivains. « Nous ne pensons pas, dit-il (1), que les « fidèles, qui avaient tant de respect, une attention si religieuse « pour tout ce qui touchait à l'auguste sacrifice, aient jamais soufa fert qu'on ait employé dans ces vêtements rien de trop commun « ou d'inconvenant. » En effet, saint Jérome dit en termes formels que la religion divine emploie dans le saint ministère, d'autres a habits que ceux qui servent dans les circonstances ordinaia res (2). »

Le quatrième concile de Tolède veut qu'on rende à ceux qui ont été injustement déposés les ornements dont ils ont été dépouillés : aux évêques, l'étole, l'anneau et la crosse; aux prêtres l'étole et la chasuble; aux diacres, l'étole et l'aube; aux sous-diacres, la patène et le calice. En Espagne, les sous-diacres, dans ce temps-là, ne portaient point encore d'aube, ni les diacres de dalmatique. Le troisième concile de Bretagne ordonne de déposer ceux qui emploient les vases et ornements sacrés à l'usage de la vie civile; il veut que le prêtre se couvre de l'étole, la tête et les deux épaules, et qu'elle soit croisée sur l'estomac de manière qu'elle représente le signe de la croix. (Voyez ÉTOLE.)

Le pape Nicolas régla les habits que devaient avoir au chœur les chanoines de l'église de Saint-Pierre de Rome: il leur donna des surplis sans chapes, depuis Pâques jusqu'à la Toussaint, et depuis la Toussaint jusqu'à Pâques, des chapes de serge sur leur surplis, ce

(1) Traité du Saint sacrifice, ch. XXIV.

(2) In cap. 44 Ezechiel.

qui a depuis été pratiqué dans tous les chapitres. Ce surplis allait apparemment jusqu'à terre, puisque le pape dit: Lineis togis superpelliceis. La chape de chanoine était différente de celle des autres bénéficiers. Le concile de Bâle, session XXI, ch. 3, veut que le surplis descende plus bas que la moitié des jambes, et qu'on se serve de chapes ou de surplis, suivant les saisons et l'usage de chaque pays. On pourrait douter, dit le père Thomassin, si ces anciens surplis avaient des manches, parce que ce n'était que des chapes de lin, et le concile de Narbonne sembla opposer le surplis au rochet: Linea non machinata veste sine roqueto. Dans l'Italie, du temps de saint Charles, le surplis avait des manches. Le premier concile de Milan ordonna de les porter larges, afin qu'elles fussent distinguées de celles du rochet. Il peut se faire qu'on ait porté en quelques endroits de France le surplis sans manches plus longtemps que dans les autres églises. Le concile d'Aix condamne cet usage; il ordonne en même temps de porter le rochet sous la chape. Le plus ancien auteur qui ait parlé de surplis est Étienne de Tournay; il dit : Superpelliceum novum, candidum talare. (Voyez SURPLIS.)

Quant aux habillements de tête, l'usage n'en est pas fort ancien. En 1242, les religieux de l'église métropolitaine de Cantorbéry obtinrent du pape Innocent IV la permission d'avoir le bonnet sur la tête pendant le service divin, parce qu'y ayant assisté jusqu'alors tête nue, ils en avaient contracté de fàcheuses maladies. Le concile de Bâle veut qu'on se couvre d'une aumusse ou d'un bonnet qu'il appelle biretum. C'est ce que nous appelons aujourd'hui barrette. Le concile de Malines de l'an 1607 prescrit aux clercs de la porter. Clericale biretum quod est ecclesiasticorum hominum proprium ad crucis formam confectum. Cette barrette n'était pas seulement portée dans l'intérieur de l'église, mais encore en tout temps. Aujourd'hui elle n'est mise que lorsqu'on est en habit de chœur, soit dans l'église, soit dans les processions extérieures. Ces ornements de tête étaient communs aux ecclésiastiques et aux séculiers; car, dans la chronique de Flandres et dans le continuateur de Nangis, il est parlé de l'aumusse et de la barrette de l'empereur Charles IV dans l'endroit où ces auteurs rapportent ce qui s'est passé à l'entrevue de ces princes. La couleur de la barrette doit être noire, selon le concile d'Asti, tenu en 1588: Biretum nigri sit coloris, illudque non fronti vel alteri temporum descendens inclinatumque, sed capiti æqualiter impositum ferant. L'écrivain Sarnelli rapporte que les chanoines d'Anvers portaient la barrette violette, non pas comme prérogative, mais pour se conformer à une ancienne tradition. Les barrettes des cardinaux sont rouges, celles des évêques violettes et celles des chanoines noires avec un liséré rouge. (Voyez AUMUSSE.)

Ce qu'on appelait caputium est défendu dans le concile de Bâle, et permis dans les conciles postérieurs; peut-être que dans le premier il signifie chapeau, et dans les autres l'aumusse ou le capuchon de la chape. Depuis, au lieu de porter l'aumusse sur la tête,

on l'a mise sous le bras. Un concile de Reims en parle comme d'un ornement propre aux chanoines: Sine amultio et aliis canonicorum insignibus, dit ce concile au titre des chanoines; ensuite il défend de porter l'aumusse et le surplis dans les lieux publics (1).

Le camail est un habillement de chœur usité surtout en hiver. (Voyez CAMAIL.)

L'aube était autrefois d'un usage ordinaire, il en était de même de l'étole; mais toutes ces choses ont changé. Comme c'était alors, dit le père Thomassin, principalement par l'aube que les clercs se distinguaient des laïques, qui étaient aussi bien qu'eux vêtus de long, il était de bienséance qu'ils la portassent toujours; mais cet usage ayant été aboli, et la distinction des clercs d'avec les laïques se remarquant par tant d'autres choses, on a jugé contraire à la bienséance de porter le surplis, qui a succédé à l'aube, hors de l'église. C'est aussi ce qui a été défendu par le concile de Reims en 1583: Ut sine superpelliceo et amultio in ecclesiá comparere planè irreligiosum est; sic illa ad loca publica rerum venalium deferre, prorsus indecorum ac sordidum esse, nemo est qui non videat. (Part. IV, liv. 1, ch. 37.)

Comme l'aube devenait incommode à cause de son ampleur, on prit l'habitude de la serrer avec un cordon ou une ceinture. Mais cette ceinture n'est point, à proprement parler, un habit ou un ornement ecclésiastique. La ceinture ou cordon doit être de la couleur de l'aube. La même raison qui fit adopter la ceinture sur l'aube la fit aussi adopter pour la soutane. Celle-ci fait partie du costume ecclésiastique. Sa signification mystique, comme l'indique la prière qu'on récite en la ceignant autour des reins, est la chasteté, qui doit surtout briller dans un ministre des autels.

La plupart des chanoines réguliers avaient conservé l'ancien usage de porter le surplis sur la soutane hors de l'église. Quelques évêques cependant le font encore aujourd'hui; nous croyons que cet usage est peu convenable.

A l'égard des ornements épiscopaux de ces derniers, et qui consistent dans la mitre, la crosse, l'anneau, la croix, le pallium, etc., nous en parlons sous chacun de ces noms. Le concile de Milan dit que les curés doivent porter le chaperon sur l'épaule et l'évêque doit avoir le rochet et le camail, même à la campagne, et avec un habit court; qu'il doit s'habiller de noir les jours de jeûne, et de violet en tout autre temps; et enfin qu'il ne doit paraître devant un cardinal, un légat, un métropolitain, qu'avec le mantelet sur le rochet. On appelle habits pontificaux ceux qui sont propres aux évêques, et habits sacerdotaux ceux qui sont à l'usage des prêtres.

§ III. HABITS religieux.

Les religieux sont soumis à tous les règlements qui ont été faits (1) Dictionnaire de liturgie, par M. Pascal.

touchant l'habillement des clercs séculiers, et de plus, à d'autres particuliers qui les concernent et dont nous parlons sous le mot

RELIGIEUX.

a Les fondateurs des ordres monastiques qui ont d'abord habité les déserts, dit Bergier (1), ont donné à leurs religieux le vêtement qu'ils portaient eux-mêmes, et qui était ordinairement celui des pauvres. Saint Athanase, parlant des habits de saint Antoine, dit qu'ils consistaient dans un cilice de peau de brebis, et dans un simple manteau. Saint Jérôme écrit que saint Hilarion n'avait qu'un cilice, une saie de paysan et un manteau de peau; c'était l'habit commun des bergers et des montagnards, et celui de saint JeanBaptiste était à peu près semblable. On sait que le cilice était un tissu grossier de poil de chèvre.

« Saint Benoît prit pour ses religieux l'habit ordinaire des ouvriers et des hommes du commun; la robe longue qu'ils mettaient par dessus était l'habit de chœur, saint François et la plupart des ermites se sont bornés de même à l'habit que portaient de leur temps les gens de la campagne les moins aisés, habit toujours simple et grossier. Les ordres religieux qui se sont établis plus récemment dans les villes ont retenu communément l'habit que portaient les ecclésiastiques de leur temps, et les religieuses ont pris l'habit de deuil des veuves. Si dans la suite il s'y est trouvé de la différence, c'est que les religieux n'ont pas voulu suivre les modes nouvelles que le temps a fait naître. »

Nous ne pouvons nous abstenir de rapporter ici les observations de Fleury sur ce sujet. « Si les moines, dira-t-on, ne prétendaient que de vivre en bons chrétiens, pourquoi ont-ils affecté un extérieur si éloigné de celui des autres hommes? A quoi bon se tant distinguer dans des choses indifférentes? Pourquoi cet habit, cette figure, ces singularités dans la nourriture, dans les heures du sommeil, dans le logement? En un mot, à quoi sert tout ce qui les fait paraître des nations différentes répandues entre les nations chrétiennes ? Pourquoi encore tant de diversité entre les divers ordres de religieux, en toutes ces choses qui ne sont ni commandées ni défendues par la loi de Dieu? Ne semble-t-il pas qu'ils aient voulu frapper les yeux du peuple pour s'attirer du respect et des bienfaits? Voilà ce que plusieurs pensent, et ce que quelques-uns disent, jugeant témérairement, faute de connaître l'antiquité. Car si l'on veut se donner la peine d'examiner cet extérieur des moines et des religieux, on verra que ce sont seulement les restes des mœurs antiques qu'ils ont conservées fidèlement durant plusieurs siècles, tandis que le reste du monde a prodigieusement changé.

« Pour commencer par l'habit, saint Benoît dit que les moines doivent se contenter d'une tunique avec une cuculle et un scapu

(1) Dictionnaire de théologie.

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