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IMPUISSANCE.

Par l'impuissance, qui est au nombre des empêchements dirimants du mariage, on entend une incapacité de pouvoir jamais consommer le mariage: Impotentia est inhabilitas ad habendam copulam carnalem.

Cet empêchement est de droit naturel et de droit positif ecclésiastique. Il est de droit naturel, suivant saint Thomas, parce que l'impuissance met la personne qui en est atteinte hors d'état de remplir les devoirs auxquels elle s'est engagée en se mariant; il est de droit ecclésiastique positif, comme il paraît par le canon Quod autem 33, qu. 1. Le pape Grégoire II donna la même décision dans le huitième siècle. ( Can. Requisisti, eâd. caus.; can. Si quis; can. Si per sortiarias, eâd. caus. et quæst.) Depuis, mais non plus tôt, l'Église a toujours déclaré que le mariage des impuissants n'était pas légitime. (Tot. tit. de Frigid. et malef., etc.)

Il y a impuissance perpétuelle, temporelle, naturelle, surnaturelle, absolue et respective.

L'impuissance perpétuelle est celle qui ne peut être ôtée, ni par les remèdes naturels, ni par les prières ordinaires de l'Église, c'està-dire, qui ne peut être guérie que par un miracle ou un péché, comme s'il fallait ou détruire un maléfice par un autre, ou exposer à un danger évident de mort.

L'impuissance temporelle est celle qui peut cesser avec le temps comme dans les impubères, ou par les secours ordinaires de la médecine, ou par les prières qu'emploie l'Église dans ces sortes d'oc

casions.

L'impuissance naturelle est celle qui vient ex vitio naturali temperamenti, vel partium genitalium; et l'accidentelle, qui vient d'une maladie, d'une opération ou de quelque autre cause de même espèce.

L'impuissance surnaturelle est celle qui est causée par un malé– fice du démon que Dieu permet, dit un pieux et savant évêque de Luçon, parce que la concupiscence domine particulièrement dans l'action charnelle. Depuis le temps d'Hincmar, archevêque de Reims, qui est l'auteur du canon Si per sortiarias 33, qu. 1, presque tous les rituels marquent non seulement les pieux avis qu'un curé doit donner à ceux qui se trouvent impuissants par quelque maléfice, ligamento, fascinamento, et maleficio Satana, ex quo non lædetur organum, sed ejus usus impeditur, mais aussi les prières qu'il doit faire pour lever cet empêchement. Zachias (1) remarque très judicieusement, que souvent l'on attribue à des maléfices l'impuissance qui provient vel ex verecundiâ et pudore, vel ex nimio amore, vel infenso odio sponsæ quam vir invitus duxit; mais ce savant médecin admet l'impuissance surnaturelle, et saint Thomas dit qu'elle

(1) Liv. III, lif. 4, quest. 5., in fine.

est perpétuelle, si elle ne peut être guérie par aucun remède hu→ main, maleficium est perpetuum quod non potest habere remedium humanum, quamvis Deus remedium posset præstare. (In suppl. qu. 57, art. 2.)

L'impuissance absolue est celle qui rend une partie incapable de consommer le mariage avec quelque personne que ce puisse être. La respective est celle qui rend un homme impuissant à l'égard d'une femme, par exemple, d'une fille qui a toujours été sage, mais qui ne l'empêcherait pas d'user du mariage avec une autre, par exemple, avec une veuve. Saint Thomas ne croit pas qu'il y ait d'impuissance respective, saint Antonin soutient fortement le contraire.

C'est l'impuissance perpétuelle, dit Zachias avec tous les canonistes et les jurisconsultes, qui seul est un empêchement dirimant du mariage et une juste cause pour le faire déclarer nul; parce que si elle peut se lever naturellement, ou avec les prières de l'Église, le mariage qui peut avoir son exécution a été valide et subsiste. (Voyez FRIGIDITÉ, CONGRÈS.)

L'impuissance absolue et perpétuelle est donc un empêchement dirimant de droit naturel et de droit positif ecclésiastique. Quand elle existe réellement, elle rend le mariage, bien que contracté suivant les formalités prescrites par l'Église, complétement nul. Les parties devraient donc alors ou se séparer et ne point cohabiter ensemble, ou vivre comme frère et sœur. Mais comme nos lois civiles, en France, ne reconnaissent point cet empêchement, que devrait-on faire si l'une des deux parties voulait contraindre l'autre, contrairement à sa conscience, à cohabiter avec elle selon les lois du mariage? Le cardinal Gousset répond que, dans une circonstance aussi grave et entourée de tant de difficultés, le confesseur ne devrait rien faire de sa propre autorité, et déférer le cas à l'évêque avec toutes ses circonstances. Rien de plus sage, assurément; mais alors que devrait faire l'évêque? Pourrait-il comme autrefois faire dissoudre le mariage par son officialité? Ce cas qui se présente quelquefois et que nous avons rencontré dans la pratique du ministère, n'a été résolu, que nous sachions, ni par le Saint-Siége, ni par aucun de nos derniers conciles provinciaux. Il serait cependant bien important, il nous semble, qu'il y eut à cet égard une règle de conduite à suivre. Quoiqu'il en soit, voici les sages avis que le cardinal Gousset prescrit aux confesseurs dans ces graves et délicates circonstances: Nobis videtur, dit-il (1), neque confessarius prudens et discretus de impotentiâ conjuges interrogabit; neque eos etiam quos credit impotentes præmonebit; neque ipsis ea de re consulentibus ultimò respondebit; nisi priùs ipse consuluerit episcopum. Verumtamen quoniam sponsus qui, interrogatis medicis, dubitat an sit ad actum conjugalem aptus, abstinere debet à contrahendo matrimonio, con

(1) Théologie morale, tom. 11, pag. 535, troisième édition,

fessarius cui dubium istud exposuerit, illi suadebit ut abstineat. Le mariage est défendu aux impubères par le droit civil et par le droit canonique; le droit romain ne permet le mariage qu'à l'àge de douze ans accomplis pour les filles, et quatorze ans pour les garçons. D'après notre Code civil, art. 144: « L'homme avant dixhuit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus, ne peuvent contracter mariage. » Cette défense n'est faite par le droit civil, que parce qu'il suppose qu'avant cet âge, un enfant n'est pas capable de prêter à cet engagement important un consentement bien libre et bien éclairé. Le droit canonique, se décidant par un autre motif, qui est de prévenir le péché et de fournir un moyen légitime de l'éviter, ne suit pas le droit civil sur cet article; en défendant le mariage aux impubères, il ne fixe point d'âge, et s'il arrivait qu'avant la puberté simple, un enfant fût capable de consommer le mariage, il pourrait le contracter. (C. Continebatur, de Despond. impub.) On permet aussi quelquefois pour de grandes raisons, aliquâ urgentissimá necessitate, le mariage à des impubères. (C. Illi, eod. tit.; cap. Puberes, eod. tit.; c. Quod sedem, de Frigid. et malef.)

Avant la naissance de Jésus-Christ, deux consuls firent une loi appelée de leur nom Papia popaa, qui défendait aux hommes de se marier après soixante ans, et aux femmes après cinquante. Cette loi s'observa jusqu'à l'empire de Justinien qui l'abrogea. (L. Sancimus, C. De nuptiis.)

L'Église a toujours été dans l'usage de permettre aux vieillards de se marier validement. Si le mariage n'est pas toujours pour eux un remède contre le crime, c'est toujours un secours pour la faiblesse qui est attachée à leur âge: Nuptiarum donum semper quidem bonum est, quod bonum semper in populo Dei fuit, sed aliquandò fuit legis obsequium, nunc est infirmitatis remedium, in quibusdam verò humanitatis solatium. (Can. Nuptiarum, 27, qu. 1.) La glose dit sur ce canon: Nemo est adeò senex quin aliquandò calore possit naturâ vel artificio, quod non est in frigido, vel in puero vel spadone.

La stérilité n'est pas un empêchement de mariage: Si uxorem quis habeat sterilem.., Pro fide et societate sustineat. (Can. Si uxorem, 32, qu. 6.) Saint Antonin parlant de ce défaut connu avant le mariage, dit: Steriles scienter possunt contrahere, cùm sterilitas est solùm generationis impedimentum.

Si deux personnes se sont mariées ayant connaissance l'une et l'autre de l'impuissance de l'une des deux, leur mariage n'est pas valide; c'est l'opinion de saint Thomas, contraire à celle de saint Antonin qui n'est pas la plus suivie; mais rien n'empêche que ces personnes ne puissent vivre comme frère et sœur (C. Requisisti, 33, qu. 1; Cap. Consultationi tuæ, de Frigidis), ainsi que dans le cas où l'impuissance n'a été reconnue qu'après le mariage; mais alors elles ne peuvent user d'aucune liberté conjugale.

Tout ce que nons venons de dire s'entend de l'impuissance de la femme, eo quòd est arcta, comme de celle de l'homme. (C. Fraternitatis, de Frigidis.)

Suivant le Code civil, art. 313, le mari ne peut désavouer l'enfant conçu pendant son mariage, en alléguant son impuissance naturelle. Cette cause de désaveu a été sagement supprimée, nonseulement parce qu'elle était difficile à apprécier, mais encore parce qu'elle donnait lieu à des débats scandaleux. Mais cette disposition, quelque sage qu'elle soit, ne peut concerner que le for extérieur.

INALIENABLE.

On appelle inaliénables les choses dont la propriété ne peut valablement être transportée à une autre personne. Les biens d'Église ne peuvent être aliénés sans une nécessité ou une utilité évidente. (Voyez ALIENATION.)

INAMOVIBILITÉ.

On entend par inamovibilité ce qui ne peut être déplacé ou changé. Ainsi, l'inamovibilité, dans le clergé, n'est rien autre chose que la stabilité des prêtres dans les paroisses où ils ont été canoniquement institués: In Ecclesiá quilibet titulatus est; in eâ perpetuò perseveret. (Can. 2, dist. 70.) Un bénéfice doit être conféré pour toujours et non à temps. (C. Præcepta, dist. 55; c., Satis perversum, dist. 56.) (Voyez EXEAT, TITRE, TRANSLATION.)

L'inamovibilité canonique est une question aujourd'hui fort agitée et d'une grande importance. Nous allons essayer de la traiter avec tout le soin et toute l'étendue qu'elle mérite.

§ I. Origine et histoire de l'INAMOVIBILITÉ.

Les partisans outrés de l'inamovibilité avancent qu'elle a toujours eu lieu depuis l'origine du christianisme, et que l'état de choses établi en France par les articles organiques, est une innovation inouïe dans l'Église. Cette assertion est contredite par l'histoire, car nous voyons que, dans les premiers siècles, tous les prêtres étaient auprès de l'évêque, que celui-ci en disposait à son gré pour le besoin des fidèles, qu'il les tenait, pour ainsi dire, sous sa main, et que ce n'est que le temps et l'accroissement du nombre des fidèles qui obligèrent d'ériger des paroisses. Le savant Thomassin, que nous sommes heureux de pouvoir citer souvent, dit qu'il y a apparence qu'il n'existait aucune paroisse dans les deux ou trois premiers siècles, ni dans les campagnes, ni dans les villes, que du moins elles furent très rares. (Voyez PAROISSE.) Les actes des apôtres, dit-il, les épîtres de saint Paul, l'apocalypse, ne nous entretiennent que des églises des villes considérables, et des évêques ou des prêtres des paroisses de la campagne. Saint Paul écrit à Tite qu'il l'a laissé à Crète pour ordonner des prêtres dans les villes: Ut constituas per civitates presbyteros. (Tit., ch. 1.) L'Église imita en beaucoup de

choses la synagogue. Les prêtres et les lévites n'avaient pas été dispersés dans tous les villages. Moïse, par l'ordre reçu de Dieu, les avait distribués dans un nombre considérable de villes, et en avait destiné le plus grand nombre pour assister le Souverain Pontife dans la ville capitale de l'État. Il ne faut pas trouver étrange, ajoute Thomassin, si les apôtres et les hommes apostoliques du premier et du second siècle, gardèrent quelques traces de cette police. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit ailleurs de l'origine des curés et des paroisses. (Voyez CURE, § I, et PAROISSE, § 1.) Quoi qu'il en soit, tout porte à croire, comme nons le disons encore ailleurs (voyez BÉNÉFICE, § I), que les paroisses commencèrent à s'établir dans la campagne où l'évêque ne pouvait pas se transporter sans négliger le soin des villes dans lesquelles il était seul le propre curé. Il fut, par la suite, comme forcé d'abandonner aux prêtres les fonds que possédaient ces églises de la campagne. Mais, dans ces premiers temps, cette jouissance de fonds que les évêques accordaient aux titulaires des différentes églises de leur diocèse, ne rendaient point encore les paroisses des titres perpétuels, Les monuments de l'histoire des premiers siècles de l'Église que nous avons rapportés ailleurs, prouvent suffisamment cette assertion. Ainsi, l'inamovibilité n'a pas toujours existé, elle est d'institution purement ecclésiastique, et elle pourrait cesser d'être en usage sans que la constitution de l'Église en fût altérée. Il en fut à l'origine de l'Église comme il en est encore aujourd'hui dans les missions chez les peuples idolatres. Les hommes apostoliques vont partout, d'après la mission qui leur est donnée, sans se fixer nulle part, annoncer la doctrine de l'Evangile. Ce n'est que lorsque le nombre des fidèles s'est notablement accru qu'on songe à fonder des paroisses et à y attacher des pasteurs, c'est-à-dire lorsqu'une Église est constituée.

Mais lorsqu'après trois siècles de persécutions et d'épreuves, la paix fut rendue à l'Église, on fit des lois pour prescrire la stabilité des pasteurs dans les paroisses, ou, en d'autres termes, elle établit l'inamovibilité, c'est-à-dire, la stabilité pour les prêtres comme pour les évêques. Propter multam turbationem et seditiones quæ funt, dit le canon 15 du premier concile de Nicée, placuit consuetudinem omnimodis amputari quæ præter regulam in quibusdam partibus videtur admissa, ità ut de civitate ad civitatem non episcopus, non presbyter, non diaconus transferatur.

Le concile de Chalcédoine, au cinquième siècle, détend d'ordonner aucun prêtre que pour quelque église de la campagne, et déelare nulles les ordinations absolues. Il prescrit la stabilité ou inamovibilité en ces termes: De his qui transmigrant de civitate in civitatem, episcopis aut clericis, placuit ut canones qui de hâc re à sanctis patribus statuti sunt, habeant propriam firmitatem. (C. Propter eos episcopos 7, qu. 1.)

Le concile d'Antioche, can. 3, décerne des peines contre les curés qui quittent leur paroisse: Si quis presbyter propriam deserens pa

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