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re contre le tiers détenteur, a soutenu, devant la Cour suprême, qu'il répugnait à la nature même de l'hypothèque qu'un créancier eût le droit de poursuivre le détenteur, quand le débiteur personnel n'était point en demeure de payer, quand il offrait de payer.

L'hypothèque, a-t-il dit, n'est qu'une garantie donnée pour l'exécution d'une obligation; c'est un droit accessoire accordé pour suppléer à l'insuffisance du droit primitif.

Ce n'est donc que lorsque le débiteur personnel est en demeure, ou lorsqu'il refuse de payer, que le créancier peut agir hypothécairement, qu'il peut poursuivre le tiers détenteur de la chose hypothéquée.

Aussi la novelle 4 a-t-elle étendu au tiers détenteur le bénéfice de discussion déjà accordé aux cautions. Tous nos auteurs s'accordent à dire que cette novelle était reçue en France, qu'elle y formait le droit commun.

L'art. 216 de la Coutume de Senlis, sous l'empire de laquelle les biens vendus au sieur Brodelet sont situés, à la différence des Coutumes de Paris et d'Orléans, exclut la discussion en matière de rentes foncières, et non pas en matière de rentes constituées. Cet article ne parle, en effet, que des charges réelles : il ne comprend donc pas dans sa disposition les rentes constituées, qui sont de charges personnelles.

Le bénéfice de discussion, généralement accordé aux tiers détenteurs, n'a pas été abrogé en faveur de la nation par les tois nouvelles sur les émigrés. La Cour d'appel n'a donc pu, dans l'espèce, accueillir l'action hypothécaire exercée par les dames Daiguebelle et Revigliasse.

Du 2 floréal an 13, ARRÊT de la section des requêtes, M. Muraire président, M. Henrion rapporteur, M. Becquey-Beaupré avocat, par lequel:

« LA COUR,-De l'avis de M. Lecoutour, substitut du procureur-général ;-Attendu que les lois romaines n'avaient pas force de loi dans les pays régis par les Coutumes, et mê*me que la novelle 4, rejetée par quelques unes, notamment par celle de Paris, n'était reçue dans les autres qu'avec plusieurs

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distinctions; Attendu que, ni dans l'art. 216 de la Coutume de Senlis, ni dans aucun autre de cette Coutume, il n'est écrit que le créancier est obligé de discuter le principal débiteur, avant de s'adresser au détenteur de l'héritage hypothéqué, et que le demandeur n'établit le moyen de cassation que sur des inductions et des raisonnemens;-REJETTE, etc.»

COUR DE CASSATION.

La Régie de l'enregistrement peut-elle étre condamnée à payer les intérêts moratoires des sommes qu'elle doit restituer pour droits indûment perçus? (Rés. nég.)

La Régie de L'ENREGISTREMENT, C. NOGARÉDE.

André-Simon Nogarede forme contre la Régie de l'enregistrement une demande en restitution de droits indûment perçus.

Le tribunal de Montpellier, par jugement du 26 pluviôse an 12, ordonne cette restitution, et condamne en même temps la Régie à payer les intérêts moratoires qui ont couru depuis le jour de la demande.

Pourvoi en cassation contre ce dernier chef pour excès de pouvoir.

Et, le 2 floréal an 13, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. de Malleville président, M. Lasaudade rapporteur, par lequel :

α

« LA COUR,-Sur les conclusions de M, Thuriot, avocatgénéral, après en avoir délibéré à la chambre du conseil ;--Considérant qu'aucun impôt direct ou indirect ne peut éprouver aucune extension ni retranchement qu'en vertu d'une loi expresse; qu'aucune loi de la matière n'autorise les percepteurs en aucun cas à exiger des intérêts moratoires, et que, dans l'usage, la Régie n'a jamais demandé ni exigé aucuns intérêts; que la loi qui autorise le pourvoi en restitution des droits indûment perçus n'alloue, dans aucun cas, les intérêts des sommes à restituer; qu'ainsi, en adjugeant

ees intérêts, le tribunal de Montpellier a commis un excès de pouvoir et usurpé le pouvoir législatif;-CASSE, etc. »>

COUR DE CASSATION.

Une donation mutuelle, stipulée entre époux, par contrat de mariage, au profit du survivant, est-elle une disposition entre vifs, ou à cause de mort?

Une donation de cette nature, consentie, avant la révolution, par un religieux, lors incapable, a-t-elle pu éire validée par une ratification ultérieure? (Rés. aff.)

SPIESS, C. LES HÉRITIERS DAVRIlly.

Le procès célèbre du sieur Spiess contre les frères Davrilly a fait naître ces deux importantes-questions. Elles ont été soumises à la Cour d'appel de Rouen, qui, par arrêt du 24 prairial an 12, décida qu'un don mutuel, stipulé au profit de l'époux survivant, était une véritable donation à cause de mort; que, dans l'espèce, la nullité originelle d'une telle disposition était purement relative à l'incapacité accidentelle du religieux, et qu'elle avait pu être ultérieureinent réparée. La Cour de cassation a confirmé ce principe, en rejetant le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la Cour d'appel.

Comme la cause à laquelle celle-ci se rattache a déjà reçu d'assez grands développemens (1), nous croyons, pour éviter les répétitions, devoir nous renfermer dans les bornes de la plus sévère analyse.

En point de fait, il suffira donc de rappeler que, dès l'année 1788, le sieur Spiess, religieux fugitif, avait épousé en Suisse la demoiselle Davrilly; que leur mariage fut précédé d'un contrat par lequel les époux se firent donation mutuelle de tous leurs biens, pour par le survivant en jouir en toute propriété; que, le 24 brumaire an 2, Spiess et sa femme, ren

(2). tom. 3, pag. 502.

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trés en France, déclarèrent, devant l'officier civil de la commune d'Armpuis, confirmer, et au besoin renouveler, les engagemens pris par eux, tant devant le notaire qui avait rédigé leurs conventions matrimoniales, que devant le ministre de la religion qui les avait mariés.

Tel était l'état des choses, lorsque, le 4 pluviôse an 7, la demoiselle Davrilly vint à décéder: alors le sieur Spiess réclame contre les sieurs Davrilly et Laberardière, frère et beau-frère de la défunte, l'exécution du don mutuel stipulé par le contrat de mariage de 1788.

Ceux-ci contestent: l'instance s'engage. Les tribunaux de première instance et d'appel séans à Caen déclarent le mariage et la donation nuls (1). L'arrêt est cassé, sur le motif que le mariage de l'an 2 était valable et régulier (2). L'affaire est en conséquence renvoyée devant la Cour d'appel de Rouen.

Le mariage de l'an 2 ayant été jugé valable par un arrêt souverain, on sent bien que la donation exprimée au contrat de 1788 devint à Rouen l'unique objet de la critique des héritiers Davrilly et le principal aliment de la discussion.

Comme donation mutuelle, disaient-ils, elle était irrévocable. C'était là le caractère essentiel de la donation entre vifs, exprimée dans un contrat de mariage; mais, pour qu'elle fût valable, il fallait supposer que les parties contractantes eussent la capacité requise pour se marier. Or le sieur Spiess était en 1788 mort civilement; il était incapable de donner et de recevoir; les lois civiles et religieuses frappaient son mariage de nullité absolue. Ainsi la disposition faite en sa faveur était nulle.

Du 24 prairial an 12, arrêt de la Cour d'appel de Rouen, qui déclare les héritiers Davrilly non recevables et mal fondés dans leur demande en nullité tant du mariage de Spiess que de la donation à lui faite par la demoiselle Davrilly; ordonne ladite donation sera exécutée, etc.

que

(1) Voy. les motifs, pag. 503 et 504 du tom. 3.
(2) Voy. pag. 508.

Tome VI.

1

Pourvoi en cassation.

Six moyens sont proposés au nom les héritiers Davrilly. Premier moyen. La Cour d'appel, selon les demandeurs, n'avait pu faire produire quelque effet à la donation mutuelle de 1788, sans valider le mariage contracté à cette époque: donc, sous l'un et l'autre rapports, elle avait violé les lois civiles et religieuses, et méconnu la jurisprudence des arrêts.

Les lois de l'église, disait Becquey-Beaupré pour les héritiers Davrilly, ont justement proscrit le mariage des prêtres et des moines; elles ont unaniment décidé qu'une pareille union n'était point un mariage, mais un véritable concubi'nage. Non matrimonium, sed contubernium (1). Plusieurs arrêts cités par Fevret, Bardet, Pothier et autres, ont jugé conformément à cette doctrine.

La loi civile, d'accord sur ce premier point avec les canons, fait plus encore: car, par des dispositions subséquentes, elle a déclaré les religieux morts civilement, et conséquemment incapables de donner et de recevoir (2). La Cour d'appel n'a donc pu considérer comme valable, soit la donation, soit le mariage de 1788, sans contrevenir aux lois précitées, et même à l'arrêt de la Cour du 12 prairial an 11.

Deuxième moyen. La Cour d'appel, en déclarant que la loi de 1791 avait fait disparaître l'incapacité du sieur Spiess, même pour les temps antérieurs, avait commis un excès de pouvoir; elle était contrevenue à cette maxime sacrée, que les lois n'ont point d'effet rétroactif. La loi de 1791 ne pouvait pas rétrograder à l'époque de 1788; le passé n'était plus en son pouvoir; elle ne pouvait pas faire que le mariage et la donation, qui avaient eu lieu trois années auparavant, n'eussent pas été consentis sous l'empire des lois qui en avaient prononcé l'annihilation.

Troisième moyen. - Les juges d'appel ont par leur arrêt du 24 prairial érigé en principe que les collatéraux n'étaient

(1) Les conciles de Latran et de Trente.

(2) Art, 28 de l'ordonnance de Blois; art. 9 de l'ordonnance de 1629.

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