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civil promettent, après leur mère, la possession de sa fortune; il a voulu que leur patrimoine sacré ne dépérît pas entre les mains de celui qu'il en avait constitué le dépositaire, qu'il en avait fait le quasi-propriétaire, et qu'il fût remis intact, soit à la femme, soit à ses héritiers naturels, lors de la dissolution de l'union conjugale.

Ces motifs multipliés ne lui permettaient pas de s'en reposer entièrement sur la vigilance et le zèle du mari, dans les affaires où la femme était intéressée, lors même que leurs noms se trouvaient accolés dans une instruction judiciaire, dont ordinairement il était le seul régulateur : il fallait donc l'interposition d'une magistrature impartiale, qui, dans une discussion éclairée, mît les tribunaux à portée de rendre une exacte justice. Voilà précisément ce qui a fait comprendre les femmes mariées au nombre des individus pour lesquels l'art. 3 du titre 8 de la loi du 24 août 1790 prescrivait impérieusement l'audition du ministère public, quoique sous la législation précédente elle fût négligée en pareil cas.

Il paraît que les sieur et dame de Reuser, intimés, ont été peu frappés de ce moyen de nullité de l'appelant, et qu'ils se sont attachés à défendre au fond; mais la Cour d'appel de Bruxelles n'a pu consacrer une violation manifeste de la loi. Du 9 floréal an 15, ARRÊT par lequel :

« LA COUR,-Sur les conclussions de M. Tarte, substitut du procureur-général; - Attendu que le sieur Charlier agissait au nom de son épouse, et qu'il ne se voit pas que le procureur du Roi ait été entendu, tandis que la loi du 24 août 1790, titre 8, art. 3, en prescrit l'obligation;

« Considérant que, lorsque, comme au cas, la partie qui devait être défendue par le ministère public succombe, le défaut de parler en la cause, par le procureur du Roi, emporte nullité du jugement;

<< ANNULLE le jugement dont est appel; faisant droit par jugement nouveau, etc. »

Nota. Voyez les art. 112 et 85, § 6, du Cod. de proc. civ.

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER.

Le mari qui autorise sa femme à plaider doit-il être personnellement condamné aux dépens quand elle succombe? (Rés. nég.)

MURATEL, C. LES SIEUR ET DAME TRÉBOSC.

La demoiselle Schincholle, épouse du sieur Muratel, est autorisée par lui à plaider dans une affaire qui intéressait personnellement cette dernière, sur un appel porté à la Cour de Montpellier, contre les époux Trébosc. Elle succombe, et un arrêt du 20 thermidor an 12 prononce une condamnation de dépens.

Muratel, poursuivi en vertu de l'exécutoire de dépens, el menacé par un commandement d'expropriation forcée, se pourvoit en la Cour de Montpellier pour y demander l'explication de l'arrêt, et faire déclarer qu'il n'a point été atteint par les condamnations qu'il prononce, toutes personnelles à la demoiselle Schincholle sa femme; il demande en conséquence la nullité des poursuites dirigées contre lui, sauf au sieur Trébosc à se pourvoir comme bon lui semblera, sans préjudice néanmoins du droit qu'il a de jouir des biens de son épouse, suivant leur contrat de mariage.

Trébosc prétend que Muratel, en autorisant sa femme à plaider, est devenu partie dans la cause, dont il a dû courir avec elle les chances; qu'à raison de sa jouissance des biens dotaux, il est personnellement, par le fait de son autorisation, débiteur des dépens dont la condamnation est prononcée par l'arrêt du 20 thermidor an 12.

Du 10 floréal an 13, ARRÊT de la Cour d'appel de Montpellier, plaidans M. Buget et Claparède, par lequel:

« LA COUR, -- Considérant que la raison, la jurisprudence et la loi, se réunissent pour faire décider que l'autorisation donnée par le mari à sa femme pour ester en jugement ne peuvent le rendre responsable des condamnations prononcées contre sa femme. En effet, lors même que l'on considérerait cette autorisation autrement que comme

un hommage rendu à la puissance maritale, et lorsqu'on voudrait l'assimiler au pouvoir de plaider donné au tuteur de la part du conseil de famille, à celui de curateur qui assiste le mineur émancipé, et autres semblables autorisations qui ne rendent responsables, ni le conseil de famille, ni le curateur, des suites du procès dont ils ont autorisé les poursuites, il faudrait conclure que par son autorisation le mari n'encourt pas une plus grande responsabilité que le conseil de famille ou le curateur. Si l'on consulte la jurispru-, dence, on trouve deux arrêts du parlement de Toulouse, dans le ressort duquel étaient les parties, qui ont jugé que le mari ne pouvait être exécuté sur les biens dotaux pour cause de dépens obtenus contré sa femme de lui autorisée. On voit enfin dans le procès verbal du Conseil d'Etat que ce qui détermina l'admission des articles 218 et 219 du Code civil, ce fut l'observation de M. Tronchet, que par l'autorisation le mari ne s'oblige point envers les tiers. D'où il faut conclure que, dans l'esprit du législateur, l'autorisation du mari ne le rend point responsable même pour les dépens, des condamnations prononcées contre sa femme de lui autorisée. —' Il suit de là 1o que l'autorisation par lui donnée à sa femme ne le rend point responsable des dépens obtenus contre elle; · 2° Qu'il faut par conséquent annuler le commandement pour ce qui concerne ledit Muratel, sauf à Trébosc et à sa femme à en poursuivre l'effet contre Marie-Anne Schincholle; DECLARE que Muratel n'est point atteint par les condamnations prononcées contre sa femme, par l'arrêt du 20 thermidor an 12, etc. »

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COUR D'APPEL DE PARIS.

Lorsqu'une lettre de change acceptée a été renouvelée postérieurement à l'ouverture de la faillite du tireur, par une autre lettre dans la même forme, avec le concours des mêmes parties, et acceptées par le méme individu, les créanciers unis du tireur failli peuvent-ils s'opposer à ce que l'accepteur l'acquitte au porteur, et en revendiquer le

paiement, pour le faire entrer dans la caisse de l'union? (Rés. nég.)

DUCHEMIN, C. DAUDREZ.

Le 20 messidor an 12, les sieurs Martine père et fils et comp., de Péronne, tirent sur les sieurs Pierre Gasselin et comp., leurs correspondans à Paris, quatre lettres de change de 3,000 fr. chacune, à l'ordre du sieur Gambart, qui les endosse au profit du sieur Daudrez. Leur échéance arrivait au 20 vendémiaire an 13. Quelques jours avant cette époque, la maison Martine cesse ses paiemens. Dans cette conjoncture, au lieu de faire protester les traites ou d'en poursuivre le paiement, le sieur Daudrez, à la sollicitation des sieurs Gasselin, accepteurs, consent à ce qu'elles soient renouvelées, sous la condition qu'il ne sera rien changé à leur forme primitive, et que les secondes offriront les signatures des mêmes tireurs, endosseurs et accepteurs. On fait donc quatre nouvelles traites à l'image des premières; elles sont datées du 18 vendémiaire an 13, et leur échéance est portée au 28 nivôse suivant. Mais, dans l'intervalle, la faillite de la maison Martine est déclarée judiciairement, et un arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, du 12 ventôse, en fait remonter l'ouverture au 18 thermidor an 12. Fondé sur cet arrêt, le sieur Duchemin, syndic de l'union. des créanciers, fait signifier aux sieurs Gasselin une opposition à ce qu'ils paient au porteur les traites dont il s'agit. Elles sont, en conséquence, protestées à leur échéance.

Le sieur Daudrez, voulant en obtenir le paiement, traduit devant le tribunal de commerce de Paris tant les sieurs Gasselin que le sieur Duchemin, et quatre jugemens, des 16, 23, 30 pluviôse et 10 ventôse an 13, font mainlevée de l'opposition, et condamnent les accepteurs, suivant leurs offres, à payer au sieur Daudrez le montant des traites.

Appel de la part du syndic. Dès l'ouverture de la faillite, a-t-il dit, le failli devient incapable de disposer de la moindre partie de son avoir en faveur de l'un des créanciers, préjudice des autres; et même tous les actes qu'il a faits dans les dix jours qui précèdent sont annulés comme frauduleux.

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Les lettres de change dont il s'agit ont été souscrites par la maison Martine, lorsqu'elle était frappée de cette incapacité légale: elles doivent donc se réunir à la masse pour être divisées, avec le surplus des biens, entre tous les ayans droit. Peu importe qu'elles représentent des titres antérieurs : il y a eu novation, et la date de la seconde créance détruit totalement l'effet de la première.

Qu'on ne dise pas que l'accepteur devient personnellement débiteur de la traite acceptée, lors même qu'il ne doit rien au tireur et qu'il n'en a pas reçu provision.

L'accepteur n'est, en principe, qu'un mandataire qui consent par son acceptation à exécuter le mandat proposé dans la lettre de change tirée sur lui, en la payant à son échéance. Cette acceptation devient obligatoire contre lui, sur la présomption légale qu'en la donnant, ou il est déjà débiteur du tireur, ou il a l'espoir fondé d'en recevoir provision à temps, espoir résultant de la confiance que lui inspire la solvabilitě supposée de ce correspondant. La présomption qui naît de l'hypothèse de la solvabilité du tireur ne pouvait jamais ́avoir lieu dans le cas d'une faillite déclarée : il n'y a donc que le fait d'un nantissement suffisant de fonds qui ait pu terminer l'accepteur à se charger du mandat et à joindre son cautionnement solidaire à l'obligation première du tireur failli. La marche ordinaire des affaires ne permet pas de juger autrement. L'intérêt est l'unique mobile du commerce; c'est sur ce pivot que tournent toutes ses opérations, et sa circulation n'est qu'une succession rapide d'échanges. On ne peut donc séparer l'intérêt d'aucun des actes commerciaux : en les décomposant, on le trouve toujours au fond du creuset. Ainsi le sieur Gambart, en exigeant du failli des traites sur le sieur Gasselin, a cherché à se remplir avec des valeurs qui appartenaient au collége des créanciers Martine, et ces traites, dont la date est postérieure à l'ouverture de la faillite, ne peuvent produire aucun effet utile, ni dans ses mains, ni dans celles du sieur Daudrez, son cessionnaire, parce que le cessionnaire ne saurait avoir plus de droit que le cédant. Tome VI.

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