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Comme le sieur Paulmier n'avait à offrir aux créanciers indiqués que des assignats presque sans valeur, il n'a pu manquer d'être généralement refusé; et la loi du 25-messidor an 5, qui suspendait les remboursemens en papier-mon naie, ne lui ayant permis ni de faire juger la validité de ses offres, ni d'en faire ordonner la consignation, il est retourné vers les sieurs et dame Bouyn-Pereuse, qui ont touché le prix de la maison, dont ils lui ont donné quittance authentique le 7 thermidor an 3, avec consentement que « les indications stipulées au contrat de vente qui n'avaient pu être acquit«tées, attendu la loi du 25 messidor précédent, demeuras

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Le 28 frimaire an 4, lettres de ratification sur le contrat de vente du 29 prairial, scellées sans opposition de la part du sieur Jolas et de la demoiselle Beaugrand.

Mais en conséquence de l'indication portée en cet acte, ils ont pris sur le sieur Paulmier, le 24 thermidor au 10, une inscription à la charge de laquelle a eu lieu la transcription de la revente qu'il avait faite de la maison au sieur Vautrin. --Ce dernier a demandé la radiation de l'inscription; mais sa demande a été rejetée par jugement du tribunal civil de la Seine, du 10 germinal an 12.

Les motifs de cette décision sont que le sieur Paulmier avait contracté une obligation directe envers les créanciers indiqués, d'où résultait contre lui une action à leur profit; que la délégation, quoique imparfaite, équivalait néanmoins, à leur égard, à une opposition au préjudice de laquelle la libération n'avait pu s'opérer.

Sur l'appel, on disait pour le sieur Paulmier : La simple indication de paiement, confondue par le vulgaire avec la délégation dont on lui fait partager le nom, n'en a ni la nature ni les effets. Ce sont deux stipulations tout-à-fait différentes, qui ne se règlent point par les mêmes principes.

La délégation est une espèce de novation, par laquelle l'ancien débiteur, pour s'acquitter envers son créancier, lui donne une tierce personne qui, à sa place, s'oblige envers Tome VI.

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lui: Delegare est vice sua alium reum dare creditori. L 11, ff., de novat. Il n'y a donc point de délégation véritable sans une acceptation du créancier, sans un consentement exprimé de décharger le déléguant, et de prendre le délégué pour débiteur.

Dans l'espèce, les créanciers indiqués au contrat du 29 prairial an 3 n'y ont point paru, n'y ont figuré en aucune manière : loin de vouloir accepter, même postérieurement, les offres d'assignats que leur faisait le sieur Paulmier, par ordre de ses vendeurs, ils ont employé tous les moyens possibles pour être dispensés de recevoir. Ainsi, au lieu d'une volonté, soit réelle, soit présumée, d'innover, de décharger les sieurs et dame Bouyn, et d'accepter le sieur Paulmier pour débiteur à leur place, leur conduite prouve une volonté absolument contraire. C'est donc un abus de termes de qualifier du nom de délégation, l'espèce de stipulation dont il s'agit.

Elle n'est pas non plus un transport : car un transport se passe principalement entre deux personnes, le cédant et le cessionnaire, et ici les deux parties qui stipulent sont l'acquéreur et le vendeur, le créancier et le débiteur seulement; on n'y trouve point de cessionnaire.

C'est une s'imple indication de paiement, et comme le dit Pothier, Traité des Obligations, tom. 2, no 480 et 569, cette indication ne contient pas novation; le débiteur ne devient pas débiteur de la personne indiquée : il demeure toujours le débiteur de l'indiquant. - Ces principes ont été consacrés par le Code civil, qui, art. 1277, déclare que la simple indication faite par le créancier d'une personne qui doit recevoir pour lui n'opère point novation. Les effets d'une pareille clause se réduisent uniquement à rendre valable le paiement fait à la personne indiquée, sans donner aucun droit à celle-ci; et toujours la libération peut s'opérer entre les mains du créancier direct, s'il consent à recevoir, suivant cette maxime: Nihil iam naturale est quam eo genere quidque dissolvere, quo colligatum est. L. 35, ff., de

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reg.jur. Ainsi le vendeur et l'acquéreur ont pu rendre illusoire l'indication de paiement à l'égard des créanciers qui ne l'avaient pas acceptée; et ces créanciers, pour conserver leur droit hypothécaire, devaient former opposition au sceau des lettres de ratification. Ils ne l'ont pas fait dans l'espèce: la propriété a donc passé dans les mains du sieur Paulmier, libre de toutes charges en ce qui le concerne.

On répondait pour les intimés: Si, dans l'ancienne jurisprudence, la simple indication de paiement n'était pas une délégation parfaite, du moins lorsqu'elle était contenue dans un contrat de vente, elle en prenait le nom, et suffisait toujours pour dispenser le créancier délégataire ou indiqué de former opposition au sceau des lettres de ratification. C'est ce qui a été consacré par nombre d'arrêts. En effet, quel était le but de l'opposition? De transférer sur le prix de l'immeuble la créance qui pesait sur l'immeuble même, de convertir en saisie-arrêt entre le mains de l'acquéreur le jus in re résultant de l'hypothèque; enfin, de faire connaître à cet acquéreur tous ceux qui pouvaient réclamer le paiement de leurs créances sur ce dont il était débiteur. Eh bien, l'indication produit absolument le même effet, puisque l'acquéreur s'engage de payer tout ou partie de son prix entre les mains des créanciers du vendeur que ce dernier lui désigne. Dès que cette espèce de délégation équivalait à une opposition, les lettres de ratification n'étaient délivrées qu'à la charge de payer les créanciers indiqués comme les opposanis.

En vain, pour se soustraire à l'application de ces principes, le sieur Paulmier oppose que, plusieurs mois avant les lettres de ratification, la délégation n'existait plus, qu'elle avait été anéantie par tous ceux qui y avaient pris part. Ce raisonnement aurait quelque apparence de raison, si la quittance du 7 thermidor, dont le but était de détruire cette délégation, avait été, lors des formalités remplies, exposée et affichée avec le contrat de vente. Mais ce contrat a seul été rendu public; les intimés, en y trouvant une indication de paiement en leur faveur, qui paraissait toujours subsister,

ont dû regarder comme inutile une opposition dont ils ne pouvaient retirer que le même avantage. Ils sont donc toujours restés créanciers hypothécaires; ils ont donc été fondés à prendre inscription sur l'immeuble qui était leur gage spécial; leur droit ne peut donc être éteint que par un remboursement réel.

Du 18 floréal an 13, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, deuxième chambre, plaidans MM, Tripier et Delahaye, par lequel :

« LA COUR, Attendu que l'indication de paiement portée en l'acte du 29 prairial an 3 n'a pu équivaloir à une délégation; qu'elle n'a pas été acceptée par Jolas et la demoiselle Beaugrand; que dès lors Paulmier, débiteur de son prix, a pu en faire régulièrement le paiement à Bouyn de Pereuse, son vendeur; que les lettres de ratification qu'il a obtenues depuis ce paiement, et qui ont été scellées sans opposition de la part de Jolas et de la demoiselle Beaugrand, ont opéré sa décharge;

<< Faisant droit sur l'appel interjeté par Paulmier, du jugement rendu au tribunal de première instance du département de la Seine, le 14 fructidor an 12, A MIs et MET l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, décharge Paulmier de l'inscription hypothécaire formée au bureau des hypothèques de Paris, le 4 thermidor an 10, volume 53, no 331, à la requête de Jolas et de la demoiselle Beaugrand, en ce que ladite inscription frappe ledit Paulmier, et sur la maison par lui acquise de Bouyn de Pereuse, par l'acte du 29 prairial an 3; ordonne qué ladite inscription sera rayée de tous registres, l'effet de ladite inscription étant maintenu sur ledit Bouyn de Pereuse. >>

Nota. L'art. 1277 du Code civil a consacré les principes adoptés par cet arrêt; et aujourd'hui, comme autrefois, le créancier indiqué qui n'aurait pas accepté la délégation imparfaite qui résulte du contrat ne pourrait pas critiquer les paiemens faits par le débiteur au créancier direct, ni pré

tendre que cette délégation lui a donné quelque droit. (M. Toullier, tome 7, page 350.)

COUR DE CASSATION.

La présomption de droit établie par l'art. 1350 du Code civil doit-elle s'étendre aux formes extrinsèques et subséquentes des actes? (Rés. nég.)

En d'autres termes, la présomption que la loi attache à l'aveu judictaire de l'existence d'un acte suppose-t-elle nécessairement l'observation ultérieure des formes requises pour sa validité? (Rés. nég.)

LES CRÉANCIERS DE VICHY, C. LA DAME LANGLARD.

Le sieur de Vichy, possesseur de plusieurs propriétés dans le département du Puy-de-Dôme, les a vendues, en l'an 9, aux sieurs Magaud, Fayon et autres. Les acquéreurs ont fait transcrire et notifier leur contrat. Au nombre des créanciers inscrits se trouvait la dame Langlard, femme divorcée du vendeur. Il paraît qu'aussitôt après la notification, elle a fait une réquisition de surenchère.

Mais ensuite elle a changé de système, et au lieu de poursuivre l'adjudication, elle a ouvert l'ordre du prix des ventes au tribunal civil de Clermont. Plusieurs créanciers s'y sont opposés ils ont produit des relations d'enregistrement, des 11 prairial et 15 messidor an 9, constatant qu'à ces deux époques la dame Langlard avait fait des significations et déclarations aux acquéreurs du sieur de Vichy; ils ont en outre rapporté la copie d'un commandement qu'elle avait signifié à ce dernier, le 11 du même mois, avec déclaration qu'elle entendait poursuivre la vente, par voie d'enchère, des biens acquis par les sieurs Magaud, Fayon et autres, auxquels, est-il dit, a été fait déclaration d'enchère par actes des 11 et 16 prairial. De tous ces actes, les créanciers concluaient que la dame Langlard avait requis la surenchère des immeubles dont il s'agit; que dès lors elle

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