Page images
PDF
EPUB

les sermens des avocats et licenciés; mais est-ce aux agens de la Régie à suppléer à cette omission? depuis quand peuventils s'ériger en législateurs? La lacune de la loi ne saurait être remplie que par une loi nouvelle, et son silence doit être imité par ceux qui sont chargés de l'exécuter. Cette loi n'existe point par rapport aux avocats, licenciés, défenseurs officieux : donc on ne peut invoquer contre eux l'art. 14 de la loi du 27 ventôse au 9.

Mais, disent encore les demandeurs, l'acte de prestation de serment est un acte judiciaire, et, comme tel, il est soumis à l'enregistrement.

Non, la prestation du serment prescrit par la loi de ventôse an 12 n'est point un acte judiciaire : c'est plutôt un acte d'ordre public et de discipline. Pour en être convaincu, il suffit de se rappeler que, chez les Romains, et primitivement, ce serment était prêté dans chaque cause par les patrous chargés de l'action et de la défense (1). Si aujourd'hui le même usage était introduit par une loi, il faudrait donc que l'avocat qui plaiderait chaque jour cinq ou six causes consignât cinq ou six fois la somme principale de 15 fr., avec ses accessoires.

Mais en considérant sa parfaite indépendance, l'avocat, qui, dans tous les cas, dans toutes les circonstances, n'est auprès des tribunaux qu'un agent volontaire, dont les fonctions sont instantanées, qui jamais ne saurait être assimilé aux officiers ministériels judiciaires, que la vénalité des titres et les mesures fiscales n'ont atteint dans aucun temps, ne semble pouvoir, sans porter atteinte à cette indépendance que tant de siècles, tant de gouvernemens divers, ont respectée, être assujetti à un droit bursal pour un serment qui n'est que l'expression d'une conscience pure et d'un cœur droit, qu'un moyen de rassurer la confiance des juges et du public. Du 19 thermidor an 13, ARRÊT de la section civile, M,

(1) Loi 4, rer, Cod. de judic.

Cochard président, M. Vasse rapporteur, plaidans MM. Huart-Duparc et Champion, par lequel:

[merged small][ocr errors][merged small]

coutour, substitut du procureur-général; Vu l'art. 31 de la loi du 22 ventôse an 12; Attendu qu'aux termes de cet article, tous les avocats, avoués, licenciés et défenseurs officieux, sont tenus de prêter serment, ou de discontinuer leurs fonctions; Attendu que l'art. 14 de la loi du 27 ventôse an 9 assujettit toutes les prestations de serment à un droit d'enregistrement; et qu'en jugeant que les défendeurs. n'étaient pas tenus de payer ce droit, le tribunal de Civray a contrevenu à ces deux lois; CASSE, etc. >>

COUR DE CASSATION.

La prescription du droit de mutation par décès ne commencet-elle à courir que du jour de la mise en possession des héritiers, lorsqu'il s'agit de la succession d'un militaire mort en activité de service, hors de son département? (Rés. aff.)

LA RÉGIE DE L'ENREGISTREMENT, C. LES HÉRITIERS LEBAS.

Le 20 fructidor an 2, François Lebas; domicilié à Yvetot, département de la Seine-Inférieure, fusilier au premier régiment du Finistère, mourut à l'hôpital de Bruges, département de la Lys.

Ses frères et sœurs, qui étaient ses héritiers, ne connurent son décès que par l'extrait mortuaire que le conseil d'admi

nistration leur adressa le 6 messidor an 10. Ils firent transcrire cet extrait, le 5 thermidor suivant, sur les registres de l'état civil de la commune d'Yvetot.

Le 15 prairial an 11, le receveur de l'enregistrement décerne contre eux une contrainte en paiement du droit de mutation sur la succession de leur frère.

Ils répondent qu'aux termes de l'art. 61 de la loi du 22 frimaire an 7, la prescription des droits de cette nature est

acquise après cinq années, à compter du jour du décès, pour les successions non déclarées.

Le 14 nivôse an 12, jugement du tribunal de première instance d'Yvetot, qui accueille cette exception, et renvoie les frères et sœurs Lebas de l'action de la Régie.

Pourvoi en cassation, pour violation de l'art. 24 de la loi du 22 frimaire an 7.

Du 19 thermidor an 13, ARRÊT de la Gour de cassation, section civile, M. Vasse président, M. Bailly rapporteur, M. Lecoutour avocat-général, par lequel :

« LA COUR, Vu le § 3 de l'art. 18 de loi du 19 décem1790, et les art. 24, 61 et 75, de celle du 22 frimaire an 7; - Considérant que ces divers articles doivent être combinés entre eux pour bien saisir et apprécier la volonté du législateur; qu'ainsi les droits de mutation sont ouverts par le décès de celui des biens duquel il s'agit; mais ils ne seront exigibles que lors des déclarations qui seront passées par les héritiers, donataires ou légataires, dans le délai de six mois qui leur est accordé, ou après que ce délai légal se sera écoulé sans qu'il ait été fait de déclaration; et cette règle posée en termes généraux dans le § 1er de l'art. 24 reçoit exception, au désir d'un autre paragraphe du même article, lorsqu'il s'agit de la succession d'un défenseur de la patrie, mort en activité de service hors de son département, tellement que, dans ce cas, le délai pour acquitter le droit de mutation ouvert après le décès de ce militaire ne commencera néanmoins à courir que du jour de la mise en possession de ceux qui sont appelés à recueillir sa succession, encore que le droit de lui succéder, bien différent du fait de cette mise en possession, remonte à sou décès; - Qu'ainsi, et par une juste réciprocité, l'action de l'administration de l'enregistrement pour demander paiement des droits résultans des successions sera prescrite, en général, selon le vœu exprimé en l'art. 61, après cinq années à compter du jour du décès, pour les successions non déclarées; mais au cas de succession d'un défenseur de la patrie, mort en activité de service hors de son départe

le

ment, la déclaration pour fixer la quotité des droits n'ayant dû avoir lieu que dans les six mois à compter du jour où ses successeurs ont été mis en possession de ses biens, ce ne sera de même que du jour de leur mise en possessiour que ses suc cesseurs pourrout partir pour commencer les cinq années après lesquelles l'administration n'aura plus d'action, ni pour exiger d'eux une déclaration des bieus qui ont été l'objet de cette mise en possession, ni pour leur faire payer un droit quelconque de mutation, à raison du décès de ce défenseur; et une réciprocité de cette nature est de toute équité: Contra non valentem agere non currit præscriptio, loi 1, § 2, C., de annali exceptione'; — Considérant, en fait, 1o que François-Boniface Lebas, fusilier au premier bataillon du Finistère, est décédé en activité de service hors de son département, le 20 fructidor an 2, mais que sa mort n'a été connue de ses frères et sœurs, appelés par la loi à lui succéder, que par le certificat du conseil d'administration de la 66 demi-brigade d'infanterie de ligne, à eux délivré lẹ6 messidor an 10, et de l'administration de l'enregistrement, que par la transcription de ce certificat, faite le 5 thermidor suivant, à la diligence desdits héritiers Lebas, sur les registres de l'état civil d'Yvetot, lieu de son domicile; 2° que ces héritiers n'ont été mis en possession des biens de la succession de Lebas, en qualité d'héritiers et à titre de propriétaires, que postérieurement au certificat susdaté, et que, de cette époque à celle du 15 prairial an 11, jour de la contrainte décernée par le receveur des droits d'enregistrement au bureau d'Yvetot, il ne s'était pas encore écoulé une des cinq années voulues par la loi pour opérer la prescription; CASSE, etc. »

COUR DE CASSATION.

Lorsqu'un jugement contient deux dispositiont distinctes, dont l'une est définitive et l'autre préparatoire, l'exécu

tion de la seconde emporte-t-elle acquiescement à la pre

mière?

Résolu négativement sur le pourvoi de la veuve Dumont contre un arrêt de la Cour d'appel de Limoges, par ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, du 19 thermidor an 13, au rapport de M. Genevois, dont voici le texte :

--

-

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Giraud, avocat-général; Attendu que, dans l'espèce, le jugement de première instance avait prononcé sur deux demandes bien distinctes: 1° sur la demande en revendication formée du chef de Sylvain Thévenin, héritier institué, sur les immeubles dont la demanderesse l'avait dépossédé; 2° sur l'action hypothécaire intentée sur les mêmes biens pour le remboursement de la dot constitutée à l'épouse de Léonard Thévenin son frère; que, sur la première de ces deux questions, le tribunal avait statué définitivement en déboutant les ayans cause de l'héritier, et que, sur la seconde, il n'avait prononcé qu'un avant dire droit; qu'ainsi en exécutant cette disposition interlocutoire, l'héritier de Sylvain Thévenin ne pouvait être considéré comme ayant acquiescé soit formellement soit tacitement à la disposition définitive qui y était absolument étrangère; d'où il suit que son appel a pu être reçu sans aucune contravention à l'art. 5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667 (1); REJETTE, etc. »

-

Nota. Cette question a été jugée dans le même sens par arrêt du 17 frimaire an 11, rapporté dans ce recueil, 3o volume, , pag. 135.

COUR DE CASSATION.

Peut-on proposer comme moyen de cassation la violation ou omission des formes, provenante du fait des juges de

(1) Cet article range parmi les jugemens passés en force de chose jugée ceux auxquels on a acquiescé.

« PreviousContinue »