Page images
PDF
EPUB

d'Alençon a évidemment violé l'art. 60 de la loi du 22 frinaire an 7;— CASSE, etc..»

COUR DE CASSATION.

Lorsqu'un immeuble a éte vendu moyennant une certaine quantité de denrées que les parties ont évaluée en argent, cette évaluation doit-elle étre présumée faite seulement pour servir de base à l'enregistrement, et non pour autoriser l'acquéreur à se libérer en payant la valeur estimative? (Rés. aff.)

RUE-SAGET, C. la veuve Bouthier.

Le 22 vendémiaire an 4, le sieur Rué-Saget vendit au sieur Bouthier un vignoble, moyennant une vache qui fut livrée le suite, et cent quatre-vingts pièces de vin, qui devaient tre fournies dans six années, avec l'intérêt à raison d'une pièce sur vingt, saus retenue. Dans l'acte de vente, les paries évaluèrent la vache et le vin à 5,000 livres.

L'acquéreur, et sa veuve, après son décès, acquittèrent exactement et en nature les intérêts stipulés. Mais à l'échéance lu principal, la veuve Bouthier refusa de délivrer les cent quatre-vingts pièces de vin, et offrit les 5,000 livrés, montant de l'estimation.

સે

Le tribunal de Roanne, saisi de la difficulté, déclara les offres nulles et insuffisantes, et condamna la veuve Bouthier payer le prix de la vente dans les espèces convenues. Appel; et, le 15 thermidor an 11, arrêt de la Cour de Lyon qui infirme, et autorise l'appelante à se libérer en réalisant les 5,000 livres, si mieux n'aime le vendeur reprendre la propriété de l'immeuble, suivant l'offre qui lui en a été faite.

Les motifs de cet arrêt sont que l'acte du 22 vendémiaire an 4 a été passé à une époque où il n'existait pas de signe monétaire propre à déterminer un prix certain, payable à long terme; que l'unique moyen de stipuler un prix de cette espèce était donc de le fixer en denrées, eu égard à leur va

leur au temps du contrat; que tel fut en effet l'expédient dont se servirent alors une foule de personnes; qu'ainsi l'on devait tenir pour assuré que les 5,000 livres, montant de l'estimation de la vache et du vin stipulés pour prix de la vente, étaient le véritable prix convenu entre les parties; qu'enfin le vendeur ne pouvait avoir aucun prétexte de se plaindre, puisqu'on lui abandonnait l'immeuble qu'il avait aliéné, s'il ne se contentait pas de la somme offerte.

Pourvoi en cassation pour violation de la loi du contrat. Du 25 thermidor an 13, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. Busschop rapporteur, M. Jourde avocatgénéral, par lequel :

« LA COUR,—Vula loi 2, § 1or, au Digeste, de rebus creditis, portant: Aliud pro alio, invito creditore, solvi non potest; · Vu aussi l'article 7 de la loi du 15 fructidor an 5, qui ordonne l'exécution pleine et entière des obligations contractées pendant le cours forcé du papier-monnaie, et par lesquelles on aurait promis de faire des délivrances en grains, denrées, etc.; -- Considérant que, par le contrat du 22 vendémiaire an 4, Claude Bouthier, auteur de la défenderesse, s'est obligé de délivrer au demandeur cent quatre-vingts pièces de vin en nature, dans le terme de six années, et d'en payer les intérêts à raison d'une pièce pour vingt; - Que l'évaluation à 5,000 livres qui se trouve à la fin de l'acte, et qui se rapporte tant à une vache délivrée au moment même du contrat, qu'auxdites cent quatre-vingts pièces de vin, ne donne point au débiteur la faculté alternative de délivrer le vin en nature, ou d'en payer la valeur sur le pied de 5,000 livres; que cette évaluation, étant pure et simple, et séparée de toutes les autres clauses de l'acte, n'a évidemment élé faite que pour donner une base à la perception d'enregistre ment auquel l'acte était sujet; —Que d'ailleurs Claude Bouthier n'a jamais prétendu qu'il avait la faculté de payer en numéraire, puisqu'il est constant qu'il a toujours payé les intérêts en nature, et cela même à des époques où il lui cut été plus avantageux de payer en numéraire, suivant ladite

évaluation de 5,000 livres; d'où il suit qu'il a regardé luimême comme absolue l'obligation de délivrer le vin en nature; - Que néanmoins, par son arrêt du 15 thermidor an 11, la Cour d'appel de Lyon a déchargé la défenderesse de l'obligation de délivrer le vin en nature, en lui donnant la faculté de payer 5,000 livres, et en cas de refus du demandeur, de forcer celui-ci à reprendre la chose dont le vin avait été le prix; qu'en dénaturant ainsi le contrat qui faisait la loi des parties, la Cour d'appel de Lyon a manifestement contrevenu aux lois ci-dessus citées; Par ces motifs, CASSE, etc. >>

[ocr errors]

CONSEIL DES PRISES.

Les bâtimens ennemis enlevés en pleine mer par des Français qui s'y trouvent prisonniers sont-ils de bonne prise pour les capteurs? (Rés. aff.)

Le capitaine GauLTIER, C. LE CONTRÔLEUR DE LA Marine.

Une loi du 18 vendémiaire an 2 porte: « Les bateaux, barques ou autres bâtimens ennemis, enlevés par le Français prisonnier chez la puissance avec laquelle la nation française, est en guerre, sont déclarés de bonne prise au profit du cap

teur. >>

que

Cette disposition, propre à élever le courage des Français le sort des combats fait tomber au pouvoir de leurs ennemis, et qui voient avec impatience leurs bras enchaînés, inutiles à la patrie, s'applique, par identité de raison et de motifs, aux Français détenus sur un vaisseau ennemi en pleine mer, qui ont assez d'énergie pour oser briser leurs fers et en charger leurs orgueilleux geôliers, N'étaient-ils pas prisonniers chez une puissance avec laquelle la France était en guerre? N'ont-ils pas pris un bâtiment appartenant à cette puissance? Fallait-il moins d'efforts et de bravoure pour, sans armes, attacher à fond de calle des vainqueurs armés,

que pour s'emparer d'une barque mal ou point gardée, et, de là, revenir vers les côtes natales?

Dans ce dernier cas, il y a plus d'adresse que d'audace; dans l'autre, au contraire, l'intrépidité, portée à son comble, ne laisse voir que des héros. Ici, le bâtiment est dérobé; là, il est conquis. D'ailleurs, la loi ne distinguant point entre le prisonnier déposé à terre et celui qu'un navire victorieux emmène pour l'ensevelir vivant dans une espèce de tombeau, pourquoi voudrions-nous établir une différence que rejettent également, et son esprit, et l'éclat d'une action digue de récompense?

Déjà deux fois le Conseil des prises a rendu hommage à ces principes, savoir, dans l'affaire du navire le Windsor, et dans celle du vaisseau anglais le Prince, par jugement du 21 vendémiaire an 11. L'arrêt dont nous allons rendre compte est le troisième préjugé sur la question. Sans doute les marins français ne cherchent que l'honneur dans les hauts faits qui signalent leur valeur; mais leur gloire ne saurait être ternie par des récompenses pécuniaires : quel est le brave qui ne soit sensible à ce qui peut augmenter ses jouissances ou fournir à ses besoins? quel est celui qui doive rougir des efforts qu'il aurait faits ou qu'il ferait encore pour l'obtenir? Ne craignons donc pas de regarder la justice rendue par Conseil des prises comme un moyen de stimuler le courage, en mêlant l'appât de l'intérêt aux charmes de la gloire, en faisant de la conquête le trophée et le prix de la victoire.

le

Le 21 frimaire an 10, quatre-vingt-quinze prisonniers français furent embarqués de Bombay sur le navire de la compagnie anglaise le Cornwalis, pour être conduits en Angleterre sous l'escorte de la frégate la Brave.

·les

Le 20 janvier 1802, sur les six heures du soir, à la hauteur du cap Commorin, la frégate se trouvant hors de vue, Français profitèrent de ce moment favorable pour s'emparer du navire où ils étaient captifs, dont ils donnèrent le commandement au sieur Gaultier, l'un d'entre eux.

Arrivés à l'Ile-de-France, le 19 pluviose an 10, le juge

paix appose les scellés sur le navire, et fait transporter dans les magasins du gouvernement les effets qui se trouvaient à bord.

Le sieur Gaultier lui rend compte de ce qui s'est passé. Les officiers anglais, interrogés, ne peuvent que se louer du traitement qu'ils ont reçu de ces Français, non moins humains et généreux dans le triomphe que terribles dans le combat.

Sur les débats élevés entre le Contrôleur de la marine, qui provoquait la confiscation au profit du gouvernement, et les Français capteurs, qui la réclamaient pour eux-mêmes, un jugement du tribunal de commerce, du 29 ventôse an 10, les a renvoyés devant les juges compétens, et, néanmoins, a ordonné provisoirement la vente tant du navire que des effets, pour le prix en demeurer déposé au trésor public jusqu'au jugement définitif.

Voilà comment le Conseil des prises a été saisi.

Les capteurs ont, par l'organe de M. Jousselin, leur avocat, invoqué en leur faveur la loi du 18 vendémiaire an 2 et la jurisprudence du Conseil

Du 26 thermidor an 13, jugement rendu au rapport de M. Perceval-Grandmaison, sous la présidence de M. Berlier, par lequel:

« LE CONSEIL, Vu la loi du 18 vendémiaire an 2 et attendu qué cette loi s'applique évidemment à l'espèce présente, DÉCLARE bonne et valable la prise, faite par le sieur Gaultier et les autres prisonniers français, du navire anglais le Cornwalis; en conséquence, adjuge au profit desdits prisonniers capteurs ledit navire, ses agrès, ustensiles et apparaux, ensemble les provisions qu'il contenait, pour le tout, si fait n'a été, être vendu aux formes et de la manière prescrites par les lois et règlemens sur le fait des prises, et le produit net être remis aux capteurs, sous la déduction des retenues de droit, etc. »

« PreviousContinue »