Page images
PDF
EPUB

l'affaire, il existe sans doute un conflit négatif entre les deux autorités judiciaire et administrative, puisque toutes deux se déclarent non compétentes pour prononcer sur la même contestation; que cet état de conflit donnerait lieu au règlement de juges s'il s'élevait entre deux autorités judiciaires ayant prononcé en dernier ressort; - Mais que, d'une part, ou voit que c'est l'autorité administrative qui a contredit le renvoi qui lui a été fait par l'autorité judiciaire; que le conseil de préfecture, en prononçant le refus de connaître, n'a pas encore fait approuver sa décision par le conseil d'Etat;

SURSEOIT jusqu'à ce que les demandeurs aient fait statuer au conseil d'État sur la compétence ou incompétence de l'autorite administrative, par infirmation ou approbation de l'arrêté du conseil de préfecture du département de l'Allier.

Nota. Les règlemens de juges entre l'administration et les tribunaux, improprement qualifiés de conflits négatifs, appartiennent au Roi en son conseil d'État. (Voyez l'avis du conseil d'État, du 22 janvier 1815, et l'ordonnance du 12 décembre 1821.)

Ils s'établissent par la déclaration respective d'incompétence d'un simple juge de paix, d'un tribunal de première instance, d'une Cour royale, d'une part; et d'un préfet, d'un conseil de préfecture, d'un ministre, d'autre part. (Voyez un décret du 16 septembre 807, et une ordonnance. royale du 14 novembre 1814.).

Mais, hors de ces cas, c'est à l'autorité supérieure dans la hiérarchie, soit judiciaire, soit administrative, à prononcer sur les exceptions d'incompétence qui lui sont présentées. (Voyez un avis du conseil d'État, du 12 novembre 1811, inséré au Bulletin des lois, et les décrets des 18 juillet 1809 et 12 décembre 1811. V. Questions de droit administratif de M. de Cormenin, Prolegomènes, p. 100.)

Les conflits négatifs s'instruisent devant le comité au contentieux du conseil d'État, comme les autres affaires conten

[ocr errors]

tieuses, et par le ministère des avocats au conseil. (Ordonnance royale du 12 décembre 1821, art. 8.)

.

COUR D'APPEL DE PARIS.

Le commandement à fins d'expropriation forcée, signifié à la requête d'un créancier qui détient son débiteur en prison, en vertu d'une contrainte par corps, est-il nul pour avoir été fait au domicile et non à la personne même du détenu? (Rés. nég.)

SURET, C. BROU.

Le sieur Suret, créancier du sieur Brou, le fait écrouer en vertu d'un jugement du tribunal de commerce de Paris, portant condamnation par corps. A cette exécution rigoureuse il joint l'expropriation des biens de son débiteur. Le commandement préalable à cette poursuite est signifié au domicile du sieur Brou, rue Cérutti.

Avant l'adjudication, celui-ci provoque la nullité de la poursuite, attendu que le commandement aurait dû être fait à Sainte-Pélagie, où il était détenu, et non pas à un domicile où l'on avait d'avance la certitude de ne pas le trouver.

Le 25 fructidor an 13, jugement du tribunal civil de la Seine, qui déclare en effet ce commandement nul, ainsi que toutes les poursuites ultérieures, par ce motif, que le sieur Suret et l'huissier qui avait procédé à l'arrestation de Brou, avec consignation d'alimens, ne pouvaient ignorer où était sa personne ; que si un commandement de payer peut être fait à personne ou domicile, il n'y a plus de choix pour le créancier qui tient son débiteur sous sa main; que, l'objet du com mandement étant de mettre le débiteur en demeure de s'acquitter pour prévenir l'expropriation, le vœu de la loi exige clairement qu'il soit fait à sa persoune même, autant qu'il est possible; que l'alternative qu'elle laisse au créancier n'est qu'une faculté subsidiaire, qui suppose la difficulté de s'adresser au débiteur immédiatement, ce qui ne reçoit pas

PL

d'application au cas où le créancier retient son débiteur prisonnier, et où l'huissier qui a fait l'incarcération fait encore le commandement; que de là résulte une présomption puissante de clandestinité dans la poursuite d'expropriation, où tout ce qui tend à instruire la partie saisie est de rigueur.

Sur l'appel, le sieur Suret a dit que, l'ordonnance de 1667, tit. 2, art. 3, conforme à l'art. 9 de celle de 1539, et la loi du 11 brumaire an 7, laissant au créancier le choix de faire le commandement à la personne ou au domicile, on ne pouvait lui reprocher d'avoir adopté l'une ou l'autre partie de l'alternative; qu'il avait procédé non moins régulièrement en s'adressant au domicile de son débiteur qu'à sa personne; que l'option donnait à celui auquel elle était déférée une parfaite liberté, et que de sa détermination, telle qu'elle fût, on ne pouvait raisonnablement induire la peine de nullité que la loi ne prononçait pas, qui au contraire était directement opposée à la lettre et à l'esprit de sa disposition. — Il ajoutait que la détention momentanée du sieur Brou n'était point attributive d'un domicile nouveau dans l'asile où il subissait, par la privation de sa liberté, la peine attachée à l'inexécution de ses engagemens. Au reste, il justifiait que le sieur Brou avait eu connaissance de toutes les procédures.

--

L'intimé reproduisait les motifs des premiers juges, et invoquait au surplus la faveur de sa position.

Du 25 vendemiaire an 14, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, chambre des vacations, plaidans MM. Maréchal et Quequet, par lequel :

« LA COUR, Considérant 10 que la détention, pour dettes, dans une maison d'arrêt, ne peut constituer au détenu l'établissement d'un domicile dans cette maison, et qu'il résulte d'ailleurs des circonstances de la cause que Brou est convenu avoir connu les commandemens à lui faits, pendant sa détention, en son véritable domicile à Paris, rue Cérutti, пo 21; 2o Que les commandemens dont il s'agit ont ele faits conformément à l'ordonnance de 1667, et à la disposi

[ocr errors]

tion du Code civil; A MIs et MET l'appellation et ce dont est appel au néant : Emendant, décharge la partie de Maréchal des condamnatious contre elle prononcées; au principal, sans s'arrêter aux moyens de nullité proposés par la partie de Quequet, ordonne qu'il sera passé outre à l'adjudication par expropriation forcée des terrains et bâtimens faisant actuel lement l'objet de ladite expropriation forcée; condamne la partie de Quequet aux dépens des causes principale, d'appel et demande, etc. »

COUR DE CASSATION.

Les juges et suppléans d'un tribunal empéchés ou absens peuvent-ils être remplacés, en majorité, par des hommes de loi? (Rés. nég.)

POURVOI DE FRANÇOIS TOUZARD.

Un arrêt du 19 fructidor an 13, rendu par Fa Cour de justice criminelle de Rouen, condamuait à la peine de mort le nommé François Touzard.

Cet arrêt avait été rendu par le président et par hommes de loi.

deux

Touzard s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, pour excès de pouvoir,

La loi, disait-on dans l'intérêt du demandeur, autorise bien dans certains cas les tribunaux à suppléer l'absence d'un juge, en appelant un homme de loi pour le remplacer, parce que le cours de la justice doit être interrompu le moins qu'il est possible; mais lorsque tout un tribunal ou la pluralité des membres qui le composent se récusent, s'absentent ou sont empêchés, il est vrai de dire qu'alors il n'existe plus de tribunal; que les hommes de loi appelés, dans l'hypothèse, pour juger sont des hommes sans pouvoir, sans caractère; que leur jugement n'en est pas un ; il est évident qu'ils ont usurpé l'autorité judiciaire; que cet abus des dispositions de la loi

constitue de leur part et de la part de ceux qui les ont appelés un excès de pouvoir qu'il importe de réprimer.

Que si telle est la jurisprudence de la Cour en matière. civile, à plus forte raison doit-elle être suivie en matière criminelle, où il s'agit de l'honneur et de la vie des citoyens, où la stricte observation des lois et des formes par les tribunaux doit garantir à la société et aux prévenus la sagesse de leurs décisions.

Du 26 vendémiaire an 14, ARRÊT de la Cour de cassation, section criminelle, M. Viellart président, M. Vergès rapporteur, par lequel:

[ocr errors]

« LA COUR,— Sur les conclusions de M. Thuriot, substitut du procureur-général; Vu l'article 34 de la loi du 27 ventôse an 8, et l'art. 16 de la loi du 30 germinal an 5; Considérant que, lors des débats qui ont eu lieu le 19 fructidor an 13 contre François Touzard, la Cour de justice criminelle du département de la Seine-Inférieure a été composée du président de ladite Cour et de deux hommes de loi; Considérant qu'il résulte de l'art. 16 de la loi du 30 germinal an 5 que les tribunaux civils sont autorisés à appeler des défenseurs officieux, afin d'éviter toute espèce d'interruption dans le cours de la justice; - Que néanmoins cette loi exige impérieusement que les juges de ces tribunaux et les suppléans demeurent dans ces circonstances en majorité, lors des jugemens à rendre; - Que, s'il en est ainsi en matière civile, il doit en être de même bien plus essentiellement en matière criminelle; que la législation et la jurisprudence sont constantes sur ce point;- Que par conséquent la Cour de justice criminelle, en appelant illégalement deux hommes de loi à la place des juges et des suppléans légitimement empêchés ou absens, a commis un excès de pouvoir et violé les lois citées; CASSE, etc. D

COUR DE CASSATION.

Les tribunaux peuvent-ils se permettre d'examiner les mo

« PreviousContinue »